Affaire Charles Metouck : La défense dénonce une « ENTRAVE A LA JUSTICE ».
L’accusé et ses Avocats déplorent le refus par les représentants de la Sonara, de procéder à la certification des documents requis par ses soins, pour assurer la défense de l’accusé. L’interrogatoire de l’ancien directeur général de la société évoquée en sus a tout de même débuté à l’audience d’hier 26 mars au Tribunal criminel spécial (Tcs) de Yaoundé.
Par Florentin Ndatewouo
La polémique autour de la certification des pièces à conviction persiste : « La Sonara ne respecte plus sa parole donnée au tribunal ? » Le président de la Collégialité questionne ainsi les représentants de la Société nationale de Raffinage (Sonara). A l’audience d’hier 26 mars au Tribunal criminel spécial (Tcs) de Yaoundé, l’ordre du jour porte sur l’interrogatoire principal de l’accusé Charles Metouck.
La défense de l’ancien directeur général de la Société nationale de raffinage entend employer des pièces préalablement sollicitées auprès de la Sonara pour procéder à l’EXAMINATION-IN-CHIEF de son client. Problème ? Les documents requis ne lui sont pas communiquer tel que sollicités : « Nous faisons face à des difficultés réelles dans l'organisation de la défense des intérêts de nos clients. La Sonara a bien voulu choisir les documents qui l’arrangeaient pour nous les communiquer. Ce qui ne l'arrange pas, elle ne nous les communique pas » dénonce la partie défenderesse. Une attitude qui constitue pour cette dernière, « une entrave à la manifestation de la vérité. »
Affaire Charles Metouck: La défense demeure dans l'attente.
L’accusation semble habitée par un sentiment d’étonnement. Elle rejette en bloc, les griefs mis à son actif : « Nous sommes surpris des propos tenus par notre confrère. Nous avons une correspondance que nous lui avons adressée avec 12 documents.
Il s'agit de 12 documents qui ont été retrouvés dans les archives de la Sonara", explique Me Lionel Ngandjui, Avocat de la Sonara. « Les autres documents n'ont pas été transmis parce que la Sonara ne les a pas retrouvés dans ses archives. Il était question de transmettre les documents qui ont été retrouvés et certifiés », va-t-il soutenir.
Des arguments qui laissent de marbre la défense.
Elle affirme avoir adressé en date du 05 juin 2023, une correspondance à monsieur le Directeur général de la Sonara. Ce, aux fins de production et certification des pièces de documents. « L’accusé sieur Metouck sollicitait deux type de pièces. Les procès-verbaux et les résolutions du Conseil d'administration de la Sonara pour les exercices 2004, 2005,2007… Les lettres de mission, le rapport des commissaires aux comptes pour les exercices 2007, 2008, 2009… » rappelle Me Marius Alima. « Pour faciliter la tâche à la Sonara, nous avons pris la peine de photocopier les documents dont nous attendons la certification de la part de la Sonara : les factures pétrolex, Total, Sctm ; les justificatifs des missions effectuées pour les exercices 2005-2006- 2006-2007... Les justificatifs de paiement des expatriés, la note de service de février 2008… »
« — (1) Le contenu d'un document ne peut être prouvé que par production de la preuve primaire ou, à défaut, de la preuve secondaire... » Article 313 du Code de procédure pénale.
Au total, la défense réclame la production et la certification de 139 pièces auprès de la Sonara.
