Plaidoiries : Les Avocats de la CAMWATER demandent la CONDAMNATION de Basile Atangana Kouna.
Tout comme le Ministère public, Mes Albert Oyié, et Mba estiment que l’infraction d’intérêt dans un acte est « suffisamment caractérisée ». L’accusation déplore le fait pour l’ex-directeur général d’avoir soumissionné, à travers sa société, Trinity Sarl, un contrat commercial, et payé par la suite la facture y relative.
Par Florentin Ndatewouo
A n’en point douter, les Avocats de Basile Atangana Kouna et Thomas Nama Aloa fourbissent leurs armes. Ils préparent la riposte. L’audience de demain 07 septembre sera pour eux, l’occasion de battre en brèche les arguments développés par la partie demanderesse et le Ministère public.
Dans le cadre de cette affaire, Basile Atangana Kouna et Thomas Nama Aloa sont poursuivis respectivement pour les faits présumés d’intérêt dans un acte, et complicité de détournement de biens publics. Les autres accusés, à savoir Bello Oussoumana, Yondo Kolko Vanessa ont pris leurs jambes au coup.
A l’audience du 03 septembre dernier au Tribunal criminel spécial (Tcs) de Yaoundé, le Ministère public soutient l’existence effective des faits caractérisant les infractions qui sont reprochées aux accusés. S’agissant des chefs présumés d’intérêt dans un acte, l’Avocat général note que Basile Atangana Kouna a soumissionné avec une entreprise privée, « un marché attribué par une société sous son autorité. » De plus, « les factures payées par la CAMWATER (CAMEROON WATER UTILIES COOPORATION) étaient visées par le directeur général de l’époque, Basile Atangana Kouna. »
Cet argument rencontre l’assentiment des Avocats de la CAMWATER : « Nous sommes dans une situation où, la société de l’accusé Basile Atangana Kouna (Trinity Sarl) gagne un marché. C’est le même accusé, à l’époque des faits, qui est directeur général de la CAMWATER qui valide les factures par rapport à ce marché qui lui rapporte des bénéfices. » De ce fait, Me Mba estime que « L’infraction d’intérêt dans un acte est « suffisamment caractérisée. » Son collègue, Me Albert Oyié lui emboite le pas.
L’Avocat de l’accusation souligne que l’intérêt dans un acte tient de « manière absolue dans ses détails vis-à-vis des accusés. » Il en veut pour preuve, le statut de fonctionnaire du prévenu Basile Atangana Kouna : « Le Dr Basile Atangana Kouna est un fonctionnaire. Les fonctionnaires ne font pas les affaires. C’est inacceptable, du moins en ce qui concerne nos lois. Les fonds litigieux ont bénéficié à monsieur le ministre. » Me Albert Oyié qualifie de « sociétés écran », l’entreprise Aspac Cemac Sarl, dont la création est attribuée à l’accusé Thomas Nama Aloa, et Trinity Sarl appartenant à Basile Atangana Kouna. Lors des précédentes audiences, Basile Atangana Kouna a reconnu être le propriétaire de cette entreprise familiale.
« Est puni d’un emprisonnement de 01 à 05 ans, et d’une amende de 200 mille Fcfa à 2 millions Fcfa, tout fonctionnaire ou agent public qui, directement ou indirectement, prend ou reçoit un intérêt :
- Dans les actes ou adjudications soumis à son avis, ou dont il avait la surveillance, le contrôle, l’administration, ou la passation…»
Dans sa plaidoirie, Me Mba note l’atteinte à la fortune publique. Aux dires de l’Avocat de l’accusation, les détournements évoqués ont été perpétrés à travers la création d’une société dite écran. Laquelle a favorisé une sous-traitance « non-autorisée ». Les entreprises Aspac Cemac Sarl et Trinity Sarl sont qualifiées de sociétés écrans parce qu’ « avant les marchés, elles n’existaient pas. Elles n’existent qu’après le lancement des appels d’offres », soutient Me Albert Oyié.
