Mefiro Pempémé Inoussa: « Avec la machine querellée, je faisais uniquement des notes pour le secrétariat comme tout le monde. »
Entendu dans le cadre du contre-interrogatoire en date du 20 et 21 novembre dernier au Tribunal criminel spécial (Tcs) de Yaoundé, l’accusé répond aux interpellations liées à l’usage du poste 1255, incriminé dans la suppression frauduleuse des avances de soldes et de pensions au Ministère des Finances. A l’époque des faits, il officie au service de l’assainissement du fichier solde de l’Etat.
Par Florentin Ndatewouo
Me Kamga (Avocat de l’accusé Emmanuel Leubou) :
Vous avez déclaré que monsieur Amadou Haman ne sait pas lire, il ne sait pas écrire, il ne sait pas allumer un ordinateur et l'éteindre. Déclaration faite par sieur Mefiro à l'instruction. Confirmez-vous ces propos ?
Mefiro Pempémé Inoussa:
Oui, je confirme mes propos.
Quand je suis arrivé à la cellule d'assainissement du fichier solde du Ministère des Finances (Minfi), vu la façon de se comporter avec les autres collaborateurs, je me suis dit que monsieur Amadou était un collègue. Il s'est rapproché de moi pour me demander comment on allume un ordinateur, comment on fait les notes et comment on calcule les soldes. La question m'a beaucoup gêné. Je lui ai posé la question de savoir comment est-ce qu'il pouvait ne pas savoir exécuter toutes ces tâches avec tous le travail qui lui était confié ? Je ne lui ai rien appris.
Me Kamga :
Que pensez-vous de cette déclaration de monsieur Amadou pendant la confrontation le 30 septembre 2019:"Je me souviens. Un jour, je n'étais pas là. Je suis arrivé aux environs de 12h. Mefiro était venu me demander s'il n'y a plus antilope sur le poste. Je lui ai dit que je viens juste d'arriver ?
Mefiro Pempémé Inoussa:
Je ne lui avais pas posé cette question puisque j'avais accès à la machine.
Je reconnais une chose. Il avait demandé à monsieur Amadou de ne plus s'assoir devant les machines à la porte 226.
Monsieur Segni a demandé pourquoi il veut le souiller devant les autres ? Pourquoi il empêche de nourrir sa famille ? Monsieur Segni a ensuite interdit à monsieur Amadou l'accès à la porte 224. Une convocation avait été déposée à la porte 227. Je l’ai réceptionnée. Ensuite, j’ai appelé sieur Amadou. Il se trouvait à Maroua. Je lui ai demandé de venir répondre à cette convocation. Cette convocation n'a pas été déchargée. C'est à la suite de cela que la hiérarchie a saisi le corps spécialisé.
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Me Kamga :
Vous avez déclaré lors de votre EXAMINATION IN CHIEF que l'ordinateur qui a été déposé sur votre table en mai 2015, a été connecté au réseau en janvier 2016. Qui a procédé à cette connexion ?
Mefiro Pempémé Inoussa:
Je ne sais pas qui a procédé à cette connexion. Je tiens à préciser que cette machine n'était pas la mienne. C'est en raison de l'étroitesse du bureau que cette machine était placée sur mon bureau. Nous sommes au nombre de 10 dans le bureau. Tout le monde utilise cette machine.
Me Kamga :
Vous avez déclaré que pour accomplir vos tâches de renseignement, il vous fallait l'application Antilope. Comment avez-vous pu effectuer celles-ci de mars 2015 à janvier 2016 à la porte 226 alors que vous affirmez que votre ordinateur n'était pas connecté au réseau et n'avait pas internet?
Mefiro Pempémé Inoussa:
Il y avait d'autres machines qui étaient connectées que nous pouvions utiliser.
Me Kamga :
Monsieur Amadou Haman utilisait-il cette machine ?
Mefiro Pempémé Inoussa:
Monsieur Amadou Haman ne pouvait pas utiliser cette machine.
Me Kamga :
Que vous inspire alors votre déclaration à l'enquête préliminaire, répondant à la question de savoir si vous êtes le seul utilisateur du poste 1255, vous déclarez : « J’ai utilisé ce poste de 2015 à 2016. Je n'étais pas le seul qui utilisait ce poste. Nous étions à 10 dans ce bureau et tout ce monde avait accès à toutes les machines. Il y avait donc moi, y compris monsieur Amadou... Je précise qu'à l'époque où j'utilisais ce poste, il n'y avait pas de mot de passe. »
Mefiro Pempémé Inoussa:
Je pense que là c'était ma première audition.
