Assassinat présumé: Elle ôte la vie à un enfant de 09 ans

Assassinat présumé: Elle ôte la vie à un enfant de 09 ans

Mispa Marie Bessala soupçonnait la victime de vol de résidus de bois, dans sa menuiserie au lieudit NKozoa. A l’audience du 03 janvier dernier au Tribunal de grande instance (Tgi) de Yaoundé Centre-administratif, l’accusée reconnait les faits qui lui sont reprochés. Elle déclare avoir été possédée par un esprit.

 

Par Florentin Ndatewouo

 

« Je demande pardon à la famille du défunt. Je demande pardon au Ministère public pour l'acte que j'ai commis. » Telles sont les dernières paroles de dame Bessala Solange. L’accusée est invitée à s’exprimer une dernière fois. Débout le regard fixé vers le sol, l’accusée fait amende honorable, à l’audience du 03 janvier dernier au Tribunal de grande instance (Tgi) de Yaoundé Centre-administratif.

Mispa Marie Bessala  est poursuivie pour le crime présumé d’assassinat. Les faits ont lieu au mois de février 2020 au lieudit Nkozoa à Yaoundé. Au cours de cette période, dame Bessala est en charge de la gestion d’une menuiserie. Elle y commercialise du bois, des planches, du copeau, du charbon.

 Elle affirme avoir été à maintes reprises, victime de vol. « On vole souvent le bois de chauffage, le charbon, les planches que je vends. Ce jour-là, cet enfant est venu dans ma menuiserie aux environs de 10h en matinée. Il s’est mis à ramasser du copeau. L’un de mes employés l’a surpris et la ramené auprès de moi. Je lui ai demandé ce qu’il faisait là. Il m’a dit que c’est sa mère qui l’a envoyée ramassé du copeau. Je lui ai donc demandé de partir », décrit l’accusée : « A 19h, mes employés me ramènent l'enfant me disant qu'on l’a une fois de plus trouvé  en train de voler le bois de chauffage… J'ai demandé à l'enfant pourquoi n'es-tu pas venu chercher le bois aux heures d'ouverture. Il m'a dit que c'est sa mère qui l'envoie. J’ai vérifié et j’ai constaté qu’il y a effectivement eu un vol.  Je l'ai donc arrêté, je l'ai attaché avec la corde. Les employés sont partis… Sous le coup de la colère, j'ai versé le pétrole sur lui, je lui ai donné le briquet. Je lui ai demandé d’allumer. C'est  comme ça que le feu a commencé à le brûler. »

Lire aussi: Trafic présumé de stupéfiants : Une accusée condamnée à 01 an 06 mois d'emprisonnement

Dame Bessala aura à peine le temps de terminer cette phrase qu’elle se verra assaillir par les cris de récriminations dans la salle d’audience : « Cette femme est une sorcière ! Elle ne sait peut-être pas, mais son acte aura des conséquences sur ses enfants pendant des générations… » Ainsi s’offusque une dame la trentaine sonnée. « Comment voulais-tu que l’enfant allume le briquet alors que tu l'avais déjà  ligotée ? » Une seconde voix, cette fois-ci masculine se fait entendre dans la salle.

Lire aussi: Présomption d'acte de terrorisme : Une accusée risque la peine de mort

Le procès de dame Bessala se délocalise et se joue désormais au sein de l’assistance : « Cette dame est une menteuse. Elle essaie de justifier son acte. Comment peut-on ôter la vie à un enfant de 09 ans simplement pour une affaire de bois volé ? » De nombreuses interrogations, sur fond de récriminations prennent corps. 

« Silence ! Silence ! Silence ! » La présidente du Tribunal procède au rappelle à l’ordre. Le calme revient progressivement dans la salle. Mais des chuchotements persistent.  

Préalablement à l’audition de dame Bessala, le représentant du Ministère public a procédé à l’exposé des faits reprochés à l’accusée, à la suite de la lecture de l’acte d’accusation.

