Système électoral : Maurice Kamto réitère la nécessité d’une réforme
Le 1er juin, le leader du Mouvement pour la renaissance du Cameroun a, dans une déclaration, soumis en partie, l’organisation d’éventuelles élections à la satisfaction de ce préalable. Cette sortie rencontre l’adhésion de jean Michel Nintcheu, député SDF, laquelle s’oppose à celle de Cabral Libii, président du Prcn.
Par Florentin Ndatewouo
Maurice Kamto revient à la charge. Le leader du Mouvement pour la renaissance du Cameroun (Mrc) exige à nouveau la réforme du système électoral avant la tenue d’éventuelles consultations électorales. Le 1er juin de l’année en cours, le candidat malheureux à l’élection présidentielle du 7 octobre 2018 tient une déclaration intitulée « Appel à la mobilisation générale et à la vigilance du peuple du changement. »
Dans un direct de 9mn19 secondes, le leader du Mrc prévient : « (…) Nous nous mobiliserons contre l’organisation de nouvelles élections populaires au Cameroun sans que soient remplis les deux préalables majeurs que sont : la résolution du conflit armé dans le Nord-Ouest et le Sud-Ouest, et la réforme consensuelle du système électoral. Rien, ni aucune circonstance politique, même exceptionnelle ne pourra être invoquée pour organiser de nouvelles élections sans le respect de ces deux préalables. » Dans une démarche marquée de témérité, Maurice Kamto met en garde « (…) Autant dire, l’annonce de l’organisation d’une élection au Cameroun, sans la résolution préalable de ces deux crises qui minent notre pays sonnera comme une déclaration de guerre. Et tous ceux qui engageront le pays dans une telle aventure répondront devant notre peuple et devant l’histoire. Trop c’est trop ! Nous sommes prêts. La torture, les emprisonnements arbitraires, et les humiliations, nous les connaissons déjà. 15 d’entre nous, dont le premier vice-président du Mrc, Mamadou Yacouba Mota sont encore en prison. Et si la mort doit venir pour cette cause, qu’elle vienne. »
Projet de réforme
Le 15 janvier 2019, lors de la cérémonie de présentation des vœux à la presse, Maurice Kamto a dévoilé son projet de réforme du système électoral. Au rang des amendements, figurent : le mode de désignation des membres du conseil électoral, la prise en compte de tous les exemplaires des procès-verbaux.
Les 09 candidats à l’élection présidentielle Yaoundé/07/10/2018
L’alinéa 2 de cet article prévoit que, « les représentants des partis politiques sont désignés par les partis politiques concernés et leurs noms transmis formellement au Président de la République. » Le président de la République constate la composition du conseil électoral, selon l’alinéa 3 du même article.
Toujours dans le registre des amendements, figure l’article 115. Ledit article (1) dispose : « les résultats du scrutin sont immédiatement consignés au procès-verbal. Celui-ci, rédigé en autant d’exemplaires qu’il y a des membres plus deux (02), est clos et signé de ceux-ci. Tous les exemplaires font foi. »
Divergences
La réforme du système électoral pour laquelle milite Maurice Kamto est diversement appréhendée au sein de la classe politique camerounaise. Pour Jean Michel Nintcheu, député SOCIAL DEMOCRATIC FRONT (SDF), « le système électoral c’est la panacée ». L’honorable observe un débat sur le choix à faire entre la réforme consensuelle du système électoral et les inscriptions sur les listes électorales. «S’il m’était donné de choisir la priorité entre les deux options, je choisirais sans aucun doute la réforme consensuelle du système électoral. Pour faire simple, pour avoir été un acteur direct des élections depuis plus d’une trentaine d’années, ce qui gangrène les élections dans notre pays réside plus dans l’absence d’un système électoral consensuel que dans l’inscription sur les listes électorales (…) Même avec le nombre d’inscrits actuels, M. Biya ne peut gagner aucune élection au Cameroun si le système électoral n’est pas taillé à sa mesure. » A-t-il écrit hier 3 juin dernier.
Une posture que ne partage pas l’honorable Cabral Libii. « J’insiste ! Le code électoral n’est pas la panacée. Le principal est la participation massive et active du peuple. » Cependant, le juriste nuance : « Toutefois, je propose que les dynamiques d’alternance mutualisent pour une proposition de code. Le Prcn(Parti camerounais pour la réconciliation nationale Ndlr) déposera la proposition de loi à l’Assemblée nationale », annonce le leader de cette formation politique.
Les trois phases du cycle électoral
Le monitoring des élections présidentielles au Cameroun de 1992 à 2011 auteur: Jean Pierre Loic NKULU ATANGANA
Université de Douala – Master II Recherche 2012
Hantise des vieux démons
« Depuis 1990, on a vu certaines autorités administratives gérer le processus électoral avec un parti pris flagrant. »
Le débat sur la réforme du système électoral au Cameroun a repris du poil de la bête avec le retour au multipartisme en 1990. Nombre d’observateurs ont, dénoncé le défaut d’impartialité de l’Etat, à travers le ministère de l’Administration territoriale dans l’organisation des élections. Ainsi, Jacques Philibert Nguemegné, dans son ouvrage intitulé « La réflexion sur l’usage et le respect des droits de l’Homme au Cameroun : le droit de vote depuis 1990 », in annales de la Fsjp (faculté des sciences juridiques et politiques) de l’Université de Dschang), Pua tome 4, 2000, observe que « depuis 1990, on a vu certaines autorités administratives gérer le processus électoral avec un parti pris flagrant. » Le professeur Fabien Eboussi Boulaga dans“la démocratie de transit au Cameroun” d’ajouter « le chef de l’Etat, chef du parti majoritaire semble avoir prise sur la machinerie électorale grâce à l’Administration territoriale, avec ses gouverneurs, ses préfets, et ses sous-préfets (…) On comprend pourquoi le pouvoir majoritaire peut procéder, à la veille des élections ou quelque temps avant, à des nominations dans le commandement, des autorités administratives. Celles-ci n’étant que des nominations à des fins électoralistes des « hommes de mains » dans les circonscriptions où la majorité gouvernementale se sent menacée. Ces « chargés de mission » électorale ont pour but de « faire le résultat » même en faussant les calculs des voix.»
A l’opposé, le professeur Jacques Fame Ndongo estime pour sa part que les mécanismes permettant la désignation des gouvernants au Cameroun sont peu critiquables : « depuis son accession à la magistrature suprême, le président Paul Biya a engagé son pays dans un processus démocratique qu’il poursuit avec méthode et détermination. Dans cette perspective, les élections se déroulent au Cameroun dans la transparence et le respect des règles de la saine compétition entre les partis. »
Les revendications d’un consensus autour des règles qui définissent le jeu dans l’arène politique camerounaise montrent que le débat sur la question est loin d’être clos.