Charles Metouck : « L'énoncé même de cette accusation montre l'embarras dans laquelle elle se trouve. »
L’ancien directeur général de la Société de raffinage, Sonara est entendu à l’audience du 26 mars de l’année en cours au Tribunal criminel spécial. Au cours de son interrogatoire principal, il réfute le chef de détournement de biens publics 20 milliards 440 millions 162 mille 793 Fcfa mise à son actif, au titre des quantités vendus et non facturées des produits pétroliers.
Par Florentin Ndatewouo
Me Marius Alima :
Vous êtes accusé d’avoir détourné la somme de 20 milliard 440 millions 162 mille 796 mille Fcfa, en occupant le poste de directeur général cumulativement avec celui de directeur commercial. Avez-vous cumulé pendant la période de 2007 à 2010, cumulé effectivement ces deux postes ?
Charles Metouck :
La somme est quand-même importante. 20 milliards Fcfa représente le tiers de la somme qui nous est reprochée dans ce dossier. Il faut au moins un minimum de pièces. Là, il s'agit d'une situation où c'est moi qui doit apporter la preuve de mon innocence.
Je n'ai jamais été directeur commercial, mais directeur général et seulement directeur général durant la période suscitée.
En tant que directeur général, je coiffais tous les directeurs opérationnels. Je n'avais donc pas besoin de m'affabuler une autre fonction inférieure à la mienne. Il semblerait que le forfait que j'aurais commis viendrait du fait que le Conseil d'administration m'aurait, maintes fois, demandé de pouvoir à ce poste que j'ai refusé de le faire. Les décisions du Conseil d'administration se font soit par procès-verbal ou pas résolution. Pourquoi l'accusation ne produit pas ces procès-verbaux ou résolution du conseil d'administration de la Sonara qui m’aurait demandé, avec insistance, de pouvoir à ce poste qui aurait été occupée par l’entreprise Total. Total n'a jamais été directeur commercial, mais alors jamais. C'est facile d'accuser. Mais si seulement on avait sorti une résolution du Conseil d'administration ou un procès-verbal qui confirme ce qu’affirme l'accusation, alors, je serais confondu.
Le poste de directeur commercial avait été supprimé par le Conseil d'administration lors de la restructuration de l'entreprise en 2005. 03 postes avaient été supprimés au cours d'un Conseil d'administration tenu entre mai juin 2005.
J'ai demandé qu'il me soit remis cette résolution du Conseil d'administration du 09 juin 2005. Mais la partie civile estime qu'elle ne les a pas. Voyez-vous la malice de la partie civile ? Total n'a jamais occupé ce poste auparavant contrairement à ce qui a été dit par l'accusation.
La période de contrôle de la mission va de 2007 à 2010. La suppression du poste par le Conseil d'administration est faite en 2005. Comment le Conseil d'administration peut-il demander de pourvoir à un poste qui n'existait plus? Si cela avait été le cas, le Conseil d'administration aurait pu indiquer la date. Même le Conseil d'administration n'est pas en mesure de le faire. C'est complément inexacte.
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Me Marius Alima :
Que pouvez-vous dire au tribunal sur la méthode de calcul utilisée par les inspecteurs du Consupe (Conseil supérieur de l’Etat, Ndlr) porté dans l'ordonnance de renvoi, pour dégager le montant de 20 milliards 440 millions 162 mille 793 Fcfa, au titre des quantités vendus et non facturées?
Charles Metouck:
L'énoncé même de cette accusation montre l'embarras dans laquelle elle se trouve. Commençons par la méthode utilisée par l'accusation. La méthode consiste à dire que la Direction d'exploitation après avoir produit les produits pétroliers, met à disposition pour le service commercial cette quantité de produits pétroliers... Il ne s'agit pas de l'achat suivi de la vente. On a oublié de tenir compte de la complexité qu'il y a entre les produits qui sont mis à disposition et les circuits de vente.
Je n'ai jamais vu d'inspecteurs. Aucune confrontation n'a été faite.
Le système n'a pas été compris ou, on n'a pas cherché à le comprendre. Je commence par les ventes. Monsieur Metouck ne pouvait pas être à la fois Directeur général et vendre les produits pétroliers. Ce n'est pas possible. D'abord, pour vendre il faut facturer. On n'a pas voulu suivre le cycle de vente de la Sonara(Société nationale de raffinage, Ndlr). La Sonara ne vend pas directement aux marqueteurs. La Scdp (Société camerounaise de dépôt des produits pétroliers, Ndlr) a été instaurée comme stockeur national et unique des produits pétroliers par un texte gouvernemental. La Scdp possède un dépôt à Bafoussam, Douala, Yaoundé, Ngaoundere et Belabo, soit 05 dépôts.
En début de chaque mois, les marqueteurs passent leurs commandes. Leurs commandes sont passées à la Scdp et à la Sonara. De ce fait donc, la Sonara transfert au dépôt de la Scdp, des produits, d'une part directement de Limbe vers Bafoussam, et de Limbe jusqu'à Douala. C'est Douala qui se charge des transferts à l'intérieur du territoire national.
J'ai utilisé le mot « transfert » parce que la Scdp n'est pas un client de la Sonara. La Sonara est un fournisseur de la Scdp. Les transferts ne se font que la base des commandes envoyées par les marqueteurs en avance pour satisfaire au mieux les besoins du marché.
