Affaire Martinez Zogo :  «Toute personne citée comme témoin est TENUE DE COMPARAITRE»

Affaire Martinez Zogo :  «Toute personne citée comme témoin est TENUE DE COMPARAITRE»

Interpellée par un membre de notre communauté sur la toile, notre rédaction revient sur les questions que se pose une frange de l'opinion, au sujet de la liste des témoins cités dans l'affaire Martinez Zogo, avec à la clé, des ministres en fonction.

Échanges

Seidou Hamid:

 J'ai vu la liste des témoins qui comprend des ministres. Est-ce que  ceux-ci peuvent refuser de comparaitre?

Legal237.net:
Tout D'abord, il convient de noter que,  la liste des témoins  en circulation sur les réseaux sociaux, dont vous parlez n'a pas encore été communiquée au tribunal et admise au dossier de procédure.  Les lanceurs d'alerte l'ont obtenue par des canaux informels. A la dernière audience du 15 avril dernier,  le tribunal a motivé le renvoi de la cause au 06 mai prochain,  à l'effet de permettre effectivement la production et la communication de cette liste des témoins.

Lire aussi : Affaire Martinez Zogo : Le tribunal ordonne la citation de la Dgre comme civilement responsable
Revenant à votre question, celle de savoir si les ministres,  dont les noms figurent sur cette  liste des témoins peuvent-ils refuser de comparaître, nous répondons par la négative, si l'on s'en tient à la loi. 
En effet, la loi du 27 juillet 2005, portant Code de procédure pénale (Cpp) prévoit au titre II de son livre VI, les procédures particulières. Cette partie traite de l'audition des membres du gouvernement et des représentants des missions diplomatiques:« Les membres du gouvernement et les membres des missions diplomatiques peuvent être appelés en témoignage en justice. Ils peuvent être entendus à huis clos, sur leur demande ou sur réquisitions du Ministère public. Leur déposition est, sauf dispositions légales contraires, reçue dans les formes prescrites par le présent Code», dispose l'article 589 du texte évoqué supra. 
Ici, le législateur donne la faculté aux parties de citer ou non les membres du gouvernement. Cette faculté ne s'étend pas au témoin potentiel. C'est l'interprétation qui peut être faite de l'usage du verbe pouvoir dans cet article.  Nous le savons, en matière pénale, la loi est d'interprétation restrictive.
Toutefois, il convient de noter que la comparution d'un témoin cité relève d'une injonction. L'article 325(2) du Code de procédure pénale dispose :« Sous réserve des dispositions de l'article 322 (2), toute personne citée comme témoin est TENUE DE COMPARAITRE et de prêter serment avant de déposer(...)» Les dispositions de l'article 322 quant à elles  sont relatives à l'âge des témoins autorisés à déposer, ainsi que l'état physique et mental. Aux termes de l'article 322,« (1)Toute personne âgée de quartorze (14) ans au moins peut être entendue comme témoin. Toutefois, le mineur victime d'une infraction peut être entendu comme témoin, quel que soit son âge.
(2) Lorsque le tribunal constate que la personne appelée à témoigner n'est pas en mesure de comprendre les questions qui lui sont posées, ou d'y donner des réponses cohérentes, par suite de son incapacité physique ou mentale, il passe outre, par décision motivée.» Ce cas de figure a été observé avec l'accusé feu sieur Ngolle Ebong John, dans le cadre de l'affaire État du Cameroun ( Sonara, Société nationale de Raffinage), Ministère public contre Charles Metouck, et autres. Une affaire toujours pendante devant le Tribunal criminel spécial de Yaoundé, bien que ce dernier ait rendu l'âme des suites de maladie à l'hôpital de la caisse nationale de prévoyance sociale sis à Yaoundé. 

Ferdinand Ngoh Ngoh, Secrétaire général de la présidence de la République, cité comme témoin dans le cadre de l'affaire Martinez Zogo, par les Avocats des ayants droit du défunt. 

Seidou Hamid:  
 Est-ce qu'ils(ministres, Ndlr) peuvent, avec succès, réclamer le huis clos s'ils venaient à comparaitre?

