Présomption de détournement : Edgard Alain Mebe Ngo’o crie à l’ « instrumentalisation » de son procès.

Présomption de détournement : Edgard Alain Mebe Ngo’o crie à l’ « instrumentalisation » de son procès.

 

Outre la dénonciation du document élaboré par le directeur général de l’Anif, l’ex-mindef fustige au cours de l’audience du 23 juin dernier au Tcs, la considération par le Ministère public, des témoins dont il qualifie l’un de « ripoux ».

 

 

Par Florentin Ndatewouo

 

 

Désarroi. Le terme traduit l’état d’esprit qui anime Edgard Alain Mebe Ngo’o. « Je suis stupéfait et même scandalisé que le ministère public, une juridiction aussi prestigieuse considère le témoignage d’une personne ayant été révoquée, un officier ripoux. » Ainsi, réagit-il à l’interrogatoire de l’un de ses avocats, Me Noelle Amougou Koé. A l’audience du 23 juin dernier au Tribunal criminel spécial (Tcs) de Yaoundé, le Conseil de la défense demande à son client de faire des observations sur l’accusation portée contre lui par le Contre-amiral Sola Jean Pierre. Ce dernier a été révoqué par décret présidentiel du 26 décembre 2013, selon la partie défenderesse.

La colère de Edgard Alain Mebe Ngo’o trouve son fondement dans une correspondance du Directeur général de l’Agence nationale des investigations financière (Anif). Cette lettre est adressée par Hubert Ndé Sabone, en date du 13 août 2018 au ministre secrétaire général de la Présidence de la République d’alors, Laurent Esso.

A la question de savoir quel est le bienfondé de la missive, l’accusé y décèle un pot aux roses : « J’ai bien peur qu’on soit dans un cas d’instrumentalisation. Si chacun doit se prévaloir des attributions qui lui sont conférées par ses missions régaliennes- pour régler des comptes- je crois que nous n’en sortirons pas. »

Edgard Alain Mebe est appelé à faire des observations sur ce document. « Je note pour ma part que l’Anif a été saisie en violation du décret qui la crée et fixe ses attributions. » L’ex-Mindef indique que l’objet officiel de la correspondance est lié à la situation financière de la société Magforce Cameroun : « J’estime qu’il y a une contradiction entre l’économie de lettre et son objet. » De plus, le mis en cause regrette le fait que, « l’Anif a été saisie sur la base d’information non avérées, notamment un dossier de blanchiment en bande organisée. Ce dossier de mon modeste point de vue est imaginaire jusqu’à ce qu’on me le présente. »

 

 

« A cause de cette déclaration, la société Limousine prestige qui a été créée par mon épouse en 1997 alors que j’étais préfet du Mfoundi a été raillé de la carte des petites et moyennes entreprises (Pme). »

 

 

 

 

L’Agence nationale des investigations financières met à l’actif de Edgard Alain Mebe Ngo’o, 08 comptes ouverts dans des structures bancaires au Cameroun. Son épouse est, d’après cette structure titulaire elle aussi de 08 comptes bancaires. La somme d’environ 300 millions Fcfa y aurait été comptabilisée. Edgard Alain Mebe Ngo’o note que l’Anif mentionne dans le document querellé les déclarations selon lesquelles, «l’origine d’importantes sommes d’argent ne sont pas toujours justifiées (…) Les fonds d’origines injustifiées manipulés dans les comptes bancaires de sieurs Mebe Ngo’o pourraient provenir de rétro-commissions (…) Les paiements de ces rétro-commissions peuvent avoir transités… » Des déclarations au mode conditionnel qui, rappelle l’accusé, suggère l’incertitude.

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Pour l’accusé, la déception est au rendez-vous : « Je pensais que lorsqu’on parle de l’Anif, la règle c’est la traçabilité… Or, là, c’est du vaudou ! » Une déclaration qui ne laisse guère de marbre, l’un de ses fils présent en salle d’audience. Visiblement ému par l’exposé de son père, ce dernier rit aux éclats.

Edgard Alain Mebe Ngo’o poursuit son exposé. Les incertitudes qu’il dénonce dans le document du Dg de l’Anif n’ont pas été sans influences dans le quotidien du « Gloden boy ». L’ex-Mindef entame une chute libre qu’il attribue au patron de l’Anif : « A cause de cette déclaration, la société Limousine prestige qui a été créée par mon épouse en 1997 alors que j’étais préfet du Mfoundi a été raillé de la carte des petites et moyennes entreprises (Pme). » Le ton grave, regard vif, Edgard Alain Mebe est sur ses dents. Brandissant depuis le box des témoins le document qu’il tient de la main droite, il s’attaque au Dg de l’Anif : « Ce monsieur n’est pas à la hauteur de sa mission. Dans ce rapport, il y a des fautes d’orthographes, et de grammaire, c’est inadmissible. »

Outre ces accusations à l’encontre de Hubert Ndé Sambone, l’ex-ministre délégué à la Présidence chargé la Défense s’insurge contre une procédure qu’il assimile à la politique du deux poids deux mesures : «Là où je perds mon latin, c’est que le chef de la Division des Enquêtes du Corps spécialisé des officiers de police judiciaire du Tcs a interpellé tout le monde sauf Mekou Gisèle et les actionnaires de la société Magforce internationale… Menye Victor dont le nom ne figurait pas s’est vu interpellé et incarcéré avec moi ». Or, fustige l’accusé, « (…) Les personnes dont les responsabilités ont été reconnues et établies sont en liberté. Madame Mekou Ognong Gisèle travaille à l’ambassade de Madrid. »

Edgard Alain note qu’en 2015, l’Anif avait déjà porté des informations mettant en cause dame Mekou Gisèle Ognong, « qui avait reçu des transferts de fonds non justifiés de près de 250 millions Fcfa. »

Au cours de l’audience du 23 juin dernier, l’accusé Edgard Alain Mebe s’est vu interrogé sur la surfacturation alléguée, et les marchés dits fictifs, à l’origine de l’infraction de détournement. Le procès s’est poursuivi le lendemain 24 juin.