Me Mba ajoute que « les accusés ont reconnu les faits de détournement de biens publics à travers la restitution du corps du délit. » En outre, il invite le Tribunal à tenir compte de la filiation entre Thomas Nama Aloa et le ministre Basile Atangana Kouna. Sieur Nama Aloa est le neveu du ministre. En conséquence : « nous plaidons de déclarer coupable, l’accusé Basile Atangana Kouna d’infraction d’intérêt dans un acte, et les autres coupables de complicité de détournement de biens publics », dixit Me Mba. Au terme de leurs plaidoiries, les Avocats de la CAMWATER ont annoncé que leur client se constitue partie civile. A cet effet, il entend se prononcer sur la demande en dommage et intérêts après la décision de condamnation éventuelle des accusés par le Tribunal.
Aux termes de l’article 135 de la loi du 12 juillet 2016 portant Code pénal, « Est puni d’un emprisonnement de 01 à 05 ans, et d’une amende de 200 mille Fcfa à 2 millions Fcfa, tout fonctionnaire ou agent public qui, directement ou indirectement, prend ou reçoit un intérêt :
- Dans les actes ou adjudications soumis à son avis, ou dont il avait la surveillance, le contrôle, l’administration, ou la passation ;
- Dans les entreprises privées, les coopératives, les sociétés d’économie mixte ou participation financière de l’Etat, les régies, les concessions soumises à sa surveillance ou à son contrôle ;
- Dans les marchés ou contrats passés au nom de l’Etat ou d’une collectivité publique, avec la personne physique ou morale ;
- Dans une affaire pour laquelle il est chargé d’ordonnancer le paiement ou d’opérer la liquidation… » L’alinéa (2) de cette article indique que « les dispositions du présent article sont applicables aux anciens fonctionnaires et agents publics tels que définis à l’article 131 du présent Code qui, dans les 05 ans à compter de la cessation de leurs fonctions par suite de démission, destitution, congé, mise en disponibilité ou à la retraite, ou pour toute autre cause, prennent un intérêt quelconque dans les actes, opérations ou entreprises susvisés et précédemment soumis à leur surveillance, contrôle, administration ou dont ils assuraient le paiement ou la liquidation ».
« tout prévenu détenu qui a été relaxé ou condamné à une peine d’emprisonnement ou d’amende assortie du sursis, et sans préjudice de l’application de l’article 393 en ce qui concerne les dépens, est immédiatement remis en liberté, s’il n’est détenu pour autre chose… »
Hormis l’infraction d’intérêt dans un acte, l'accusé Basile Atangana a fait l’objet de poursuites judiciaires pour les faits de détournement de biens publics (Dbp). Dans l’intervalle, l’accusé a procédé à la restitution du corps du délit, d’un montant d’1 milliards 700 millions Fcfa. Ce qui a débouché sur l’arrêt des poursuites jointes à cette infraction. Depuis lors, Basile Atangana Kouna ne répond plus que des faits présumés de prise d’intérêts dans un acte. La violation du Code des marchés publics étant le moyen par lequel le détournement des biens publics s’est réalisé, cette infraction s’est estompée à la faveur de l’arrêt des poursuites sur le chef de Dpb.
Basile Atangana Kouna est incarcéré à la prison centrale de Yaoundé Kondengui le 23 mars 2018. Sa détention provisoire a duré 03 ans 06 mois. Dans l’hypothèse où le Tribunal venait à condamner l’ex-directeur général de la CAMWATER à la peine maximale de 05 ans pour ce délit, il passerait encore la durée d’1 an 06 mois en prison. En effet, l’article 53 (1) du Code pénal prévoit qu’ « En cas de détention provisoire, la durée de celle-ci est intégralement déduite de la peine privative de liberté prononcée. »
Il convient de rappeler que Basile Atangana Kouna est l’objet de poursuites judiciaires dans le cadre d’une autre affaire, toujours pendante devant le Tcs. La loi du 27 juillet 2005 portant Code de procédure pénale dispose en son article 396 (1a) que « tout prévenu détenu qui a été relaxé ou condamné à une peine d’emprisonnement ou d’amende assortie du sursis, et sans préjudice de l’application de l’article 393 en ce qui concerne les dépens, est immédiatement remis en liberté, s’il n’est détenu pour autre chose.
- b) Il en est de même en cas de condamnation à une peine d’emprisonnement égale ou inférieure à la durée de détention provisoire. »
A la lecture de cette disposition, il ressort que, même en cas d’acquittement, le prévenu Basile Atangana Kouna, ne recouvrera pas de sitôt sa liberté.