Plaidoiries : Me Amougou dénonce un procès en sorcellerie. 

Plaidoiries : Me Amougou dénonce un procès en sorcellerie. 

A l’audience d’hier 12 août au Tribunal criminel spécial (Tcs) de Yaoundé, l’Avocat de l’accusé Gabriel Belinga déplore l’absence d’éléments à charge contre son client. Il évoque un « complot » ayant débouché sur la désintégration de sa cellule familiale. 

Par Florentin Ndatewouo 

Un procès en sorcellerie ! Telle est la thèse défendue par Me Joseph Amougou Atangana. «  On dit que mon client a détourné de l'argent parce qu'on ne retrouve pas les pièces qu'il a comptabilisées dans les livres journaux. Vous a-t-on apporté la preuve de ce que Belinga Gabriel a reçu les pièces concernant les opérations ? » Le défenseur de l’accusé Gabriel Belinga se livre par la suite à une série d’interrogations : « Puis-je enregistrer ce que je n'ai pas reçu ? Qui m'a transmis les pièces ? Où est la preuve que je les ai reçues ? » Me Joseph Atangana Amougou intervient ainsi, à l’audience d’hier 12 août au Tribunal criminel spécial (Tcs) de Yaoundé. 
Il plaide pour la liberté de son client, Gabriel Belinga. Gabriel Belinga occupe le poste de chef de service de la comptabilité et de la fiscalité à la CAMEROON RADIO TELEVISION (CRTV), pendant la période comprise entre 2011 et septembre 2015. 

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Cet accusé est attrait par devant le Tcs, pour répondre de l’infraction présumée de détournement de biens publics, en coaction avec les accusés Amadou Vamoulke, Abel Gara, Lucie Ngamva, Zufambon Vishiti. Ce chef d’accusation porte sur les montants de 10 milliards 662 millions 669 mille 306 Fcfa et 235 millions Fcfa. La somme de 10 milliards 662 millions 669 mille 306 Fcfa en querelle correspond aux opérations de retrait de fonds, effectuées depuis le compte de la CRTV, logé à la Trésorerie générale de Yaoundé.

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« Lorsqu'on procède aux opérations de retrait des fonds au trésor, Belinga Gabriel est-il au courant ? Que  Non. Cette accusation de détournement renvoie à quoi si ce n'est de la sorcellerie. »

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Me Joseph Atangana Amougou, Avocat de l’accusé Gabriel Belinga.
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De l’avis de l’accusation, ces opérations n’ont pas été enregistrées dans la documentation de la CRTV. Il en est de même pour le montant de 235 millions Fcfa ? Cette somme résulte de la liste de chèques encaissés par la CRTV auprès des banques. « Lorsqu'on procède aux opérations de retrait des fonds au trésor, Belinga Gabriel est-il au courant ? Que  Non. Cette accusation de détournement renvoie à quoi si ce n'est de la sorcellerie. » Me Joseph Atangana Amougou crie au complot : « A la vérité, nous avons fini par comprendre que notre client fait l'objet d'un complot, ourdi pour lui montrer comme on lui avait dit à la CRTV, qu'on va lui montrer. Oui ! Monsieur le président, on a fini par lui montrer. »

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Dans sa plaidoirie, la défense fait appelle à l’humanisme de la Collégialité. Elle dénonce l’impact négatif de cette procédure sur la vie de l’accusé: « Belinga Gabriel est entré en prison avec ses deux pieds. Après plusieurs mois, il a perdu la motricité de ses 04 membres. Il est infirme à vie. » Me Joseph Atangana Amougou de partager son émotion: « Voilà ce que le règlement des comptes a produit. On n'a pas seulement tué monsieur Belinga Gabriel. On a tué une famille. Sa  femme est partie… Monsieur Belinga n'a plus accès à ses enfants à cause du règlement des comptes. »  
Le Tribunal se voit ainsi interpellé : « Allez-vous permettre qu'on utilise votre main pour creuser définitivement la tombe et entrer? Les courageux comme vous, on en parle encore… Qu'on sache que votre main n'est pas là pour achever le mauvais travail, pour achever une vie. » Me Amougou sollicite l’acquittement de son client : « Monsieur les juges, vous avez le destin de mon client en main. S'ils ont décidé qu’il doit mourir, permettez-lui de retrouver sa liberté, de retourner dans son village afin d'avoir des obsèques dignes. Acquittez-le.  Déclarer notre client non coupable des faits mis à son actif. » 

La plaidoirie de Me Joseph Atangana Amougou est consécutive à celle de son confrère, Me Marius Alima.

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« Le procès pénal est celui de la preuve car il y va de l'honneur et de la liberté du citoyen. Elle est le corolaire du principe de la présomption d'innocence. Ce principe établit que si l'infraction n'est pas établie, l'accusé doit être mis en liberté. »

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Me Marius Alima, Avocat de l’accusée Lucie Ngamva

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L’Avocat de Lucie Ngamva milite lui aussi en faveur de l’acquittement de sa cliente. Outre le chef de détournement de biens publics en coaction de la somme de 10 milliards 662 millions 669 mille 306 Fcfa, Lucie Ngamva est également  accusée du détournement de biens publics en coaction du montant de 525 millions 484 mille 453 Fcfa. Il est reproché à Lucie Ngamva d’avoir procédé au décaissement de ce montant sans pièces justificatives.

Affaire Amadou Vamoulke: Le Ministère public requiert la condamnation de tous les accusés.


Recrutée à la CRTV en qualité de comptable, en 1995, Lucie Ngamva a occupé le poste de Directeur par intérim de l'administration des affaires administrative et financière à la CRTV, durant la période allant du 03 juin 2013 au 02 juin 2016 : « Pour les opérations effectuées en 2012, madame Ngamva n'était pas encore en service à la Daaf de la CRTV par intérim. Elle n'est pas concernée. Elle ne saurait répondre de ces actes », situe Me Marius Alima. « Seul le chèque du 29 août 2013 de 25 millions Fcfa concerne sa période d'activité comme Daaf adjoint. Les autres chèques ont été tirés soit avant, soit après sa période de gestion.» La défense déplore une accusation « non-fondée », bâtie sur des «  contrevérités » :«Les pièces matérialisent l’encaissement des 25 millions Fcfa dans les livres comptables  de la caisse, comme le brouillard de caisse, le compte d'emploi l'attestent. » 
La défenderesse admet tout de même une omission : « Cette opération qui la concerne n'a pas été enregistrée dans les livres Comptes de la Crtv. » Toutefois, elle ne saurait à elle seule constituer une infraction à la loi pénale : « Cette omission constitue-t-elle l'infraction de détournement de fonds publics ? La sortie de fond repose sur une base régulière. » 

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Me Alima fait le procès de l’accusation : « L'accusation a-t-elle fait une démonstration claire des faits reprochés aux accusés ? L'expert s'est empressé d'accuser, et le juge d'instruction l’a suivi. » Me Marius Alima  évoque l’absence d’éléments à charge contre sa cliente : « Le procès pénal est celui de la preuve car il y va de l'honneur et de la liberté du citoyen. Elle est le corolaire du principe de la présomption d'innocence. Ce principe établit que si l'infraction n'est pas établie, l'accusé doit être mis en liberté. » En conséquence, Me Alima plaide en faveur de l’acquittement de sa cliente. La suite de la cause est prévue ce 13 août. Elle est consacrée à la suite de la plaidoirie de la défense.