La Scdp dispatch produit par produit, marqueteur par marqueteur. Seule la Scdp dispatch les produits. Le 15 de chaque mois, le Dg de la Sonara se déplace pour la Scdp. Il est établi 5 états entre la Scdp et la Sonara, des états contradictoires entre les produits pétroliers livrés par la Scdp aux marqueteurs dans chaque région. Ces états sont ensuite signés par le Dg de la Sonara et le Dg de la Scdp. C'est donc ces états contradictoires qui amènent la Sonara à établir une facture au vu de ce qui a été établi. Ces factures sont ensuite signées et envoyées aux marqueteurs par la Sonara pour recouvrement. Dans son travail, la Scdp perçoit une taxe de passage payée par les marqueteurs.
Il y a les inventaires des fins d'exercice qui sont faits par les commissaires aux comptes.
Le consupe ne s'est pas rapproché de la direction financière pour avoir ces éléments. Ces quantités ne représentent pas la réalité des faits parce qu'on a pas tenu compte de la quantité des stocks. Les prix de la Sonara n’étaient pas fixes à l'époque. Les prix variaient en fonction de la production du brut. On ne le percevait pas à la pompe parce que l'État subventionnait. Mais au niveau de la Sonara, ces prix variaient d'un mois à l'autre. On ne peut dont pas faire la moyenne des prix des différents produits sans tenir compte de ces données. Voilà la faiblesse de cette accusation.
La douane reçoit les droits sur les produits vendus par la Sonara. Pensez-vous monsieur le Président, que la douane puisse fermer les yeux sur la vente de produits pétroliers que j'aurais effectuée? Tous les produits qui sortent de la Sonara sont surveillés par la douane. Elle y a intérêt parce qu'elle possède 30% de la valeur des produits sortis. 10% de droit de douane et 19,25% de Tva (Taxe sur la valeur ajoutée, Ndlr).
On déclare que j'ai vendu des produits. La police judiciaire dispose des moyens pour investiguer et découvrir à qui j'ai vendu. Mais on ne sait même pas à qui j'ai vendu ces produits.
Pour recouvrer les fonds, il faut des factures. Où sont ces factures ? L'accusation ne les a pas produites. Les quantités évoquées sont établies dans des conditions comptables peu catholiques que je n'ose plus évoquer. Vous comprenez Monsieur le Président, honorables membres de la Collégialité, je ne suis pas vendeur des produits de la Sonara. Cette accusation n'a aucun fondement, aucune explication et aucune preuve probante.
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Me Marius Alima :
Vous êtes également accusé du détournement des recettes d’un montant de 08 milliards 425 millions 140 mille 224 Fcfa, par la non comptabilisation des factures des ventes des produits. Pouvez-vous dire au tribunal si c'est le directeur général que vous étiez à l'époque qui avait la charge d'enregistrer et comptabiliser les factures, sinon quel était le service en charge de ces tâches ?
Charles Metouck :
Avec ces accusations, mes attributions du Directeur général de la Sonara ont été complètement modifiées. Le Directeur général que j'étais n'était chargé ni du recouvrement, ni de l'enregistrement, encore moins, de la comptabilisation des créances de la société. Ce n'est pas le rôle du Dg. Dans l'organigramme que je vous ai présenté tout à l'heure, il y a une Direction qui s'en occupe, c'est la Direction financière. Et dans cette direction, les services comptables, les services de recouvrement y sont logés, chacun dans sa responsabilité.
Me Marius Alima :
Que pouvez-vous dire au tribunal sur le fait que d'après l'accusation, certains paiement déclaré par les marqueteurs, d'un montant total de 08 milliards 447 millions 872 mille 315,79 Fcfa, n'ont pas été enregistrés et comptabilisé, et n'apparaissent pas dans les états de recouvrement de la Sonara?
Charles Metouck :
Le Directeur général n'est pas chargé de ce genre d'opérations dans une société de la taille de la Sonara qui est suffisamment hiérarchisée. Devant la persistance de cette accusation, j'ai été amené à consulter mes collaborateurs en particulier ceux chargés de la comptabilisation.
Ces collaborateurs m'ont expliqués comment ça se passe et m'ont apportés les éléments nécessaires pour le défendre.
J'ai expliqué qu'une fois que les factures sont émises, elles sont transmises à la comptabilité. Quand une livraison est faite et qu'une facture est établie au nom d'un marqueteur, qu'il s'y est glissé une erreur, on fait un avoir et on indique sur celui-ci la facture qui est annulée. Ensuite, on établit une troisième facture qui corrige les erreurs précédentes. C'est ainsi que ça marche dans la facturation. Une fois la facture validée au service facturation, elle est transférée au service de la comptabilité pour comptabilisation. Si le client est un client qui ne bénéficie pas du crédit, il paie une avance, et la facture vient solder le montant restant. Dans ce cas, il n'y a pas besoin de recouvrement parce que la facture est payée d'avance.
Si le client est donc à terme, il dispose de 30 jours pour payer. Si au terme de 30 jours le client ne paie pas, le service de recouvrement logé dans la direction financière entre en jeu pour essayer de recouvrer le montant dû.
Si le client paie à terme, à la date prévue, on constate et on comptabilise dans le livre comptable.
En résumé, toutes les opérations sont enregistrées dans le grand livre.