Bruno Bekolo Ebe : « Les faits tels que présentés par le témoin de l’accusation ont été dénaturés à dessein. »

Bruno Bekolo Ebe : « Les faits tels que présentés par le témoin de l’accusation ont été dénaturés à dessein. »

L’ancien recteur de l’Université de Douala réfute l’accusation relative à la perception par ses soins des indemnités de logement. A l’audience du 02 février au Tribunal criminel spécial à Yaoundé, il se prononce sur la non-application présumée des pénalités de retard dans l’exécution d’un marché public.

 

Par Florentin Ndatewouo

 

 

Me Foé Donald :

Vous êtes accusé du détournement de fonds ayant causé un préjudice de 21 millions 850 mille 900 Fcfa. Ce déficit est lié à la non-application des pénalités de retard. Qu’avez-vous à dire pour votre défense ?

 

Pr Bruno  Bekolo Ebe :  

Les pénalités de retard sont définies par l’article 89 du Code des marchés publics. Comment peut-on détourner une amende du seul fait qu’elle n’a pas été infligée ?

Là où il fallait appliquer les pénalités de retard, cela a été fait. Sur l’autre marché, rien ne justifiait l’application des pénalités de retard.

 

Me Foé Donald :

Quels sont les marchés visés par cette infraction ?

 

Pr Bruno Bekolo Ebe : 

Il s’agit d’une part du marché attribué à la société Ipersat. L’autre marché est attribué à la société Matloginformatique.

S’agissant du marché Ipersat, les allégations de non application des pénalités de retard sont fausses. Le démenti se trouve dans les documents produits par l’accusation elle-même, en l’occurrence le tome 1 annexe du rapport de la mission de contrôle du Consupe. Le marché numéro : 004/SG/DIPD/DIEM/SCE/MAC/09 passé le 06 octobre 2009 pour la fourniture d’équipement informatique aux services centraux de l’Université de Douala pour un montant de 69 millions 305 mille 934 Fcfa suite à la demande de renseignement numéro 0492/PR/CONSUPE/DIEP/MC/UTLA du 10 novembre 2010 adressée par la mission au recteur dans laquelle celle-ci au point 13, en page 14 la mission pose le problème de pénalité de retard sur ce marché. Le recteur dans sa réponse du 18 novembre 2010 répond en donnant en page 16 et 17 la preuve de la résignation du marché par décision du 09 octobre 2010. L’article 1 de cette décision dispose : « le marché numéro 0041/M/SG/DIPD/DIEM/SCE/MAC/09 du 06 octobre 2009 passé avec la société Ipersat Cameroun pour la fourniture des équipements informatiques dans les services centraux de l’Université est à compter de la présente décision résilié pour retard dans les prestations, entrainant les pénalités de 10% pour des retards dans les prestations et défaillance du fournisseur conformément aux dispositions de l’article 33 du Code des marchés publics. » L’article 2 : « La société Ipersat est interdit de soumissionner pour un nouveau marché public pendant une période de 02 ans comme le prévoit l’article 102 du Code des marchés publics ».

Au-delà, suite à cette décision de résiliation, le décompte a été établi. Il a été prélevé la somme de 06 millions 538 mille 534 Fcfa au titre de pénalité de retard, soit 10% du marché. Cette pièce sera produite, aussi bien que l’ordre de paiement du 12 décembre 2010 et la quittance du paiement partiel du trésor numéro : 07034029 du 20 octobre 2011.

Il convient de relever les incohérences de cette accusation. Dans ses déclarations à l’audience du 21 juin 2021, l’accusation s’est référée aux articles 89 et 90 du Code des marchés publics : « En tout état de cause, le montant cumulé des pénalités de retard ne peut excéder 10% du marché. » Mais l’accusation a déclaré « le marché accuse un grand retard dans son exécution, soit 11 mois de retard, donnant droit à une pénalité de retard de 21 millions 850 mille 900 Fcfa, représentant 35% du marché. » C’est ce qui est repris par l’ordonnance de renvoi. Comment on passe d’un taux maximum de 10% prévu par le Code des marchés et appliqué par le recteur à un taux de 35% qui n’a aucun fondement légal ?

 

Me Foé Donald :

Qu’avez-vous à dire s’agissant du marché avec Macinformatique ?

 

Le Pr Bruno Bekolo Ebe :

Il est important de relever que la mission de contrôle pendant son séjour à l’Université n’a jamais posé des questions de la non application des pénalités de retard s’agissant du marché passé avec la société Matloginformatique le 08 octobre 2009 pour les travaux de finition et d’équipement du bloc informatique de l’Enset de l’Université de Douala pour un montant de 100 millions 966 mille 379 Fcfa.