 

 

 

 

 

 

 

 ____________________________

«  La victime a succombé à ses blessures à l'hôpital. Les brûlures étaient à 87% »

__Le Procureur de la République___

 

 

 

 

 

 

 

 

Le procureur de la République près le Tgi indique que dame Bessala a ligoté la victime à l'aide d'une corde, le cou relié aux membres inférieurs. « Ensuite, elle a aspergé du pétrole sur ladite victime. Puis, elle a allumé le feu après l’avoir fouetté à l'aide d'un tuyau à gaz. Un inconnu de passage sur les lieux a obtenu le numéro de téléphone de ce garçon qui se battait dans les flammes. » Le jeune âgé de 09 ans est transporté d'urgence à l'hôpital. Le personnel médical n’aura malheureusement pas la possibilité de le tirer d’affaire. Le pronostic vital étant sérieusement engagé, «  la victime a succombé à ses blessures à l'hôpital. Les brûlures étaient à 87% », ajoute le représentant du Ministère public.

A la suite de ce forfait, Mispa Marie Bessala est interpellée. Au cours de son audition, elle déclare avoir agi sous l’influence d’un esprit maléfique. Elle reconnait les faits qui lui sont reprochés.

De l’avis de l’accusation, il ne fait l’ombre d’aucun doute. La réunion des éléments constitutifs de l’infraction est acquise.  « Il y a eu un acte d'homicide sur une personne vivante », constate le représentant du Ministère public, dans ses réquisitions sur la culpabilité. Bien plus,  « l'intention de donner la mort était présente. Elle (l’accusée, Ndlr) soupçonnait la victime d'être l'auteur des différents vols prétendus dont elle était victime. Elle a décidé de se venger. »

Dès lors, l’accusation soutient la thèse de la préméditation. L’homicide reproché à dame Bessala résulte d’une préparation : «  Cette préparation a consisté en la préparation du pétrole ; l'achat du tuyau à gaz pour fouetter la victime et vaincre toute résistance ; l'achat du briquet. L'accusée avait d'abord proposé de donner un repas à l'enfant. Il a refusé de le consommer. On ne sait pas si cette nourriture était empoisonnée ou pas. »

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 ____________________________

« L'accusée voyant l'enfant se démerder dans les flammes ne s'est pas gênée de le sauver. Il y a eu une volonté formée avant l'action… »

__Le Procureur de la République___

 

 

 

 

 

 

 

 

Dans ses réquisitions, le représentant du Ministère public ajoute : « l'accusée voyant l'enfant se démerder dans les flammes ne s'est pas gênée de le sauver. Il y a eu une volonté formée avant l'action. Cette volonté se manifeste par l'action durable.  Vous devez la déclarer coupable des faits qui lui sont reprochés. L'assassinat étant prévue et réprimée par les articles 74 et 276 du code pénal. »

Lire aussi: Tribunal militaire d'Ebolowa: Solange Taba tuée une seconde fois

Eu égard à la gravité des faits exposés, le Procureur de la République requiert la peine plafond : «  Je ne vois aucune circonstance qui me permet de requérir les circonstances atténuantes. Il ne vous faux même pas de courage pour appliquer la peine de mort madame la Présidente. Je vous demande d'appliquer la peine de mort. »

La défense de dame Bessala n’est pas de cet avis. « Nous ne sommes pas d'accord sur le fait que cette dame a conçu le plan dans le but de supprimer la vie. Elle a posé un acte qu'elle va regretter certainement toute sa vie. » La partie défenderesse réfute la thèse de la préméditation. En conséquence, elle plaide l’indulgence du Tribunal : « La peine de mort est excessive. Ma cliente plaide coupable et regrette son geste. Dans le silence de votre cabinet, vous allez appliquer une peine qui lui permettra plus tard de prendre soin de son enfant qu'elle allaitait au moment où elle a été arrêtée pour être conduit à Kondengui. »

La mère du défunt a elle aussi tenu à se faire entendre au cours du procès. Viviane Nga Elobo rejette en bloc les déclarations de dame Bessala suivant lesquelles, la victime aurait agi sur instruction de sa mère.

Lire aussi: Meurtre de Solange Taba: La famille dénonce les manœuvres visant à empêcher la manifestation de la vérité

Elle s’est constituée partie civile « Ma mère n'a pas pu tenir face à cette atrocité. Elle est décédée après l’annonce de l’assassinat de mon fils.  Ma petite sœur s'est évanouie et à eu de la peine à s’en remettre. Mon enfant était vaillant. Il m’aidait à tous les niveaux. Je ne sais pas ce que l'avenir lui réservait. Il allait grandir et me donner des enfants et des petits enfants. Je demande le montant d'un milliard pour tout le préjudice subi... »

L'affaire est renvoyée au 07 février pour le délibéré.