Affaire Université de Douala : Le professeur Bekolo Ebe rejette en bloc l'argumentaire de l'accusation
Entendu le 08 décembre devant le Tcs, l’ancien recteur de ladite institution académique énumère un ensemble d'éléments. L’accusé parle en partie de « l’incapacité à caractériser les faits », à travers : l'identification des marchés en causes ; la nature des prestations ; la consistance…
Par Florentin Ndatewouo
Le caractère d’un acte frauduleux ne se présume pas. Il doit être prouvé. Le professeur Bruno Bekolo Ebe le rappelle à l’attention du Tribunal. L’ancien recteur de l’Université de Douala est accusé du détournement de biens publics. Des malversations qui, de l’avis de l’accusation, ont été commises par le truchement du « paiement des prestations sans contrepartie effective » sur les marchés et lettres commande. Le montant du préjudice est de 32 millions 170 mille 726 Fcfa. « Dans le cas d'espèce, le caractère frauduleux tient au fait que le paiement a été effectué suite à une certification de l'exécution desdites prestations qui vérification faite n'auraient pas été effectivement exécutées, ou l'auraient été partiellement… »
Pour le professeur Bekolo Ebe, l'accusation est tenue à l’observance d’une méthodologie. Cette dernière appelle à la caractérisation des faits, la détermination de l'imputation. Ceci, en indiquant le ou les responsables, ainsi que le niveau d’implication de la personne incriminée.
Le professeur Bruno Bekolo Ebe est entendu le 08 décembre dernier au Tribunal criminel spécial (Tcs) à Yaoundé. Au cours de son EXAMINATION-IN-CHIEF, il élabore sur la caractérisation des faits. Cet exercice implique 04 éléments, à savoir :
-l'identification du ou des marchés en causes ;
- la détermination de la nature des prestations ;
-La détermination de la consistance et donc du volume des prestations, pour déterminer si l'inexécution a été totale ou partielle ;
-La détermination et l'indication de la manière dont la ou les constatations de l'inexécution a été faite (descente sur le terrain, expertise, dont l'expert et les résultats auront été notifiés à toutes les parties en respect du principe du contradictoire). « (…) Quelque soit le cas, toutes les constatations devraient être consignées dans un procès-verbal dûment signé par toutes les parties concernées : mission de vérification de contrôle, expert, acteurs chargés par la réglementation du suivi et du contrôle de l'exécution prestataires contractant etc... »
« Le témoin est donc incapable de dire de quel marché il s'agit. Il ne dit pas non plus quel est la nature, la substance et la consistance des prestations non exécutées. »
Le Professeur Bekolo Ebe déplore le fait que la mission de contrôle du Conseil supérieur de l’Etat (Consupe) s'est affranchie de cette exigence et de cette obligation de caractériser les faits et de fonder juridiquement l'imputation des responsabilités. A titre d’illustration, « A l'audience du 05 mai 2021, il lui a été demandé de dire de quel marché il s'agit, et si le Pr Bekolo Ebe faisait partie de la Commission de réception. Le témoin a plutôt répondu par cette question : « de quel marché s'agit-il? » » Le professeur Bekolo de poursuivre : « Quand il répond par une telle question, à laquelle il devrait lui répondre, puisque c'est lui qui soutient l'accusation, et doit caractériser les faits, on se demande qui doit répondre à sa place ? » Dès lors, Bruno Bekolo Ebe observe que « le témoin est donc incapable de dire de quel marché il s'agit. Il ne dit pas non plus quel est la nature, la substance et la consistance des prestations non exécutées. »
En outre, Bruno Bekolo est poursuivi pour détournement de la somme de 10 millions 168 mille 120 Fcfa. L’accusation reproche à l’enseignant d’avoir procédé à la distraction de fonds. Laquelle se serait matérialisée à travers l’ « application illicite des prix » sur les marchés. Ces marchés sont relatifs à la réalisation des forages à l'Université de Douala. L’un de ces marchés a fait l’objet d’un appel d’offre. Le second est signé dans le cadre d'une procédure de gré à gré sur autorisation du premier ministre alors autorité des marchés.
« J’ai bel et bien appliqué cette clause ainsi qu’on peut le lire à l’article 10 de chaque marché querellé. »
L’accusé fait savoir que les marchés en cause ont été attribués après un examen et un avis favorable de la commission de passation des marchés.
Deux facteurs servent à établir le caractère illicite des prix. A cet effet, Bruno Bekolo Ebe indique que « le prix est illicite soit parce qu'il n'est pas conforme à la mercuriale, soit parce qu'il n'a pas été homologué par un visa de la direction de la protection du consommateur ou d'une brigade de contrôle. » Le témoin souligne que le ministre du Commerce détient le monopole en matière de fixation des prix, ainsi que leurs homologations. Il ajoute que le respect de la conformité à la mercuriale des prix incombe aux entreprises.
Dans son développement, Bruno Bekolo Ebe évoque le travail de contrôle de la licéité des prix. Cette tâche s’effectue par la commission de passation des marchés, et le contrôleur financier. Par conséquent, « le recteur ne peut dont avoir pratiqué des prix illicites », assure-t-il.
Par ailleurs, Bruno Bekolo Ebe est appelé à répondre du chef de détournement de la somme de 08 millions 633 mille 581 Fcfa. La partie demanderesse fait grief à l’ancien recteur de l’Université de Douala de la non-application de la clause de garantie. L’accusé rejette en bloc cette accusation : « J’ai bel et bien appliqué cette clause ainsi qu’on peut le lire à l’article 10 de chaque marché querellé. » Cependant, en sa qualité de maitre d’ouvrage, Bruno Bekolo Ebe dit avoir le pouvoir de s’affranchir de la retenue sur garantie. Ce pouvoir est prévu à l’article 72 du décret du 24 décembre 2004 portant code des marchés publics : « Les entreprises titulaires d'un marché d'un montant égal ou plus à 30 millions de Fcfa peuvent être dispensées par le maître d'ouvrage ou le maître d'ouvrage délégué de l'obligation de fournir le cautionnement prévu à l'article 67 du présent code. »
Le professeur Bruno Bekolo Ebe dit être victime de l’ignorance de la réglementation dont a fait montre la mission de contrôle et le témoin de l'accusation. « Je n'ai fait qu'une saine et stricte application des dispositions du Code des marchés publics. C'est cette ignorance des textes caractéristique de cette mission de contrôle et du témoin qu'a sanctionné le juge administratif, en me faisant justice », va-t-il marteler.
Après plus de 5 heures de débats, l’audience est suspendue. La suite de l’EXAMINATION-IN-CHIEF de l’accusé est prévue les 25 janvier, le 02 et 16 février 2022.