La preuve en est la demande de renseignement du 10 novembre 2010 déjà évoquée. Au cours de l’instruction, aussi bien dans les dépositions du témoin de l’accusation que lors de la confrontation, à aucun moment, il n’a été question du marché attribué à la société Matloginformatique, ainsi qu’en atteste le procès-verbal d’audition numéro I50 page 5 et 6, I69 page 5 et 6, I 73 pages 7, 8, 9…

C’est dans l’ordonnance de renvoi que je découvre en page 4 et 5 ce chef d’accusation. Nous allons apporter au Tribunal les informations et éclairages qui permettent de dire que l’accusation n’a aucun fondement factuel  ni de droit.

Il importe de préciser que ce marché s’inscrivait dans le cadre du Programme d’Appui à la Composante technologique (Pro-A.C.T). Les décisions relatives aux marchés dans ce programme étaient prises en dernier ressort par le Ministre de l’Enseignement supérieur (Minesup), président du Comité de Pilotage de ce programme et donc maitre d’ouvrage de tous les marchés passés dans les universités dans le cadre de ce programme. Les engagements financiers étaient faits non par l’université, mais par la Direction générale du Minesup. L’université rendait compte au Minesup de l’exécution des marchés à travers un Comité opérationnel de suivi.

S’agissant du marché Matloginformatique, le 11 octobre 2009, l’exécution du marché a été confronté à la nécessité de réaliser les travaux supplémentaires indispensables à la bonne exécution des marchés. Ce qui impactait le respect des délais. Par lettre du 05 novembre 2009, Matloginformatique saisissait le chef de service régional de la construction du littoral, ingénieur de l’Etat et ingénieur du marché, d’une demande d’avenant du fait d’un ensemble de travaux non prévus dans le marché initial, mais dont la réalisation était indispensable et préalable pour une bonne exécution du marché. Y réagissant, le chef de service par lettre datée du 09 novembre 2009 demandant à l’entreprise de lui fournir un ensemble d’éléments d’information relatifs au devis estimatif et quantitatif pour une meilleure appréciation de sa demande. Saisi en date du 08 novembre 2009 de la même demande le coordonnateur technique demandait à Matloginformatique de lui tenir les devis estimatifs. Par correspondance du 07 janvier 2010, Matloginformatique saisissait le coordonnateur technique chef du service des marchés d’une liste des travaux supplémentaires. Par correspondance du 18 janvier 2010, la société saisissait le recteur, maitre d’ouvrage délégué, d’une demande de prorogation des délais de 02 mois supplémentaires, en raison des travaux non prévus par le marché initial.

La prorogation est accordée par décision du 22 mars 2010. Par correspondance du 22 juin 2010, madame la directrice des infrastructures et du Développement de l’université, coordonnatrice du Pro-A.C.T et chef de service des marchés saisissait le recteur, maitre d’ouvrage délégué d’un avis favorable du chef de service de la construction du littoral, en sa qualité d’ingénieur de l’Etat. Avis favorable pour la conclusion d’un avenant concernant les travaux supplémentaires demandés par l’entreprise, et dont la nécessité s’est posée au fil des diverses réunions de chantier.

Après accord du Minesup, l’avenant du marché numéro : 0045/minesup/ud/ios/cot/rpm/laac/naac/09 du 08 octobre 2009 est conclu pour un montant de 14 millions 811 mille 937 Fcfa et un délai d’exécution de 04 mois à compter du 27 avril 2011.

Au regard de tous ces éléments dont les documents cités en attestent, il n’y avait aucune base légale pouvant fonder l’application des pénalités de retard à l’entreprise.

 

Me Foé Donald :

Vous êtes accusé du détournement de biens publics de la somme de 16 millions 600 mille. Détournement à travers le cumul de l’indemnité de non logement et de logement de fonction. Qu’avez-vous à dire au Tribunal ?

 

Le Prof Bruno Bekolo Ebe : 

Cette accusation est une illustration de la mauvaise foi aussi bien de la mission de contrôle que du témoin de l’accusation parce que c’est le professeur Bekolo lui-même qui a saisi la mission de contrôle de ce problème pour qu’elle l’aide à la résoudre. Cette mauvaise foi a été sanctionnée par le juge administratif qui a annulé la prétendue faute. Contrairement à l’affirmation faite par le témoin de l’accusation à l’audience du 05 mai 2021 : « C’est l’université qui paye cette indemnité », le recteur n’a jamais fait l’engagement de son logement sur le budget de l’université, pour la simple raison que la rémunération du professeur Bekolo Ebe n’a à aucun moment été pris en charge par le budget de l’université. Cette rémunération et donc l’indemnité de logement ont toujours été pris en charge le Ministère des Finances (Minfi). Les faits tels que présentés par la mission de contrôle et le témoin de l’accusation ont été complètement dénaturés à dessein. Les faits relèvent d’un contentieux que le recteur a lui-même posé au Minfi depuis 2004. Contentieux qui reste d’ailleurs pendant jusqu’à ce jour.