Edgard Alain Mebe Ngo’o : « Le président de la République SEUL était habilité à déclencher des poursuites à mon encontre. »
Au soutien de sa déclaration, l’ex-Mindef convoque les dispositions de l’article 08 de la loi du 5 décembre 1974, relative au contrôle des ordonnateurs, gestionnaires des crédits des établissements et d’entreprises d’Etat. A l’audience du 25 août dernier au Tcs, l’accusé est interpelé sur les infractions de blanchiment aggravé de capitaux.
Par Florentin Ndatewouo
Me Amougou Koé :
Dans le procès-verbal d’audition du témoin, monsieur Mbassi François, une question lui a été posée. Celle de savoir quelle différence établissait-il entre le paiement et le règlement des marchés publics ? Quelles observations faites-vous sur les réponses apportées par ce dernier ?
Edgard Alain Mebe Ngo’o :
Monsieur Mbassi est un ex-payeur à la Trésorerie générale de Yaoundé. Il relève de l’autorité du Ministre des Finances. Je le trouve pertinent dans sa réponse lorsqu’il dit que le paiement est le processus de vérification et de contrôle au niveau comptable. Ces vérifications sont sanctionnées par la validation de la dépense. Le règlement est fonction de la disponibilité de la trésorerie.
Me Amougou Koé :
Quelles observations faites-vous sur les réponses données par ce même témoin, suite à la question de savoir comment s’opéraient les règlements de ces marchés ?
Edgard Alain Mebe Ngo’o :
Je suis quand-même impressionné par les soins que l’Etat prend pour sécuriser la fortune publique. Les règlements étaient personnellement suivis par la hiérarchie du Minfi. Il n’y a donc pas d’espace pour quelques ingérences que ce soit dans le processus de paiement et de règlement, même si on est ministre délégué à la Présidence chargé de la défense (Mindef). Je note aussi de l’avis du témoin que les ordres de virement sont effectués au profit des prestataires locaux, tandis que les transferts le sont pour les prestaires étrangers. Ce qui veut dire que les règlements, en ce qui concerne les dépenses dans le cadre de la fête du 20 mai se font uniquement par le trésor public. J’ajoute enfin que les règlements n’étaient pas faits au profit de monsieur Edgard Alain Mebe Ngo’o. Mais, au profit des prestataires locaux et étrangers. Lorsque ces règlements sont effectifs, l’Etat a déjà prélevé ses taxes. Donc, même le braqueur le plus talentueux ne pourrait pas détourner les taxes.
Me Amougou Koé :
Vers quelles destinations sont acheminées les liasses des marchés réglés ?
Edgard Alain Mebe Ngo’o :
La chambre des comptes de la Cour suprême est juge des comptes et ce, conformément à l’article 41 de la loi du 18 janvier 1996, portant révision de la Constitution du 02 juin 1972. Tous les marchées incriminés par l’accusation, et jusqu’à preuve du contraire n’ont fait l’objet d’aucun contentieux initié par la chambre des comptes. En ma qualité d’ordonnateur de 2009 à 2015, je n’en ai jamais été notifié de quoi que ce soit.
Je précise d’ailleurs que le Minfi a activement participé aux négociations de la convention de prêt entre l’Etat du Cameroun et la République populaire de Chine. Ce prêt est actuellement en cours de remboursement par la Caisse autonome d’amortissement, placée sous la tutelle du Ministère des Finances. Le Minfi, à travers ses différents acteurs (contrôleurs financiers, agents comptables) a procédé au règlement de tous les marchés incriminés par l’accusation au profit des différents prestataires, après avoir exercé ses vérifications et ses contrôles en toute indépendance sur ces marchés avant la transmission des liasses correspondantes à la chambre des comptes.
Je voudrais quand-même marquer ma surprise. La partie civile ici présente ne s’est manifestée que 18 mois après l’ouverture de l’information judiciaire. Jusqu’à l’heure actuelle, nous n’avons toujours pas connaissance du montant exacte du préjudice que cette partie civile réclame.
Je suis à tout le moins étonné que requis par le juge d’instruction, de mettre à la disposition les documents susceptibles d’entamer le processus de réparation qui est légitime, que le Ministère des Finances n’est pas cru devoir réagir.
S’agissant de l’Anif (l’Agence nationale des investigations financières), ce n’est pas l’étonnement, c’est la stupéfaction de ma part. Après les graves accusations mensongères (et je pèse mes mots) formulées par l’Anif, après l’élaboration de sa correspondance tronquée, que l’Anif ne soit pas venue assumer ses responsabilités devant le juge d’instruction.
