Présomption d’actes de terrorisme : Une accusée risque la peine de mort.

Présomption d’actes de terrorisme : Une accusée risque la peine de mort.

Poursuivie par le Ministère public pour avoir "coordonné" l’incendie de la COMPREHENSIVE COLLEGE à Limbé, Germaine Dzenjoh répond également des faits de financement du Terrorisme. A l’audience du 17 mars dernier au Tribunal militaire de Yaoundé sis au quartier général, son Avocat dénonce « un Procès à tête chercheuse ». Me Tamfu Richard déplore l’absence d’une expertise de nature à établir la matérialité des faits reprochés à sa cliente.

 

Par Florentin Ndatewouo

 

Le Ministère public requiert la condamnation de Germaine Dzenjoh. L'accusation reproche à l’accusée 03 infractions :

-actes de terrorisme ;

- financement des actes de terrorisme ;

- Apologie des actes de terrorisme.

 La partie poursuivante explique la matérialisation des actes de terrorisme de par la coordination de l’incendie de COMPREHENSIVE COLLEGE ainsi que de l’Enieg (Ecole normale des Instituteurs de l’Enseignement général) de Limbé. A l’audience du 17 mars de l’année en cours, la partie demanderesse requiert sur l’infraction du financement du terrorisme. Dans ses réquisitions finales, le Commissaire du gouvernement est péremptoire. Il note que Germaine Dzenjoh a reçu, en sa qualité de gérante d’un point MOBIL MONEY, une puce autre que la puce commerciale ORANGE MONEY, d’un dénommé Conquestman. Problème ? « A l’aide de cette puce, elle a reçu les sommes d’argent, tantôt 20 mille Fcfa, tantôt 30 mille Fcfa pour remettre au dénommé Derick, en vue de l’achat de la peinture ayant servi à la fabrication des bombes. » Toutefois, le Ministère public affirme ne pas disposer d’éléments pour retenir l’accusée dans les liens de l’accusation, relative à l’infraction d’apologie des actes de terrorisme.

De plus, l’accusation ne dispose que d’un moyen de preuve : le Procès-verbal d’enquête de police : « L’article 336 du Code de procédure pénale dispose que nous pouvons l’utiliser comme moyen de preuve. Le Code de procédure pénale ne hiérarchise pas les preuves. » Pour convaincre la collégialité, le Ministère public rappelle que l’accusé a fait des aveux à l’enquête, et reconnu ses déclarations devant le tribunal de céans. Dès lors,  « nous pensons que vous disposez de tous les éléments pour décider en votre âme et conscience. » Par conséquent, « nous requérons, qu’il vous plaise, de déclarer l’accusée Germaine Dzenjoh coupable des faits d’acte de terrorisme, et financement d’acte de terrorisme, la déclarer non coupable des faits d’acte d’apologie de terrorisme. »

A la suite des réquisitions du Commissaire du gouvernement, Me Tamfu Richard monte au créneau. L’Avocat de dame Dzenjoh pend au contrepied l’accusation. « Ni le Ministère public, ni vous madame le président du Tribunal, ni moi n’étions là les 02 et 20 septembre 2020. Nous avons réclamé les témoins sans cesse. Personne n’est venue. » Me Tamfu Richard dénonce l’insuffisance dont l’accusation fait montre dans l’administration de la preuve. « Le Ministère public qui poursuit doit être à même de ramener tous les éléments de preuve. Devant ce tribunal, on ne vous a produit aucune preuve qui justifie la raison d’être de l’accusée ici présente. » Me Tamfu procède à la définition des actes de terrorisme. Pour mener à bien cet exercice, il se réfère aux dispositions de l’article 2 de la loi du 23 décembre 2014 portant représsion des actes de terrorisme. « Si on fait une rétrospection sur les événements, je me pose la question de savoir quel est l’acte que Germaine a posé et qui relève du terrorisme ? Aucun. Il n’en existe pas. » Le défenseur de dame Dzenjoh embraie sur le chef de financement des actes de terrorisme. A l’attention du Tribunal, il rappelle que sa cliente n’a pas reconnu les faits qui lui sont reprochés. Il indique que dame Dzenjoh est détentrice d’une puce commerciale. « L’accusation vous a-t-elle produit un document qui montre que ma cliente a reçu de l’argent pour financer le terrorisme ? Pas d’expertise pour attester de ce que les puces attribuées à ma cliente auraient servi de moyen pour le financement du terrorisme. Il n’y a ni élément matériel, ni élément intentionnel. » Dans sa plaidoirie, Me Tamfu Richard se montre déterminé à fragiliser les arguments développés par la partie poursuivante. A cet effet, il déplore l’initiation d’une procédure sans témoins.

Des soldats patrouillent le 15 novembre 2017 à Bafut, dans le Nord-Ouest anglophone du Cameroun. AFP/Archives

Lire aussi: Réquisitions finales : Les faits relatés par le Commissaire du gouvernement.  

En outre, Me Tamfu reproche à l’accusation, la violation des droits de sa cliente : « Ma cliente a été illégalement et arbitrairement arrêtée le 21 septembre 2017 à Limbé, aux environs de 18 heures, alors qu’elle fermait son établissement. Il n’y avait pas de mandat de justice. Elle a été menottée, cagoulée, et emmenée dans un endroit inconnu. » Aux dires de Me Tamfu Richard, Germaine Dzenjoh n’a pas eu l’occasion de se faire assister par un Avocat. Dans le même ordre d’idées, la défense regrette le non-respect de ses droits linguistiques : « (…) Elle n’a pas eu droit à un interprète, pour quelqu’un qui s’exprime couramment en anglais. » Une situation aux conséquences multiples selon la partie défenderesse : « Elle a donc été emmenée à signer des documents sous pression, dont elle ne connaissait ni la portée, ni les conséquences. » De quoi faire nourrir dans l’esprit de la défense, le sentiment d’un procès « à tête chercheuse. » Me Tamfu attire l’attention de la présidente du tribunal. « Dans le secret de vos délibérations, vous vous rendrez compte que le commissaire du gouvernement vous a mené en bateau. Je plaide que vous déclarez ma cliente non coupable de tous les chefs d’accusation. Je plaide également que vous la relaxé pour qu’elle puisse reprendre avec sa vie. Elle croupit en prison depuis 04 ans 06 mois. »

Les infractions :

-actes de terrorisme ;

- financement des actes de terrorisme ;

- Apologie des actes de terrorisme, sont prévues et réprimées par les articles 2,3,8 de la loi du 23 décembre 2014 portant représsion des actes de terrorisme. L’article 2(1) de cette loi dispose : « Est puni de la peine de mort, celui qui, à titre personnel, en complicité ou en coaction, commet tout acte ou menace d’acte susceptible de causer la mort, de mettre en danger l’intégrité physique, d’occasionner des dommages corporels ou matériels, des dommages aux ressources naturelles, à l’environnement ou au patrimoine culturelle, dans l’intention :

  1. a) d’intimider la population, de provoquer une situation de terreur ou de contraindre la victime, le gouvernement et ou une organisation nationale ou internationale, à accomplir ou à s’abstenir d’accomplir un acte quelconque, à adopter ou à renoncer à une position particulière, ou à agir selon certains principes… »

 Au terme de la plaidoirie de Me Tamfu Richard, l’audience est suspendue. La suite de l’affaire est prévue le 21 avril prochain. La cause sera consacrée à la plaidoirie de Me Manga Assam, Avocat de la défense.