Plaidoiries : « Il y a un doute sérieux quant au caractère frauduleux du diplôme de dame Maryamou. »
Cette incertitude fonde la défense à demander l’acquittement de sa cliente. A l’audience du 15 octobre dernier au Tcs à Yaoundé, la partie défenderesse évoque le défaut d’intention criminelle. Motif pris de ce que la mise en cause a été rémunérée en contre partie des services rendus à son employeur l’ART.
Par Florentin Ndatewouo
L’accusée Maryamou, épouse Idrissou est-elle blanche comme neige ? Sans ambages, son Avocat répond à cette question par l'affirmatif. L’accusée est poursuivie pour l’infraction présumée de détournement de biens publics (Dbp). Le montant du préjudice est de 95 millions 257 mille 920 Fcfa. Il lui est reproché d’avoir perçu cette somme au titre de sa rémunération pendant 19 ans. Maryamou épouse Idrissou est recrutée à l’Agence de Régulation des Télécommunications (ART) suivant un contrat de travail signé le 28 juin 1999. Ce contrat prend effet le 1er septembre 2000. Le Ministère public et la partie civile lui font grief d’avoir été recrutée sur la base d’un faux diplôme. Cette accusation est balayée d’un revers de la main par la défense : « Même si ces diplômes sont déclarés faux, il n’en demeure pas moins que dame Maryamou a travaillé pendant 19 ans pour l’ART ainsi que cela ressort des dispositions légales susvisées. » A l’audience du 15 octobre dernier, elle indique que la rémunération de l’accusée était fixée soit en vertu de son contrat de travail, soit pour le travail effectué, ou devant être effectué, soit pour les services rendus, ou devant être rendus. Ceci, considération prise des dispositions des articles Article 1 (2) article 23 (1) de la loi du 14 août 1992 portant Code du travail.
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Face à la collégialité du Tribunal criminel spécial (Tcs) de Yaoundé, la partie défenderesse développe ses arguments. Elle fait savoir qu’avant son recrutement au sein de l’ART, la mise en cause n’est pas au courant du caractère frauduleux de son Baccalauréat G2. Ainsi, elle continue d’officier au sein de l’ART jusqu’en 2013, date à laquelle le problème de faux diplôme se pose. Selon son Conseil, dame Maryamou n’a pas été remerciée par son employeur. Elle continue d'oeuvrer au service de son employeur. En contre partie, elle reçoit son salaire jusqu’en 2019.
« Si elle avait un seul instant eu l’intention de porter atteinte à la fortune de l’Etat, elle se serait soustraite de son service et continuerait à percevoir son salaire. »
Pour la défense, dame Maryamou « n’avait aucune intention de porter atteinte à la fortune de l’Etat. Sa seule volonté est de mettre son activité professionnelle au service de l’ART son employeur. » Pour s’en convaincre, la partie défenderesse explique : « Si elle avait un seul instant eu l’intention de porter atteinte à la fortune de l’Etat, elle se serait soustraite de son service et continuerait à percevoir son salaire. »
La défense déplore le défaut d'éléments constitutifs d’une infraction (l’élément intentionnel, légal et matériel, Ndlr). « Dès lors que l’élément intentionnel fait défaut en l’espèce, les faits de détournement de biens reprochés à dame Maryamou ne sauraient être constitués. Il reviendra par conséquent à bon droit, à votre Tribunal, de déclarer mon client non coupable des faits mis à sa charge, de l’acquitter pour fait non établi ou défaut d’intention criminelle. »
En outre, la plaidoirie de la défense s’articule au tour d’une seconde approche : la non culpabilité et l’acquittement au bénéfice du doute.
Il convient de noter que, le diplôme querellé de l’accusée est déclaré faux par le rapport des travaux de la 66ème session ordinaire de la commission nationale d’évaluation des formations dispensées à l’étranger. Ces travaux ont porté sur « un diplôme inexistant, à savoir le Baccalauréat série G2 session 2005. » Dès lors, un climat d’incertitude plane. A cet effet, la défense demande à la collégialité de marcher sur les œufs : « Le Tribunal ne saurait ainsi fonder sa décision sur une pièce qui a des éléments erronés au risque de rendre une décision contraire au droit. » Pour cause, « il y a un doute sérieux quant au caractère frauduleux du diplôme de dame Maryamou. » Par conséquent, le doute profitant à l’accusé, « il reviendra à bon droit à votre Tribunal de déclarer dame Maryamou non coupable des faits mis à sa charge et l’acquitter au bénéfice du doute. »
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A la suite de cette plaidoirie, l’accusée dame Maryamou n’a pas souhaité prendre la parole. A l’opposé, son coaccusé, Jean Louis Beh Mengue a fait ses dernières déclarations. L’ancien directeur de l’ART dénonce un procès à tête chercheuse. Cependant, il dit avoir confiance en la Justice de son pays. L’affaire est mise en délibéré pour le 1er novembre prochain.