Arrêt des poursuites : La mise en liberté d’Atangana Kouna fait polémique.
Partant de cette actualité, nombre de citoyens militent pour l’effet domino. Ils demandent l’application de cette mesure aux autres détenus. Ce, en raison du principe de l’égalité de tous devant la loi. Cependant, il existe des situations où, des détenus ayant rempli les conditions requises n’ont guère bénéficié de cette prescription règlementaire.
Par Florentin Ndatewouo
La mise en liberté de Basile Atangana Kouna, à la faveur de l’arrêt des poursuites décidé par le ministre de la Justice est au centre de vives polémiques. Nombre de citoyens estiment que cette mesure devrait s’étendre aux autres personnes détenues dans les différents milieux carcéraux présents sur l’ensemble du territoire national. Les tenants de cette opinion militent pour l’effet domino de la décision portant arrêt des poursuites : « Et les autres ? La justice doit être équitable pour tous les voleurs. » Commente un internaute sur le réseaux social Facebook. Un autre de plaider : « Libérez les prisonniers d’opinion et politique incarcéré dans diverses prisons du Cameroun ».
Une correspondance datée du 01 août est en circulation dans les réseaux sociaux. Cette lettre adressée au sous-préfet de l’arrondissement de Garoua, (dans la région du Nord Cameroun, Ndlr), porte sur une manifestation publique. Ladite manifestation est projetée le 12 du même mois. Les auteurs de cette missive sont les membres de la Confédération des associations des jeunes solidaires du Cameroun (Cajsc). Ils disent vouloir, dans un premier temps « remercier le président de la République… Pour sa générosité, suite à l’arrêt des poursuites judiciaires contre l’ancien ministre, Basile Atangana Kouna. » Ces remerciements mettent en évidence l’adage selon lequel « Qui dit merci en demande encore plus. » Les membres de la Cajsc en sont conscients : « Nous lui demanderons le même acte de générosité pour les nommés Marafa Hamidou Yaya, Amadou Vamoulke, Iya Mohammed. »
Amadou Vamoulke, incarcéré à a la prison centrale de Yaounde Kondengui depuis le 29/07/2016.
Les avis exprimés par des citoyens camerounais au sujet de la libération de Basile Atangana Kouna remet en partie au goût du jour, des principes généraux du droit, notamment son caractère général et impersonnel. Ce qui emporte l’épineuse question de l’égalité de tous devant la loi. En effet, tout justiciable ayant rempli les conditions requises peut-il automatiquement bénéficié de l’arrêt des poursuites préalablement initiées à son encontre ? L’article 03 du décret présidentiel fixant les modalités de restitution du corps du délit dispose : « (1) En cas de restitution du corps du délit avant la saisine du Tribunal par ordonnance de renvoi du juge d’instruction ou par arrêt de la chambre de contrôle de l’instruction de la Cour suprême, le procureur général près le Tribunal criminel spécial PEUT, sur autorisation du Ministre chargé de la Justice arrêter les poursuites. » L’alinéa 02 de cette article traite de la restitution après la saisine du Tribunal.
Il convient de noter que l’article 03 du texte réglementaire évoqué supra parle de POSSIBILITE. Ce qui signifie que la restitution du corps du délit ne conduit pas-dans tous les cas-et de manière automatique- à l’arrêt des poursuites, et par ricochet à la mise en liberté du requérant. Sieur Kaptué Tagne Serge est en une illustration. Le 16 janvier 2013, ce dernier, de concert avec AFRILAND FIRST BANK procède à la restitution du corps du délit. Le montant du remboursement s’élève à 01 milliard 738 millions 363 mille 013 Fcfa. Dans le cadre d’un procès collectif qui l’oppose au projet de renforcement des initiatives pour la gestion communautaire des ressources forestières (Rigc), « ses coaccusés ont bénéficié de l’arrêt des poursuites le 25 février 2016. Poursuivi en plus pour faux et usage de faux en écriture publique et tentative d’évasion, il (sieur Kaptué, Ndlr) n’a pas bénéficié du même arrêt des poursuites, alors que le corps du délit avait été entièrement restitué. » Ainsi, relate Guy Roger Eba’a. L’auteur de l’ouvrage Lutte contre la corruption et les infractions assimilées au Cameroun, invite le lecteur à une réflexion qui ne manque pas de pertinence, sur la restitution du corps du délit : « Des questions se posent lorsque plusieurs personnes sont poursuivies sans précision, sur le montant détourné par chacune. En cas de restitution par plusieurs coaccusés, les autres qui n’ont rien déboursé doivent-ils ou non bénéficier de l’arrêt des poursuites ? »
L’arrêt des poursuites dont bénéficie Basile Atangana Kouna met le législateur camerounais sur le banc des accusés. Il lui est fait grief, de promouvoir « la politique du deux poids deux mesures. » Ledit grief questionne la notion de POSSIBILITE, introduite dans le décret du 04 septembre 2013, fixant les modalités de restitution du corps du délit.
Le fait pour le législateur, d’insérer cette notion dans ce texte réglementaire, pourrait se justifier de par la nécessité de réaffirmer l’une des prorogatives du Ministère public. En effet, soumis au principe de la subordination hiérarchique, ce dernier est juge de l’opportunité des poursuites. La faculté d’en référer selon ce principe à son supérieur (Minjustice), qui décide ou non de l’arrêt des poursuites, pourrait, toute chose égal par ailleurs, expliquer l’arrêt des poursuites pour les uns et non pas pour les autres. Cependant, il n’en demeure pas moins que cette prescription réglementaire peut donner lieu à des ABUS, de la part de l’autorité en charge de sa mise en œuvre.