Lorsque je parle de coursier Amadou, c'est pour l'exclure des dix qui utilisaient ce poste. C'est à la première audition que j'ai appris qu'on utilisait les USERS qui ont les numéros de poste.
Dans mon esprit, Amadou n'était pas un utilisateur.
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Me Kamga
Que vous inspire cette déclaration de monsieur Bitek qui comme vous l'avez dit était l'administrateur réseau: "Suite au conflit avec monsieur Amadou, il était venu s'en prendre à moi, avant d'aller appeler à nouveau son informaticien qui lui a donné le poste 1067. Il a verrouillé sa machine pour qu'on ne puisse plus y accéder à son absence ?
Mefiro Pempémé Inoussa:
Je n'étais pas au courant de l'altercation entre monsieur Bitek et Amadou. Le poste 1067 est selon monsieur Bitek, le numéro de poste initial de cette machine selon le répertoire. Selon ce même répertoire, le 1255 n'appartient à personne. Je ne sais pas à quel moment, il y aurait eu des changements.
Le 1067 n'était pas répertorié.
Me Kamga :
Que vous inspire cette déclaration de monsieur Amadou Haman, répondant à la question sur le titulaire du poste de travail 1255, il déclare :"Moi je ne connais pas utiliser l'ordinateur. C'est clair. Vous êtes des aînés je dois vous dire la vérité. C'est la machine de Mefiro. Lorsqu'on l'a placée pour Mefiro, elle était neuve.
Mefiro Pempémé Inoussa:
Monsieur Amadou est mieux placé pour répondre à cette question. Il sait pourquoi il a affirmé cela.
Je n'étais pas titulaire de cette machine. Mais, elle était posée sur ma table. Cette machine était neuve lorsqu'elle est arrivée en mai 2015. C'est moi qui l’ai connectée à ses périphériques. Mais, elle n'était pas connectée au réseau antilope, ni à internet.
Emmanuel Leubou :
Qui vous avez attribué le user que vous utilisiez ?
Mefiro Pempémé Inoussa:
Quand je suis arrivé, monsieur Yede Michel, chef de bureau m'a donné les accès. Je ne connaissais pas qu'il s'agit du USER. C’est auprès des éléments du corps spécialisé du Tcs que j'ai connu le terme « USER ». C'est lors de la confrontation que monsieur Leubou a expliqué ce que c'est qu'un USER.
Emmanuel Leubou :
Étiez-vous déjà venu me voir pour changer votre mot de passe ?
Mefiro Pempémé Inoussa:
Je n'ai jamais eu de mot de passe
Emmanuel Leubou :
Selon vous pourquoi vos collègues de la porte 226 faisaient venir des informaticiens d'ailleurs pour configurer vos postes de travail ?
Mefiro Pempémé Inoussa:
Je ne sais pas ce que vous entendez par « informaticiens d'ailleurs. » Je sais quand-même que le personnel du Cenadi intervenait à cette période-là, de même que ceux de la direction du personnel de la solde. Par la suite, il y a eu une note qui interdisait aux techniciens du Cenadi de venir travailler à la direction du personnel de la pension et de la solde. Je sais que dans mon esprit, le personnel de la solde et le Cenadi travaillent ensemble.
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Me Francis Choupo (Avocat de l’accusé Amadou Haman)
Qui était le responsable de ce service à la porte 225?
Mefiro Pempémé Inoussa:
Dans ce bureau, nous avons deux chefs : Madame Mvondo et
monsieur Yede Michel
Me Francis Choupo :
Au cours de son audition le 14 novembre 2018, monsieur Yede Michel déclare :"La seule chose que je peux dire est que monsieur Amadou Haman ne faisait pas partie de nos effectifs. Il s'est familiarisé avec nous par la relation qu'il avait avec certains de nos collègues et de ce fait, il est devenu notre garçon de course. Donc, il rendait service à tout le monde quand on faisait appelle à lui. Par exemple, dans le cadre du voir bébé, c'est lui qui accompagnait les femmes au marché. Quand on voulait manger, c'est lui qu'on envoyait à la brique pour nous acheter à manger. C'est lui qui faisait nos courses personnelles. Est-ce que cette déclaration de l'un des responsables de la porte 226 correspond exactement à ce à quoi était assigné monsieur Amadou Haman?
Mefiro Pempémé Inoussa:
Oui, pendant mon séjour, il était coursier.