Legal237.net:

Comme nous l'avons déjà évoqué, les membres du gouvernement cités par une partie au procès, peuvent sollicité le huis clos. Il ne s'agit que d'une sollicitation. Dans sa formulation, le législateur ne fait pas obligation au tribunal d'accéder à cette demande. Ce qui signifie que le collège des Juges en charge de l'instruction de cette cause en audience publique n'est pas lié par cette demande. Il peut donc l'autoriser ou la rejeter. 
Il  n'est pas superflu de faire une précision. Parmi les témoins cités, figure le ministre de la Justice. Le  garde des Sceaux jouit du privilège de la reddition des comptes. En effet, au nom du principe de la subordination hiérarchique, qui caractérise les Magistrats du Parquet, représentants du Ministère public, ces derniers rendent compte de leurs activités au ministre de la Justice :«Dans l'intérêt d'une meilleure coordination de l'action publique et pour me mettre à même de vous donner toutes instructions quant aux réquisitions qu'ils me paraît opportun de vous voir développer, je vous serai obligé, de bien vouloir me rendre compte à l'avenir, de toute affaire qui vous paraîtrait présenter quelque importance. Il s'agit notamment des affaires : (...) qui mettent en cause : les gouverneurs, les préfets, les sous-préfets et d'une façon générale les hauts fonctionnaires.» La circulaire du 11 juin 1962 sur l'obligation de rendre compte précise les modalités :« Les comptes-rendus me seront adressés par les procureurs généraux soit par lettre, soit par télégramme selon l'urgence et même sans instructions spéciales, des rapports périodiques et circonstanciés sur le déroulement de chaque affaire signalée par eux-mêmes ou par le Ministère. Les procureurs de la République et les présidents-délégués dans ces fonctions devront eux-mêmes renseigner selon les modalités ci-dessus, leur procureur général.»

 Dès lors, il n'est pas exclut d'envisager l'hypothèse suivant laquelle, le Ministère public se prononce en faveur d'un huis clos, si jamais, son supérieur hiérarchique qu'est le ministre de la Justice, le lui recommandait en guise de réquisitions.

Laurent Esso, ministre camerounais de la Justice garde des Sceaux, répondant aux questions de l'honorable Jean Michel Nintcheu, lors des questions orales tenues  à l'hémicycle du Palais des Congrès de Yaoundé/19/06/2023

Seidou Hamid : 
Est-ce qu'au cours du procès,  d'autres personnes peuvent être  inculpées?

Legal237.net:
L'affaire Martinez Zogo est actuellement à la phase de jugement, après l'enquête préliminaire, suivie de l'information judiciaire. A la phase de jugement, on ne parle plus d'inculpés, mais  plutôt, d'accusés ou de prévenus, selon la nature de  l'in-fraction présumée, qui est  retenue contre les mis en cause par le juge d'instruction dans son ordonnance de renvoi.


Rendu à cette phase du procès, l'on ne  peut plus poursuivre des personnes autres que celles dont les noms figurent dans l'ordonnance de renvoi du juge d'instruction. Ceci, en vertu du principe in rem in personna. C'est-à-dire que le tribunal est saisi pour les faits qui précis qui concernent les personnes précises. Le tribunal ne  peut donc statuer en dehors des faits et des personnes visés par l'ordonnance de renvoi.

 Seidou Hamid : 
Est-ce à dire par exemple, s'il y a de nouvelles accusations,  nous aurons tout un autres procès, avec une nouvelle instruction?

 Legal237.net: 
On ne saurait parler de nouvelles accusations. L'ordonnance de renvoi est le document qui donne le cap. Par ailleurs, le tribunal peut procédé, si la réalité du dossier de procédure le commande, à la requalification de certains faits:«Si le tribunal estime que les faits tels qu'exposés par l'accusation doivent être autrement qualifiés, il précise la nouvelle qualification et la notifie au prévenu», dispose l'article 362(1) du code pénal. 


 

 Seidou Hamid: 
C'est clair. Je reviens sur la question sur les témoins. De façon,  générale est-ce qu'un témoin peut refuser de témoigner?

Legal237.net: 
Nous avons déjà répondu à cette question par la négative. La loi dispose que lorsqu'un témoin est cité à comparaître, il est tenu de se présenter. Si ce dernier ne se présente pas, une nouvelle citation lui est servie. Si de nouveau, il ne se présente pas, un mandat d'amener est décerné à son encontre.
De plus, il convient de noter que le refus de témoigner est constitutif d'une infraction, telle que prévue par  les dispositions de l'article 173(1) de la loi du 12 juillet 2016 portant code pénal:« Est punie d'un emprisonnement de six (06) jours à trois (03) mois et d'une amende de mille(1000) à cinquante mille (50 000) Fcfa, toute personne régulièrement citée en justice pour être entendue comme témoin qui, hors le cas d'excuse légitime, ne comparaît pas ou refuse de prêter serment ou de déposer.»