Affaire CAMWATER: Jean Parfait Koé soutient la légalité de son mandat de recouvrement
La partie défendéresse est entendue à l'audience du 07 décembre dernier. Dans ses dépositions au Tribunal criminel spécial (Tcs) de Yaoundé, il s'oppose à la thèse de l'enrichissement sans cause, à lui imputée par l'accusation.
Par Florentin Ndatewouo
La légalité du mandat délivré par la CAMEROON WATER UTILIES CORPORATION (CAMWATER) à la société Ko and Ko est l'objet de controverses. Pour le Ministère public, le recours de la CAMWATER, entreprise publique à une entité privée, à l'effet de rentrer en possession de ses créances à l'État est "(...) une généralisation de la concusion et de la corruption sur le plan pénal et un enrichissement sans cause au plan civil, surtout si toutes les administrations publiques adoptaient cette logique de recouvrement de leur créances auprès de l'État."
Jean Parfait Koé ne partage pas cet avis: "Je ne pense pas que le recouvrement était proscrit. Ça ne saurait être un enrichissement sans cause parce que j'ai travaillé. Les faits sont là et parlent d'eux-mêmes." L'accusé de préciser: "les créances de 2012 ont été engagées en 2015 après la signature de mon contrat. Ce n'est pas un fait du hasard, j'ai travaillé."
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Jean Parfait Koé réagit ainsi à l'audience du 07 décembre dernier. Il est contreinterrogé par l'Avocat général au Tribunal criminel spécial (Tcs) de Yaoundé:"(...)Est-ce que le simple fait pour votre société KO and KO d'adresser des lettres à la CAMWATER avait pour effet de débloquer des créances de la CAMWATER auprès du Minfi?" Jean Parfait Koé est affirmatif:"Oui. Que dit ses correspondances? Je rendais compte de mes démarches au directeur général des rencontres avec les responsables de la dépense publique, chargés de la procédure d'exécution de la dépense publique à partir du début."
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La défenderesse se livre à la description du processus de recouvrement des créances de la CAMWATER auprès du Ministère des Finances. Les opérations y relatives débutent à la cellule des engagements des sociétés à capital public. "J'allais à la division des participations et des contributions, là où les décisions sont prises. Ces décisions montaient par la suite à la Direction générale du budget pour visa. Puis, elle soumettait cette décision au secrétaire général qui, à son tour, la soumettait au Minfi pour signature."
"Malgré les réunions avec les responsables du Ministère des Finances, les instructions venant de la présidence de la République, rien n'avait été fait. C'est la raison pour laquelle non seulement ses créances ont été engagées, mais en un bref temps, elles ont été payées", dixit Jean Parfait Koé, accusé.
Au cours de son exposé, Jean Parfait Koé met en évidence les qualités d'éveil et de vigilence dans le processus de recouvrement: "Si vous ne suivez pas ces dossiers, ils disparaissent dans un tiroir. Une fois que la décision est signée, elle revenait au service émetteur. Celui-ci procédait à l'engagement et le directeur général du budget signait."
Les réponses fournies par la défenderesse ne suffisent pas à convaincre l'accusation:"Que répondez-vous au Ministère public qui continue d'affirmer qu'à la limite, vous vous êtes renseigné dans les services du Minfi sur l'engagement normal des créances de la CAMWATER afin d'adresser des messages à la CAMWATER en vous faisant passer pour le catalyseur des engagements ?"
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Jean Parfait Koe demeure constant dans ses dépositions:"On ne saurait falsifier l'histoire. Monsieur Sollo l'a dit ici, lui directeur général de la CAMWATER dans cette salle. Malgré les réunions avec les responsables du Ministère des Finances, les instructions venant de la présidence de la République, rien n'avait été fait. C'est la raison pour laquelle non seulement ses créances ont été engagées, mais en un bref temps, elles ont été payées." La défenderesse de renchérire: "Penser que l'on est assis dans son bureau à Douala et qu'on va payer cette créances est une vue de l'esprit, sans fondement concret. Sinon, il n'y aurait pas eu des impayés."
"C'est strictement interdit de passer un marché public sans crédit. Dans le cas précis, il n'y avait pas de crédit", dixit Jean Parfait Koé, l'accusé.
Au cours de l'audience, Jean Parfait Koé est également interpellé sur la nature de la Convention signée entre son cabinet de recouvrement KO and KO et la CAMWATER. L'accusé s'oppose à la dénomination de marché public, attribuer à ladite convention par l'accusation. Motif pris de ce qu'"il n'y a de marché public que lorsque les crédits sont disponibles."
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Mais le Ministère public s'inscrit en porte-à-faux. L'Avocat général fait valoir l'argument suivant lequel, la violation des règles de passation de marchés publics n'exclut pas la possibilité d'un quelconque détournement de biens publics. "C'est strictement interdit de passer un marché public sans crédit. Dans le cas précis, il n'y avait pas de crédit", soutient une fois de plus, Jean Parfait Koé.
Dans le cadre de cette affaire, Jean Parfait Koé est attrait par devant le Tribunal criminel spécial, en compagnie de Jean William Sollo, René Mbida, Victor Stanislas Atangana, Dieudonné Mah. La défense répond des faits présumés de détournement de biens publics (Dbp), et complicité de Dbp. L'audience initialement prévue le 28 décembre dernier n'a finalement pas eu lieu.