Réquisitions : Le Ministère public requiert la condamnation d’Amadou Vamoulke et cie
A l’audience du 02 mai dernier, le Parquet général près le Tribunal a énuméré un ensemble d’éléments à charge, dirigés contre l’ancien directeur général de la CRTV, et ses coaccusés. Il s’agit notamment, de la somme de 10 milliards 662 millions 669 mille 306 Fcfa, correspondant aux transactions financières enregistrées par la trésorerie de Yaoundé « mais ne figurent pas dans les livres comptables de la CRTV... » Les observations de la partie civiles sont prévues ce 12 juin.
Par Florentin Ndatewouo
Le Ministère public n’y est pas allé du dos de la cuillère. Dans ses réquisitions développées à l’audience du 02 mai de l’année en cours, le représentant du Parquet général près le Tribunal criminel spécial (Tcs) de Yaoundé au Cameroun, demande la condamnation de tous les accusés.
Dans le cadre de cette affaire, Amadou Vamoulke, feu Jean Pierre Mbiaga, Belinga Gabriel, Ngamva Lucie, Abel Gara, Zufambom Vishiti Christianna épouse Vega sont poursuivis par le Ministère public, l’État du Cameroun (ministère des Finances Minfi) et la CAMEROON RADIO TÉLÉVISION (CRTV).
Les accusés répondent des infractions présumées de détournement de biens publics et coaction.
Principal accusé, Amadou Vamoulké est attrait par devant le Tcs pour des infractions qui lui sont imputées aussi bien à titre individuel que ceux qu’il aurait commis en relation avec ses coaccusés.
S’agissant des infractions mises à l’actif de l’accusé à titre individuel, figure le chef du détournement de biens publics (Dbp) de 878 millions 982 mille 320 FCFA; 71 millions 485 mille Fcfa ; 07 millions Fcfa.
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En sa qualité de directeur général de la CAMEROON RADIO TELEVISION (CRTV), Amadou Vamoulke ordonne courant 2010, le déblocage de la somme de 878 millions 982 mille 320 Fcfa. L’objet de l’opération vise l’acquisition par l’entreprise à capitaux publics, des droits de diffusion des images de la Coupe d’Afrique des Nations (CAN). « Entendu comme témoin par votre tribunal Emmanuel Wongibe a déclaré que Amadou Vamoulke a étudié cette l'offre et l'a signée sans recueillir son avis, comme le prévoit les statuts en la matière », rapporte l’Avocat général.
La somme en querelle, a été frauduleusement et délibérément sortie des caisses de la CRTV à des fins autres que celles de la retransmission des matchs de la Can », le Parquet général.
Une déclaration prise au contrepied par la défense. Dans le cadre de ses attributions de chef de division de la coopération et des relations publiques, sieur Wongibe a mené toutes les négociations. « Il n’y a rien que je sache sur ce dossier et que lui monsieur Wongibe ignore», déclare Amadou Vamoulke à l’audience du 10 septembre 2021.
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A la suite du rappel des faits, le Parquet général présente les éléments à charge contre l’accusé. Dans cette optique, il déplore l’absence d’un procès-verbal (Pv) d'attestation de service fait. Bien plus, « de l'examen des pièces versées à l'information judiciaire, il ressort que la société CCFOOTLIMITED n'a aucune existence légale, à travers le monde. La somme en querelle, a été frauduleusement et délibérément sortie des caisses de la CRTV à des fins autres que celles de la retransmission des matchs de la Can », note le Parquet général.
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Dans le même ordre d’idées, l’accusation mentionne le défaut de production d’une résolution du Conseil d’administration de la CRTV, autorisant une telle transaction. A cet effet, le Ministère public souligne la responsabilité du directeur général de la CRTV. Il convoque les dispositions de l’article 74(2) de la loi du 12 juillet 2016, portant Code pénal : « Est pénalement responsable celui qui volontairement commet les faits caractérisant les éléments constitutifs d'une infraction avec l'intention que ces faits aient pour conséquence la réalisation de l'infraction. » Dès lors, « L'intention criminelle et matérielle est établie. » Par conséquent, « qu'il soit donc déclaré coupable de ce chef », requiert le Parquet général.
Amadou Vamoulke est également accusé du chef de détournement de biens publics de la somme de 10 milliards 662 millions 669 mille 306 Fcfa. Une infraction présumée commise en coaction avec les accusés, feu Jean Pierre Mbiaga, Belinga Gabriel, Ngamva Lucie, Abel Gara, Zufambom Vishiti Christianna épouse Vega.
« La non existence dans les livres trésor du montant de 10 milliards Fcfa, passé à la Trésorerie générale doit être perçue comme une manœuvre orchestrée par les différents accusés. » Le Parquet général.
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La somme en querelle correspond aux transactions financières enregistrées par la trésorerie générale de Yaoundé « mais ne figurent pas dans les livres comptables de la CRTV... »
Les accusés affirment que cet argent n'est pas sorti des comptes de la CRTV. « Abel Gara a passé une écriture le 27 janvier 2012, de la somme d'01 milliard... C’était une simple écriture...
pour étayer ses prétentions, Gara Abel a produit des pièces que toutefois, l'authenticité n'est nullement établit », observe l’Avocat général. Il convient de noter que lesdites pièces ont été admises au dossier de procédure comme document à conviction par le Tribunal. « Belinga Gabriel s'est limité à soutenir sans doucement lui permettant de passer les écritures », note une fois de plus l’Avocat général.
L’accusation rappelle en outre les dépositions du témoin de l’accusé Abel Gara. Entendu à l’audience du 19 mars de l’année en cours, « le nommé Essengue Fouda Joseph a déclaré qu’il y a eu rapprochement comptable budgétaire pour les exercices 2011-2012. Au terme de ce rapprochement, un état d'accord a été signé par entre Amadou Vamoulke et la Trésorerie. »
De l’avis du Parquet général, « cet accord laisse apparaître une entente suspect… »
Au registre d’éléments à charge déployés contre les accusés, le Ministère public évoque le rapport d’audit mené par l’expert Bela Belinga. Ledit document souligne à sa page 27, les transactions financières non justifiées. « Les accusés n'ont pas apporté des informations sur ces transactions financières (...) La non existence dans les livres trésor du montant de 10 milliards Fcfa, passé à la Trésorerie générale doit être perçue comme une manœuvre orchestrée par les différents accusés. Ce qui ne peut être interprété que comme des détournements de fonds », soutient le Parquet.
L’audience prévue ce 12 juin au Tcs est consacrée aux observations de la partie civile. Elle sera suivie des plaidoiries de la défense.
Dans le cadre de cette procédure, l’un des accusés a rendu l’âme. En conséquence, le Ministère publique a requis en faveur de l’extinction de l’action publique à l’ égard de feu Jean Pierre Mbiaga, considération prise des dispositions de l’article 62(1a) de la loi du 27 juillet 2005 portant Code de procédure pénale.