Le conflit entre la République fédérale de Russie et la République ukrainienne se déporte sur le terrain judiciaire. Le 02 mars de l'année en cours, le procureur général près la Cour pénale internationale (Cpi) annonce l'ouverture d'une enquête en rapport avec la situation en cours en Ukraine. Selon le Magistrat Karim Kahn, "il existe une base raisonnable pour croire que des crimes de guerre et des crimes contre l'humanité présumés ont été commis en Ukraine".
Le Parquet général envisage exploiter le rapport commandé par l'ex procureur général Fatou Ben Souda. Lequel porte sur les exactions alléguées, qui auraient été commises par les forces russes en Ukraine durant la révolution Maïdan en 2013.
La Russie sera poursuivie pour répondre des chefs présumés de "crime de guerre" et "crime contre l'humanité".
L'infraction de crime contre l'humanité est définie par l'article 07 du Statut de Rome:"1.Aux fins du présent Statut, on entend par crime contre l'humanité l'un quelconque des actes ci-après lorsqu'il est commis dans le cadre d'une attaque généralisée ou systématique lancée contre toute population civile et en connaissance de cette attaque :
a) Meurtre ;
b) Extermination ;
c) Réduction en esclavage ;
d) Déportation ou transfert forcé de population ;
e) Emprisonnement ou autre forme de privation grave de liberté physique en
violation des dispositions fondamentales du droit international ;
f) Torture ;
g) Viol, esclavage sexuel, prostitution forcée, grossesse forcée, stérilisation
forcée ou toute autre forme de violence sexuelle de gravité comparable..."
La démarche du Parquet général près la Cour pénale internationale peut-elle aboutir?
La mise en mouvement et l'exercice de l'action publique à l'encontre de la Russie fera face à des goulots d'étranglement. En effet, l'article 4(2) du Statut de Rome limite la compétence de la Cpi aux Etats parties:"(2)La Cour peut exercer ses fonctions et ses pouvoirs, comme prévu dans le présent Statut, sur le territoire de tout État Partie et, par une convention à cet effet, sur le territoire de tout autre État." Or, la Russie s'est retiré du Statut de Rome depuis 2016. De plus, l'Ukraine n'est pas signataire du Statut de Rome, bien qu'ayant reconnu la compétence de cette juridiction en 2014.
En outre, dans l'hypothèse où le Parquet général décerne un mandat d'arrêt contre les accusés, la présence aux audiences de Vladimir Poutine, président en exercice de la République fédérale de Russie n'est pas garantie.
Vladimir Poutine, président russe au cours d'une rencontre à Moscou/23/12/2020
Il convient de noter que la Cour pénale internationale a eu à condamner nombre de personnalités poursuivies pour des crimes relevant de sa compétence matérielle. A titre d'illustration, Bosco Ntaganda, l'ancien chef de guerre du Congo, a écopé de la peine de 30 ans d'emprisonnement. L'ex-commandant en chef de l'armée serbe, Ratko Mladic, a été condamné à perpétuité pour "ses crimes" pendant la guerre de Bosnie.
Des personnalités ont également fait l'objet d'acquittement. C'est le cas du président ivoirien, Laurent Gbagbo, et son ministre de la Jeunesse, Charles Blé Goudé. Poursuivis pour les faits présumés de "crime contre l'humanité", dans le cadre de la crise post-électorale de 2010 en Côte d'Ivoire, ils vont recouvrer la liberté après avoir passé 10 ans de détention provisoire à la Cpi.
Il convient de noter que les dirigeants poursuivis par la Cour pénale internationale présentent une particularité. Ils sont originaires des pays en voie de développement. Ce qui fait l'objet de récriminations à l'égard de la Cpi. Pour de nombreux observateurs, cette juridiction est à la solde des grandes puissances. Ainsi, elle souffre de son manque d'impartialité et de neutralité. Pour s'en convaincre, les regards sont rivés sur les exactions commises par l'armée française en 2011 en Lybie, à l'instigation de Nicolas Sarkozy. Longtemps avant, les incursions de l'armée américaine en 2003 en Irac, à l'initiative du président d'alors, Georges Walker Bush, appuyé par son homologue britannique, Tony Blair. Paradoxalement, ces derniers n'ont aucunement été appelés à répondre de leurs actes devant la Cpi.
Une situation qui trahit la violation du principe de l'égalité de tous devant la loi. Lequel principe est consacré par divers instruments juridiques internationaux, notamment article 2 de la charte des Nations Unies :"Article 2
L'Organisation des Nations Unies et ses Membres, dans la poursuite des buts énoncés à l'article1, doivent agir conformément aux principes suivants :
1. L'Organisation est fondée sur le principe de l'égalité souveraine de tous ses Membres." L'hôpital ne se moque-t-elle pas royalement de la charité?