Plaidoiries : « les attributions du Colonel Ghislain Mboutou lui permettaient-elles d'intervenir dans la chaîne de la commande ? Nous répondons non. »
Me Mballa rame à contre courant des accusations mises à la charge de son client. L’Avocat de l’ancien chef du Secrétariat militaire adjoint au Ministère de la Défense (Mindef) évoque l’absence d’élément matériel, intentionnel… nécessaires à l’établissement de cette infraction présumée.
Par Florentin Ndatewouo
Corruption, blanchiment aggravé de capitaux, complicité de détournement de biens publics. Tels sont les infractions mises à la charge du colonel Ghislain Mboutou Elle. Hier 09 janvier de l’année en cours, les Avocats de l’ancien chef du Secrétariat militaire adjoint au Ministère de la Défense (Mindef) plaident pour le compte de leur client. Ces plaidoiries ont lieu au Tribunal criminel spécial (Tcs) à Yaoundé.
Sur les faits présumés de corruption, le Ministère public note que l'accusé Ghislain Mboutou Elle a reçu courant 2013, une enveloppe de 5000 euros de Robert Franchitti. Un an plus tard, le dirigeant de la société Magforce international offre à son interlocuteur deux salons en cuir, à l’occasion de la célébration de son second mariage.
Selon l’accusation, ces présents qui visent à récompenser des « facilités » par lui offertes, dans le cadre de l'attribution des marchés publics. Ces marchés sont relatifs à l’acquisition du matériel Habillage, couchage, camouflage, ameublement (Hcca), au Ministère camerounais de la Défense (Mindef).
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La défense s’inscrit aux antipodes de ces accusations. A l’attention du tribunal, elle fait savoir que les relations commerciales entre Robert Franchitti et Edgard Alain Mebe Ngo’o, en sa qualité de Mindef sont antérieures à l’affectation de sieur Mboutou au Ministère de la défense. « Lorsque le ministre Mebe Ngo'o arrive au Ministère de la Défense, lorsque Magforce international commence à gagner des marchés publics au Ministère de la Défense, mon client travail à la base aérienne de Douala. Lorsqu'il est affecté à Yaoundé, il ne s'est jamais occupé de ces marchés. » Me Mballa ajoute que son client « n'a jamais été un acteur dans la passation des marchés. » Le défenseur de sieur Mboutou rappelle le contenu des dépositions de l’accusé Edgard Alain Mebe Ngo’o. Il note qu’au cours de ses auditions en audience publique, l’Ex-Mindef a reconnu être « la seule personne à choisir les fournisseurs et lorsque ce choix avait été fait, aucun de ses collaborateurs ne pouvait y déroger. » Question : « Comment comprendre que le colonel Ghislain Mboutou a été rétribué par Robert Franchitti pour les marchés dont il a été adjudicataire ? »
Edgard Alain Mebe Ngo'o, Ex-ministre délégué à la Présidence chargé de la Défense, coaccusé de sieur Ghislain Mboutou Elle, poursuivi,
entre autre, pour détournement de biens publics, corruption, blanchiment aggravé de capitaux, présent à l'audience au Tcs à Yaoundé/09/01/2023.
« pacte corrupteur ? »
La partie défenderesse note que l'infraction de corruption est « atypique » aux trois éléments classiques de l'infraction. Celle-ci implique l’existence d’un « pacte corrupteur ». A cet effet, « (…) il faut un corrupteur qui offre ou accepte de rémunérer une autre personne. La deuxième personne corrompue accepte en échange d'accomplir un acte relevant de sa fonction», expose Me Mballa. « Cette infraction ne peut être constituée que s'il est clairement établi qu'il y a eu un pacte corrupteur entre mon client et Robert Franchitti. » Or, « Nulle part au cours de cette procédure, on ne nous a montré cela. »
Sur l'élément matériel, la défense précise qu’il s'agit d'une sollicitation à l'initiative du corrompu. Une démarche du corrompu qui invite son interlocuteur de façon direct ou indirect qu'il doit être rémunéré en contrepartie de l'accomplissement d'un acte. « A quel moment nous a-t-on démontré que le lieutenant-colonel Ghislain Mboutou a invité Robert Franchitti à comprendre que sans lui, il n'y aura plus de marchés publics au ministère de la défense ? Aucun. » Me Mballa d’opposer : « les attributions du Colonel Ghislain Mboutou lui permettaient-elles d'intervenir dans la chaîne de la commande ? Nous répondons non. »
Pour mettre en avant l’absence de l’élément intentionnel, l’Avocat du colonel Ghislain Mboutou Elle invoque les éléments du contexte. Il fait savoir que son client a reçu les présents querellés à l’occasion d’un évènement "malheureux": la maladie ; et un évènement "heureux" : le Mariage. « Est-ce qu'une personne qui reçoit des présents dans ces conditions a l’intention de commettre l'infraction de corruption ? Nous ne le pensons pas. »
La défense poursuit sa plaidoirie sur l’infraction présumée de blanchiment aggravé de capitaux. Elle indique que les biens meubles en cause ont été acquis avant la période des poursuites. « Notre client n'a fait que sécuriser les terres ancestrales et non blanchi les capitaux… Elles ne sont pas le produit des fonds qui auraient été acquis frauduleusement. Tout est traçable, tout est visible », martèle Me Mballa.
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« Nous vous connaissons courageuse, nous vous connaissons soucieuse du respect des procédures. Écoutez votre conscience. Donnez au colonel Ghislain Mboutou Elle sa liberté et vous aurez rendu justice » Me Mballa.
Au cours de ses réquisitions intermédiaires et finales, le représentant du Parquet général près le Tcs note que le colonel Ghislain Mboutou avait des revenus mensuels de 500 000 Fcfa. Un montant en déphasage avec ses avoirs. « Nous vous connaissons courageuse, nous vous connaissons soucieuse du respect des procédures. Écoutez votre conscience. Donnez au colonel Ghislain Mboutou Elle sa liberté et vous aurez rendu justice », plaide Me Mballa.
Bien avant cette plaidoirie, la défense du colonel Ghislain Mboutou Elle articule son propos sur l’infraction présumée du détournement de biens publics en complicité. Me Charles Nguini a par ailleurs soulevées les exceptions d’incompétences. Elles sont tirées du statut professionnel de son client. A cet effet, il demande au Tcs de se déclarer incompétent, et de renvoyer son client devant les juridictions militaires.
La suite de la cause est prévue ce 10 janvier. Elle est dédiée aux plaidoiries de l’accusé Victor Emmanuel Menye.