Il convient de noter que les documents sollicités par la défense de sieur Metouck sont en sa possession. Toutefois, l’accusé ne saurait s’en prévaloir devant le tribunal que si lesdits documents répondent aux conditions précises. D’où l’enjeu de la certification. En effet, aux termes des dispositions de l’article 313 du Code de procédure pénal, « — (1) Le contenu d'un document ne peut être prouvé que par production de la preuve primaire ou, à défaut, de la preuve secondaire. La preuve testimoniale n'est pas admise. (2) a) Par preuve primaire, on entend l'original d'un document. Quand un document a été établi par le même procédé en plusieurs exemplaires, chaque exemplaire est une preuve primaire de ce document. b) Par preuve secondaire, on entend la COPIE CONFORME A L'ORIGINAL ET CERTIFIEE PAR UNE AUTORITE COMPETENTE. »
Affaire Sonara: La certification des pièces en débat
En l’espèce, le cas Charles Metouck requiert le recours à la preuve secondaire. L’article 314 du code de procédure pénale évoqué supra énonce les circonstances d’usage de ce mode de preuve : «La preuve secondaire est admise dans les cas suivants : a) lorsqu'il est établi devant la juridiction que l'original est en la possession de la partie adverse ou d'un tiers qui, dûment requis, refuse de le produire ; b) lorsque l'existence et le contenu de l'original ne sont pas contestés par la partie adverse ; c) lorsqu'il est établi que l'original a été détruit ou perdu ; d) lorsque l'original ne peut être facilement déplacé. »
« Est-ce que le comportement de la Sonara fera jurisprudence devant ce tribunal ? Après 10 mois d’attente, on nous produit 12 documents sur les 139 demandés monsieur le président? » Me Marius Alima, Avocat de l’accusé Charles Metouck
La défense de Charles Metouck lit au travers des attitudes des représentants de la Sonara, la mauvaise foi : « Si une société ne peut pas produire les PV (Procès-verbal, Ndlr) des Conseils d'administration qui représentent la mémoire de la société, peut-on penser que cette société est de bonne foi? » regrette Me Marius Alima. Visiblement courroucé, la défense de Charles Metouck interpelle le Tribunal : « Est-ce que le comportement de la Sonara fera jurisprudence devant ce tribunal ? Après 10 mois d’attente, on nous produit 12 documents sur les 139 demandés monsieur le président?
Si monsieur Charles Metouck est coupable, que le tribunal déclare sa culpabilité. Mais s’il doit se défendre, il faut qu'il ait la possibilité de le faire avec des documents. On parle de plusieurs milliards Fcfa devant ce tribunal monsieur le président », assène, Me Marius Alima qui dénonce lui aussi, « une entrave à la justice ».
Affaires Charles Metouck et cie: Le nombre de témoin cité divise
L’accusé Charles Metouck s’inscrit dans la même dynamique que son défenseur : « On refuse de certifier mes pièces parce que dit-on c'est issu de la fraude. Est-ce que les procès-verbaux du Conseil d'administration et les rapports des commissaires aux comptes peuvent être issus de la fraude ? »
L’accusé y voit des manœuvres mises en place à l’effet d’occulter la vérité : « (…)Il s'agit simplement d'empêcher que ces documents puissent révéler la vérité que les inspecteurs de l'État n'ont pas voulu lire parce que préoccupés à monter une accusation malhonnête », déplore l’ancien directeur général de la Sonara : « Ils ont saisi mes biens. Disent-ils la valeur se chiffre à 27 milliards Fcfa. Là où je suis, je suis vide. Je vais me défendre. Je vais me défendre tantôt avec les pièces certifiées, tantôt avec les pièces non certifiées. Vous saurez ce que vous ferez de moi monsieur le président. »
En dépit des échanges houleux, l’interrogatoire principal de l’accusé a débuté à l’audience d’hier.
Charles Metouck est appelé à s’expliquer sur les infractions à lui imputées par l’accusation, à titre individuel. A cet effet, l’ancien directeur général, après prêté serment, est entendu sur le chef de détournement présumé de biens publics de la somme de 144 millions 134 mille 065 Fcfa. Cette somme représente le cumul de 32 mois de salaire. La demanderesse fait grief à l’accusé de fixer lui-même le montant de sa rémunération pour ensuite la revaloriser à hauteur de 50% à compter d'avril 2008.
La suite de l’interrogatoire est prévue ce 17 mars.