Me Amougou Koé :
Vous êtes poursuivi dans la présente procédure ex-qualité d’ordonnateur sur le fondement de l’article 3 de la loi du 5 décembre 1974 relative au contrôle des ordonnateurs, gestionnaires des crédits des établissements et d’entreprises d’Etat. Avez-vous engagé des dépenses sans crédits disponibles ou délégué ?
Edgard Alain Mebe Ngo’o :
Non. A la demande du Minfi, j’avais accrédité un ordonnateur délégué qui engageait les dépenses.
Me Amougou Koé :
Avez-vous comparu devant le Conseil de discipline budgétaire et comptable (devenu Conseil de discipline budgétaire financière ?)
Edgard Alain Mebe Ngo’o :
Non. La procédure est prévue à l’article 08 de ladite loi. Le président de la République seul, saisi du rapport du Conseil de discipline budgétaire et comptable, mentionnant les faits qui me sont imputés, susceptibles d’être qualifiés de crime ou délit, était habilité à déclencher des poursuites à mon encontre. Or, depuis ma mise en détention depuis 02 ans et demi, je n’ai jamais été notifié d’un rapport transmis au chef de l’Etat, ayant abouti aux poursuites. Je me demande par conséquent ce que je fais devant ce Tribunal.
Edgard Alain Mebe Ngo'o, recevant les honneurs militaires au cours de son séjour en République populaire de Chine, en vue de la signature de la Convention de pret entre l'empire du milieux et l'Etat du Cameroun, portant sur la livraison du matériel militaire Pékin/07/04/2011.
Me Amougou Koé :
Que répondez-vous de l’accusation de corruption portée à votre encontre par votre coaccusé Maxime Mbangue ?
Edgard Alain Mebe Ngo’o :
S’agissant des allégations de mon coaccusé Maxime Mbangue Léonard, elles sont dénuées de tout fondement. L’article 311 du Code de procédure pénale (Cpp) subordonne la prise en compte des allégations d’un coaccusé à la production de preuves documentaires, ou à la manifestation d’un témoignage qui corrobore ces allégations, et qui est extérieur à la procédure. Je mentionne également que depuis cette EXAMINATION-IN-CHIEF, j’ai essayé de prouver que toutes ces accusations qui ont été portées sont juridiquement et matériellement infondées. J’affirme donc que je n’ai rien détourné. Je m’interroge sur la véracité de cette accusation de corruption. Car, qui sont ces fameux corrupteurs qui m’auront corrompu sans en gagner ?
A la faveur des différentes lois de règlement qui ont été votées et promulguées, qui donnent quitus au gouvernement dont je faisais partie à l’époque, je n’ai pas détourné et je n’ai pas été corrompu.
Me Amougou Koé :
Il vous est également reproché le blanchiment aggravé de capitaux d’un montant avoisinant 03 milliards Fcfa Quelles sont vos observations ?
Edgard Alain Mebe Ngo’o :
J’ai été accusé de blanchiment aggravé de capitaux d’un montant de 20 milliards Fcfa. 1ère observation m’amène à m’interroger sur le terme avoisinant. Ne peut-on pas évaluer de manière précise une infraction aussi grave que le blanchiment ? Pourquoi cette incertitude, cette inexactitude ?
2ème observation : Nous savons tous que le blanchiment n’est pas une infraction autonome. Le blanchiment est nécessairement lié au détournement, à la corruption, et éventuellement au trafic de drogue. Ces infractions non pas été établies. Je n’ai pas détourné, je n’ai pas été corrompu, je ne me suis pas livré au blanchiment d’argent.
Nous avons des pièces que nous souhaitons certifier et qui sont susceptibles de contribuer à la manifestation de la vérité. Mes Avocats arrivent dans les administrations pour les faire certifier, on les oppose une fin de non-recevoir. C’est un cercle vicieux qui est installé et dont vous en tiendrez compte au moment venu. Je ne sais pas pourquoi je suis l’objet d’autant d’acharnement. C’est de ça qu’il s’agit.
Le montant du détournement de biens publics par complicité est de 64 milliards 724 millions 075 mille Fcfa.
Edagrd Alain Mebe Ngo’o est accusé de complicité du détournement de la somme de 20 milliards 374 millions Fcfa ;
Maxime Leonard Mbangue :06 milliards 974 millions Fcfa ;
Ghislain Mboutou Elle : 13 milliards 300 millions 300 mille ;
Victor Emmanuel Menye :18 milliards 699 millions 567 mille ;
Bernadette Minkoulou époue Mebe Ngo’o : 05 milliards 275 millions 373 mille.
L’audience du 25 août dernier s’est poursuivie le 27 du même mois.