Extrait de l’ouvrage: Sous les bandeaux de Thémis, les larmes : Panser et repenser la Justice camerounaise auteur, ulrich xavier ovono ondoua.
Revoir l’organisation et le fonctionnement du Conseil supérieur de la magistrature.
Pages 91, 92, 93
La première modification à apporter, de mon point de vue, est la composition du Conseil Supérieur de la Magistrature. Les parlementaires, devraient être exclus de ce Conseil. La séparation des pouvoirs l’exige. Dans une dynamique prospective, le Chef de l’Etat devrait cesser d’être Président du Conseil Supérieur de la Magistrature au profit du Premier Président de la Cour Suprême. Dans l’hypothèse de la création d’une Cour administrative Supérieure et d’une Cour des comptes, les Présidents respectifs de ces juridictions, devront occuper chacun les fonctions de Vice – président. L’argument avancé par les défenseurs de la Présidence du Conseil Supérieur de la Magistrature par le Chef de l’Etat, est l’évitement d’un gouvernement des juges. Cet argument audible se heurte quand même à la contemplation des autres systèmes institutionnels où, bien que le Chef de l’Etat ne préside point le Conseil, l’on n’a jamais assisté à un gouvernement des juges.
En France par exemple, depuis la réforme constitutionnelle de 2008, le Président de la République ne préside plus le Conseil Supérieur de la Magistrature. L’on n’y a pas vu s’installer un gouvernement des juges. Il faut rappeler à cet égard que l’amalgame est entretenu en ce que l’on confond présidence du Conseil et pouvoir de décision du Chef de l’Etat. Le contentieux disciplinaire des magistrats doit se faire à l’intérieur du Conseil hors la présence du Chef de l’Etat qui pourrait prendre ultérieurement, les actes de sanction retenus par ledit organe. La composition du Conseil Supérieur de la Magistrature devrait par ailleurs refléter la diversité des positions de travail des magistrats et le nécessaire besoin d’y faire participer directement, le peuple à travers des personnes qualifiées, n’étant point des élus, mais proposées par les deux chambres du parlement, après un vote en commission.
Dans la perspective de la poursuite de l’intégrité de cette institution, et en prenant appui de l’évocation de la divinité dans le serment du magistrat camerounais, deux personnalités religieuses, élues par leurs pairs de toutes les confessions, peuvent être admises à faire partie du Conseil. Dans l’hypothèse où le syndicat de la magistrature venait à être créé, le président du syndicat devrait en être membre.
Les présidents de Cour d’appel devraient être membres de droit du Conseil Supérieur de la Magistrature et les procureurs généraux, membres de droit de la Commission de discipline des magistrats du parquet. Le Ministre de la justice, devrait être le représentant du Chef de l’Etat au Conseil Supérieur de la Magistrature en ce que c’est lui qui concourt, avec les autres acteurs à la régulation des politiques publiques dans le domaine de la justice. Le Garde des sceaux devrait en rester le Vice – président ou l’un des vice – présidents en cas de pluralité des Présidents de cours supérieures. Chaque catégorie devrait y être représentée, des magistrats du premier grade aux magistrats hors hiérarchie. Cela permettrait d’avoir une approche réaliste des problématiques vécues au quotidien. Le mandat des membres du Conseil, le Secrétaire permanent inclus, pourrait être de 6 ans non renouvelable. Cela permettra une rotation et un renouvellement des approches dans la gestion de cette institution.
Outre les questions disciplinaires, le Conseil Supérieur de la Magistrature se doit d’être une institution autonome chargée de réfléchir aux politiques publiques dans le domaine de la justice et spécifiquement d’assurer, comme le Conseil Canadien de la Magistrature, la promotion de l’éthique et de l’indépendance des magistrats. Il doit rendre des avis et formuler des propositions sur le fonctionnement de la justice. Pour plus d’efficacité, il ne devra plus être l’instance chargée de préparer les affectations, mutations et autres promotions des magistrats. Les actes liés à la mobilité des magistrats devront être préparés, pour les magistrats du parquet, par le ministère de la justice et pour les magistrats du siège, par la commission à créer au sein de la cour suprême. Cette déconcentration des tâches de mobilité, renforce l’indépendance du juge dont l’inamovibilité devra être restaurée dans la loi envisagée, portant Statut de la magistrature.
Le Conseil Supérieur de la Magistrature devra également procéder à l’évaluation de l’action de la justice et soumettre son rapport au Chef de l’Etat pour les mesures de correction ou de modernisation à envisager. Il s’agit en réalité d’une institution ayant deux fonctions. Une fonction consultative et une fonction contentieuse, ayant en son sein un double degré de juridiction, destiné à connaître des procédures disciplinaires contre les magistrats. Cette institution devrait donc avoir un siège, un personnel et un budget autonome. En lui enlevant les fonctions liées à la gestion des ressources humaines, elle sera plus opérationnelle.