Libération d’Atangana Kouna: Quid de l’effet dissuasif de la norme ?
Par Florentin Ndatewouo
Nombre d’observateurs ne voient pas d’un bon œil la libération de Basile Atangana Kouna. Une frange de citoyens s’oppose à cette libération, conséquence de l’arrêt des poursuites engagées jadis à son encontre. Ce, en dépit de la conformité de cette mesure avec le dispositif réglementaire y relatif. Comprendre la posture adoptée par les tenants de cette thèse appelle un recours à la théorie de la dissuasion. Elle est développée par les utilitaristes classiques de la rationalité pénale moderne tels que Cesare Beccaria, et Jeremy Bentham, puis partagée par les rétributivistes, à l’instar d’Emmanuel Kant.
En effet, l’arrêt des poursuites judiciaires à l’égard d’un accusé met un terme à l’instruction d’une affaire en audience publique à la phase du jugement, ou à l’information judiciaire, selon le cas. Ce qui ne permet pas au Tribunal-de déterminer la responsabilité d’un justiciable-en rapport avec l’infraction qui lui est reprochée. Cependant, si d’aventure, cette responsabilité venait à être établie avec certitude, le tribunal sera dépouillé de sa capacité à sanctionner le coupable.
De fait, la dimension préventive de la sanction perd toute sa consistance. Or, selon Cesare Beccaria, la sanction infligée à un délinquant permet, à travers l’EXEMPLE, d’ATTIRER l’attention des potentiels contrevenants. La PUNITION « fera sur les spectateurs une impression qui, en les DÉTOURNANT de ces derniers, les ÉLOIGNERA d'autant plus des AUTRES. » Dans cette logique, le penseur Condillac estime que l’être humain agit pas associations d’idées. Certaines de ces associations sont déroutantes par leur caractère non contrôlable. A cet effet, elles se situent au niveau de la conscience avec leur caractère agréable ou désagréable. De l’avis de Condillac, c'est le caractère désagréable qui fera OBSTACLE à tel comportement ou qui suscitera une réflexion chez l'individu. « Ainsi, si l'idée de la peine, associée à un comportement spécifique, est évoquée au niveau de la conscience comme quelque chose de désagréable, elle peut DISSUADER l'individu de passer à l'acte ou tout au moins l'amener à RÉFLÉCHIR avant d'AGIR…»
Source: Beccaria, l'utilitarisme et la rationalité pénale moderne, auteur : Alvaro Pires
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« une peine insuffisante ou UNE MESURE DE RECHANGE (telle que la restitution du corps du délit, moyennant arrêt des poursuites, Ndlr) à une peine sont doublement « INHUMAINES » Motif ? « …elles sont inhumaines pour le PUBLIC, puisqu'elles n'empêchent pas le délit, et inhumaines à l'égard même du CONTREVENANT, puisqu'on le punit pour rien (si l'on ne punit pas assez) ou l'on ne GUÉRIT pas sa maladie. »
Jeremy Bentham observe que la correction est tournée surtout vers le présent, « puisqu'elle vise à MODIFIER, chez l'individu, les CONDITIONS qui l'amènent au passage à l'acte, tandis que la dissuasion est tournée vers l'avenir, puisqu'elle s'accompagne de l'espoir d'EMPÊCHER les personnes NON CONDAMNÉES de passer à l'acte. » Dans sa théorie de l’analogie de la peine, Jeremy Bentham considère que l'idéal de la peine est d'être une sorte de « copie approximative » du crime. Dès lors, il faut « faire souffrir au délinquant le même mal qu’il a fait à la partie lésée. Pour l'injure corporelle, peine corporelle ; pour l'injure contre la propriété, peine pécuniaire ; pour l'injure contre la réputation, peine de nature à affecter la réputation du délinquant »
Pour les rétributivistes tel qu’Emmanuel Kant, « l'argument qui fonde la pénalité est moral ». Ce dernier fait valoir la thèse selon laquelle, la morale exige de « rétribuer le mal par le mal dans une égale mesure. »
Dans le même ordre d’idées, Faucoult réfute la notion d’indulgence. Car, « une peine insuffisante ou UNE MESURE DE RECHANGE (telle que la restitution du corps du délit, moyennant arrêt des poursuites, Ndlr) à une peine sont doublement « INHUMAINES » Motif ? « …elles sont inhumaines pour le PUBLIC, puisqu'elles n'empêchent pas le délit, et inhumaines à l'égard même du CONTREVENANT, puisqu'on le punit pour rien (si l'on ne punit pas assez) ou l'on ne GUÉRIT pas sa maladie. »
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Le décret présidentiel du 04 septembre 2013, fixant les modalités de restitution du corps du délit est le dispositif réglementaire ayant (en partie)servi de base à la décision d’arrêt des poursuites au profit de l’accusé Basile Atangana Kouna. Ce texte met en évidence des INTERETS CONTRADICTOIRES.
Dès lors, le législateur est confronté à un dilemme. D’un côté, il fait face à la nécessité de rétablir l’ordre public en société. De l’autre, celle de recouvrer les fonds dont il aura été dépouillé. A la lecture de l’application de ce texte réglementaire au cas Basile Atangana Kouna, il apparait que la balance penche en faveur du recouvrement des fonds au détriment de la préservation de l'ordre public.