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Me Francis Choupo:
Pouvez-vous dire au tribunal si monsieur Amadou Haman était attributaire d'un poste de travail dans ce bureau. Si oui, lequel ?
Mefiro Pempémé Inoussa:
Pendant mon séjour à la porte 226, il n'était pas attributaire d'un poste de travail.
Me Francis Choupo :
Étiez-vous présent lors de la descente des enquêteurs à la porte 225 du corps spécialisé pour des simulations?
Mefiro Pempémé Inoussa:
Non.
Me Francis Choupo :
Vous avez indiqué être celui qui a informé sieur Amadou Hamann de ce qu'il y avait une plainte contre lui. Avait-il spontanément déféré à cette convocation ?
Mefiro Pempémé Inoussa:
Je ne peux plus m’en rappeler.
Au téléphone, je lui ai dit, si tu ne te reproches de rien, il faut venir. Il a quitté Maroua, il est arrivé.
Me Francis Choupo :
Vous avez déclaré que monsieur Amadou vous avait demandé de lui apprendre comment utiliser le USER. Est-ce qu'à l'occasion, il vous a déclaré être en possession du USER de madame Lefang ou d'un quelconque responsable du Minfi ?
Mefiro Pempémé Inoussa:
Non.
Me Francis Choupo :
Vous avez produit les bulletins de paie qui ont été admis comme pièces à conviction pour justifier avoir déjà bénéficié des avances de solde. Est-ce qu'un jour, monsieur Amadou Haman vous a confié avoir bénéficié d'une avance de solde ?
Mefiro Pempémé Inoussa:
Non.
Me Francis Choupo :
Concluant votre audition devant le juge d'instruction le 18 juillet 2018, vous déclarez: "par ailleurs, il me semble que pour que la vérité soit établie, il suffit de repositionner les ordres de recettes à ceux qui ont bénéficié des suppressions car, si des personnes sont privées de leur solde, elles seront prêtes à dénoncer ceux qui ont facilité ces suppressions. Est-ce que telle demeure votre proposition pour permettre à l'État de recouvrer son argent ?
Mefiro Pempémé Inoussa:
Je maintiens cette proposition.
Partie civile
Me Akama Loïc :
Il ressort du rapport d'expertise, page 23, 24, que le poste 1255 a effectué non seulement des suppressions, mais aussi les créations de remboursement des avances sur soldes, au total 08 en 2015. Comment pouvez-vous expliquer cela?
Mefiro Pempémé Inoussa:
Je ne peux pas donner des explications par rapport à cet élément. C'est ce qui m'amène d'ailleurs devant ce tribunal. Je cherche aussi à comprendre cela. Avec la machine querellée, je faisais uniquement des notes pour le secrétariat comme tout le monde. Ce sont les paramètres que seuls les informaticiens comprennent.
Me Akama Loïc :
Vous avez affirmé que vos horaires de travail étaient de 09h à 15h30. Toujours d'après le rapport d'expertise, page 35, les suppressions ont été effectuées depuis le poste que vous utilisiez le 08 janvier 2016, entre 18h21 minutes et 18h55. Pouvez-vous fournir au tribunal une pièce, un registre de présence, attestant de ce que vous n'étiez plus au travail à cette heure-là ?
Mefiro Pempémé Inoussa:
J'arrivais au travail à 07h et je rentrais à 15h. On n'a pas des fiches de présence chez nous. Ce n'est que cette année qu'on a installé la biométrie.
CROSS Examination du Ministère public.
Le Ministère public :
Est-ce que le fait que Amadou Haman se soit adressé plutôt à vous, nouvellement arrivé à la porte 226, pour présenter sa situation et solliciter votre aide, est ce que cela ne vous a pas intrigué ?
Mefiro Pempémé Inoussa:
Il ne m'a pas présenté sa situation. Il m'a demandé de l'aider. J'étais surpris de constater que quelqu'un qui est là depuis un moment ne savait pas utiliser la machine.
Le Ministère public :
Est-ce que vous lui avez demandé ce qu'il faisait là-bas ?
Mefiro Pempémé Inoussa:
La seule question que je lui ai posée était celle de savoir comment est-ce qu'il fait pour ne pas être capable d'utiliser l'outil informatique, calculer les soldes alors qu'il est ancien dans ce bureau ? Il m'a dit qu'il n'était pas encore contractualisé, qu'il était temporaire. J'ai constaté qu'il ne savait pas lire et écrire.
La cause est renvoyée au 27 décembre