Edgard Alain Mebe Ngo’o : « L’un de mes petits-enfants a dit à ses parents : Papa n’allons plus chez papi Mbombo. Notre maitresse nous a dit qu’ils ont volé. »
Au cours de sa première prise de parole hier 25 mai devant le Tribunal criminel spécial (Tcs) à Yaoundé, l’Ex-ministre délégué à la Présidence chargé de la Défense, dénonce dans son propos liminaire, la violation de son droit à la présomption d’innocence : « j’étais déjà condamné avant même d’être jugé. »
Par Florentin Ndatewouo
Il m’a semblé utile qu’à l’entame de cette phase du jugement, que je vous dise que de par mon éducation, ma formation, les responsabilités qui m’ont été données d’assumer dans le passé, j’ai toujours été, et je demeure respectueux des institutions de la République. Je tiens à ce que cela soit su afin que nul n’en ignore.
J’ai toujours et je demeure fidèle, loyal, déférant en la personne du président de la République qui incarne ces institutions. En plus de ce respect, et à travers les responsabilités que j’ai assumées, j’ai œuvré à la protection de ces institutions. C’est la raison pour laquelle depuis 02 ans et 02 mois que nous sommes en détention, mon épouse et moi avons mis un point d’honneur à obtempérer. Silencieux et stoïques, à toutes les sollicitations de la Justice, et à montrer l’exemple que nul n’est au-dessus de la loi.
Mais, je manquerais à mon devoir de sincérité, si je ne vous disais que je suis perplexe. La perplexité, c’est quand on se pose des questions dont on n’a pas de réponses. Je suis perplexe face aux péripéties qui ont émaillé cette procédure judiciaire.
Je ne les citerai pas toutes. Du 04 au 08 mars 2019, mon épouse et moi-même avons été assignés de fait à résidence surveillée à notre résidence à Odza par un dispositif de 70 éléments de forces de sécurité. Le dispositif s’est installé sur tout le périmètre de notre résidence.
Je mets en exergue l’atteinte du sacro-saint principe de la présomption d’innocence. Cette mise en scène était de notoriété publique dans l’opinion nationale et internationale, relayée par une chaine de télévision nationale et reprise par les journaux et les réseaux sociaux. La conséquence est le fait que j’étais déjà condamné avant même d’être jugé. Je suis grand-père de plusieurs petits-fils. L’un de mes petits enfants a dit à ses parents : « papa n’allons plus chez papi mbombo. Notre maitresse nous a dit qu’ils ont volé. » Cela veut dire madame la présidente que l’opinion a été manipulée.
Nous avons été mis en détention sur la base d’une lettre tronquée de l’Anif (Agence nationale des investigations financières).
Insécurité
Tout en continuant d’avoir foi en la Justice, nous éprouvons un sentiment d’insécurité juridique, doublé d’acharnement et même d’inhumanité.
Lorsque mon épouse rejoint la prison, on la sort manu militari d’une clinique de la place. Ses perfusions lui sont retirées. On l’emmène en prison où, s’il vous plait, elle a failli décéder. Par la suite, ayant été l’une des premières victimes du Covid-19, elle est conduite à l’hôpital centrale de Yaoundé. Après 10 jours, elle est encore sortie et brutalisée par les éléments de l’administration pénitentiaire, devant les regards ahuris du personnel médical.
J’ai échappé à deux tentatives d’assassinat. J’ai été ministre délégué à la Présidence de la République chargé de la Défense et je sais de quoi je parle. La première, au cours des émeutes survenues le 22 juillet 2019 à la prison centrale de Kondengui. La deuxième, le 04 février 2021.
Les infractions qui me sont reprochés sont supposées avoir été commises du temps où j’exerçais comme ministre délégué à la Présidence chargé de la Défense. Je ne vous apprendrais rien en vous disant que la majorité des informations relatives à ces accusations sont couverts du secret défense. Ces informations concernent le renseignement, des procédés à caractère militaire, d’origine gouvernementale ou diplomatique, dont la divulgation auprès des personnes non autorisées peut nuire, hypothéquer et remettre en cause la défense nationale.
Naturellement, je ne suis plus ministre de la défense. Mais, je demeure astreint à l’observation de cette obligation. Toutefois, par respect pour la Justice qui est rendue au nom du peuple camerounais, et par respect pour votre auguste juridiction, et par respect pour vous-même, j’ai choisi de répondre aux questions qui me seront posées. Mais, je le ferai dans la limite des contraintes que m’imposent ces obligations.
Je terminerais par une doléance, c’est de solliciter l’indulgence du Tribunal si je me montre nuancé, circonspect, et si je ne réponds pas à certaines questions. Je m’excuse si j’ai été long. Je crois que cela était nécessaire.