Affaire Art : La condamnation de Jean Louis Beh Mengue et cie requise.
Dans ses réquisitions finales, le représentant du Parquet général maintient les accusations du détournement de biens publics de la somme de 438 millions 034 mille 400 Fcfa.
Par Florentin Ndatewouo
Salaires indus. Appui aux tutelles. Fonds de souveraineté. Primes d’ancienneté. Tels sont entre autres, les mécanismes à travers lesquels les fonds ont été distraits selon l’accusation. Ainsi, le représentant du Ministère public requiert pour la condamnation de Jean Louis Beh Mengue, Eteta’a Ntonga Gaston Michèle, Maryamou épouse Idrissou, Ngono Anne Marlyse. Les accusés sont poursuivis pour les faits de détournement de biens publics (Dbp) et complicité de Dbp. L’accusation reproche à l’Ex-directeur général de l’Agence de Régulation des Télécommunications (ART) la distraction de fonds à hauteur de 438 millions 034 mille 400 Fcfa. Ce montant est constitué de la somme de 76 millions 722 mille 629 Fcfa, représentant la perception d’un salaire indu pendant 08 mois de fonction.
A cet effet, le Tribunal fait grief à Jean Louis Beh Mengue du non-respect de la nomenclature budgétaire :« (…) Ni le décret du 13 mars 2008 portant adoption de la nomenclature budgétaire et comptable du budget de l’Etat ne prévoit l’allocation au concours de l’appui aux tutelles, ni le code du travail. » Le mis en cause dit avoir alloué des ressources financières au Ministère des Postes et Télécommunication (Minpostel) au cours des années 2008 et 2013. Dans ses dépositions devant le Tribunal criminel spécial (Tcs), l’accusé justifie le caractère régulier de cette dépense. « La dépense était régulière parce qu’elle était inscrite dans le budget de l’Art, et approuvée par le Conseil d’administration. » Cet argument ne suffit pas à convaincre le représentant du Ministère public.
L’Avocat général impute à l’Ex-Dg de l’ART, l’attribution des primes dites d’ancienneté, en marge de la règlementation. Le représentant du Parquet général note que ladite prime n’est pas prévue dans le décret du 20 août 1987 fixant la rémunération et les avantages des personnels des sociétés d’Etat, des établissements publics et des sociétés d’économie mixte. Il en est de même pour le Code de travail. « L’attribution à son profit de cette prime est à l’évidence frauduleuse. »
« Le décaissement des fonds en l’absence des pièces justificatives est un acte qui vise à s’octroyer lui-même ces fonds. Cela constitue une obtention frauduleuse des fonds, et donc un détournement de biens publics »
Quid des fonds de souveraineté ? Pour sa défense, la partie défenderesse a évoqué l’usage abusif du terme « fonds de souveraineté ». L’accusation soutient l’illégalité liée à l’usage des fonds employés dans ce cadre. De l’avis de l’Avocat général, l’admission de cette hypothèse n’occulte guère l’absence des pièces justificatives de l’emploi des fonds décaissés. Le représentant du procureur général près le Tribunal de céans déplore la violation de l’article 3 (c) de la loi du 05 décembre 1974 relative au contrôle des ordonnateurs, gestionnaires et gérants des crédits publics et des entreprises d'Etat. « Le décaissement des fonds en l’absence des pièces justificatives est un acte qui vise à s’octroyer lui-même ces fonds. Cela constitue une obtention frauduleuse des fonds, et donc un détournement de biens publics »
« Le Dg s’est comporté en comptable de fait. En acceptant de cosigner lesdits chèques, il a engagé personnellement sa responsabilité. »
Le représentant du Parquet général est rejoint dans ses réquisitions par les Avocats de l’Agence de Régulation des Télécommunications. Me Ngomo situe la responsabilité de Jean Louis Beh Mengue en rapport avec l’infraction de détournement de biens publics par le mécanisme de l’appui aux tutelles : « la partie civile relève que le directeur général est en amont de l’élaboration du budget, et de son exécution. » Son collègue, abonde dans le même sens :« Pour la somme de 438 millions détournée, le salaire était perçu ex nihilo parce qu’il n’était pas défini par le Conseil d’Administration de l’Art. » Me Djeukouo regrette l’absence d’un fondement juridique à l’origine de l’octroi par le l’Ex-directeur général de l’ART de la prime d’ancienneté. Il s’allie aux réquisitions finales du Ministère public, notamment sur la demande de requalifications des faits de complicité en coaction de détournement de biens publics, considération prise de ce que « le Dg s’est comporté en comptable de fait. En acceptant de cosigner lesdits chèques, il a engagé personnellement sa responsabilité. »
Dans le cadre de cette affaire, Jean Louis Beh Mengue est également poursuivi pour complicité de détournement de biens publics de la somme de 389 millions 720 mille 638 Fcfa. Le détournement desdits fonds est mis à l’actif de l’agent Eteta’a Ntonga Gaston Michèle, en fuite.
Maryamou épouse Idrissou, et Ngono Anne Marlyse font l’objet de poursuites pour faux diplômes. Me Ngomo indique que le recrutement des mises en cause s’est fait sur la même base. « Maryamou épouse Idrissou n’a pas produit une pièce administrative attestant de la régularité de son diplôme. La fraude corrompt tout. Les revenus salariaux perçus sur la base de ses faux diplômes l’ont été de manière frauduleuse », conclut l’Avocat général. L’accusation demande au tribunal de retenir les accusés dans les liens de l’accusation. La suite de l’affaire est prévue les 8 et 15 octobre prochains. Il sera question pour la défense de plaider pour ses clients.