Emmanuel Leubou:"La suspension n'était pas une solution définitive."

L'accusé répond ainsi aux questions posées par Me Etienne Abessollo. Il est contreintérrogé à l'audience du 12 janvier dernier par l'Avocat de la partie civile au Tribunal criminel spécial (Tcs) de Yaoundé. 
Par Florentin Ndatewouo
 

Me Etienne Abessolo:
Pouvez-vous rappeler à l'attention du tribunal de façon brève, ce que vous avez fait lorsque les problèmes ont été constatés au niveau du compte de Madame Lefang ?

Emmanuel Leubou:
Le constat fait c'est que les remboursements des avances sur soldes et de pensions sont annulés. Voilà le constat qui est fait pour la première fois en avril 2016. Lorsque je fais ce constat, je repositionne les remboursements et je rends compte par écrit à monsieur le ministre des Finances. Contrairement à ce que l'on peut penser, il est impossible de tout voir à partir de l'écran de mon ordinateur. Ainsi donc, après la solde du mois d'avril 2016, j'ai tenu une séance de travail avec mes proches collaborateurs à l'issue de laquelle nous avons pu, à l'aide d'une requête, identifier le seul et unique USER qui a procédé aux annulations.  Tout de suite, nous avons suspendu ce USER et les annulations ont cessé. Puis, en juillet 2016, le payeur général du Trésor est venu me voir dans mon bureau pour me dire que sa collaboratrice? madame Lefang? n'arrivait pas à travailler. Je lui ai dit que son USER a été suspendu parce que il a procédé à l'annulation du remboursement des avances sur solde et des pensions. 
Étant donné que ce USER ne s'occupe pas uniquement des remboursements des avances sur soldes et pensions, j'ai accepté de lever la suspension à une seule condition, à savoir, informer madame Lefang. C'est alors que le trésorier payeurs général m'a convié à une séance de travail dans son bureau en la présence de Madame Lefang.  Pour preuve, j'ai produit la liste de tous les annulations qui avaient été effectuées avant de lever l'annulation sur le USER. A ma grande surprise, après la solde du mois d'avril 2016, j'ai constaté que les annulations ont repris.  A partir de ce moment là, j'ai décidé non plus de suspendre le USER, mais de verrouiller dans les programmes Antilopes, les comptes 600 (pour remboursement avances sur soldes et 662(pour remboursement avances sur pensions.)
Plus de trois mois après, la commission mixte promise par le trésorier du trésor n'a jamais vu le jour. Voilà pourquoi, à ma demande, le ministre des Finances a créé un groupe de travail chargé de mener des investigations approfondies sur le phénomène d'annulation des avances sur soldes et pensions. Pendant que le groupe de travail était à pied d'oeuvre, l'affaire s'est retrouvée au Tcs, et j'ai été placé sous mandat de dépôt en juin 2018. Depuis lors, la seule information que j'ai eue, c'est le rapport produit par monsieur Simo Kengne Robert, directeur du personnel, de la solde et  des pensions, que j'ai d'ailleurs versé au dossier de procédure, qui était membre du groupe de travail. Il avait été mandaté par le président du groupe de travail, en la personne de monsieur le directeur général du budget, de retrouver au niveau de la trésorerie générale du Trésor, les quittances de reversement pour les cas réguliers. 

Me Etienne Abessolo:
Si le trésorier payeur général n'était pas intervenu à la suite de la suspension de son service, qu'auriez vous fait à la suite de la suspension du USER? Autrement dit, considériez-vous la suspension comme une solution définitive ?

Emmanuel Leubou:
La suspension n'était pas une solution définitive. Elle était une mesure qui permettait d'observer le phénomène. En principe, nous pensions qu'avec cela, le titulaire de ce USER, c'est-à-dire madame Lefang, devrait se rapprocher de moi, étant donné que la fonction d'annulation existe bel et bien dans l'application Antilope et donc fait partie de ses attributions.

Me Etienne Abessolo:
Quand il y a un problème avec un compte, le titulaire de ce compte peut-il modifier le mot de passe et à quelle condition ?

Emmanuel Leubou:
La seule condition, c'est de venir me voir. On n'a même pas besoin d'avoir un problème pour modifier son mot de passe. Tout dépend de son titulaire. 

Me Etienne Abessolo :
En tant que responsable de ce service, lorsque ce service dysfonctionne, et que vous êtes nécessairement interpellé par ce dysfonctionnement, n'aviez vous pas le pouvoir de convoquer dame Lefang pour mettre fin à ce dysfonctionnement et pour lui suggérer éventuellement la modification du mot de passe ?

Emmanuel Leubou:
Première chose, il ne s'agit pas d'un malfonctionnement. La fonction d'annulation existe bel et bien et c'est le USER habilité à le faire qui l'a fait. Deuxièmement, il ne me revient pas de convoquer un utilisateur. C'est à l'utilisateur de venir dire que son USER ne fonctionne pas. 

Me Étienne Abessolo:
Aviez-vous donc besoin de rectifier des opérations si vous les considériez comme régulières parce que provenant du titulaire du compte ? Rectifie-t-on ce qui est régulier ?

Emmanuel Leubou:

A priori, une annulation d'un remboursement effectuée par le USER 01x est régulière. Lorsqu'on sait que la demande d'octroi est forte en matière d'avance sur salaire et sur pension, on ne peut pas être surpris de voir un taux d'annulation élevé. Voilà pourquoi, il fallait mener des investigations approfondies pour bien comprendre le phénomène. 

Me Etienne Abessolo:
Est-ce que vous n'aviez pas le pouvoir de réinitialiser un USER pour mettre fin définitivement au problème qu'il pose après avoir constaté ces irrégularités?

Emmanuel Leubou :
Non.  Dans l'application Antilope, il n'est pas prévu, la réinitialisation d'un USER. Ce qui est prévu, c'est la suspension d'un USER ou le changement du mot de passe à la demande de son titulaire. Je ne peux pas le faire à sa place parce que c'est une information secrète et confidentielle.

Me Etienne Abessolo:
Revenant sur l'ordonnance de renvoi en page 10. A l'avant dernier paragraphe de cette page, il est dit ceci que "les témoins Onguéne Awana Laurent et Moungang Jacques, appelés à éclairer l'information judiciaire ont sans ambages relevé que de son piédestal, Leubou Emmanuel est le maître du système informatique et que ses prérogatives sont quasi illimitées du moment où c'est lui qui peut désactiver les USERS et les remettre en fonction ou encore, qu'aucune information du réseau ne peut lui échapper. Compte tenu de ce qu'il vient d'affirmer, que pense -il de ces apports des témoins éclairés ?

Emmanuel Leubou:
Je pense que cet extrait n'est pas contraire à ce que j'ai dit jusqu'à présent. Pour ce qui concerne les USER, la suspension et la désactivation renvoie à la même chose.
Pour ce qui concerne les informations du réseau, à partir du moment où il est impossible de tout voir à partir de l'écran de mon ordinateur en tant qu'administrateur de Antilope, j'ai le privilège pour écrire des requêtes, à l'effet de ressortir des informations qui n'apparaissent pas en temps réel sur mon écran. C'est d'ailleurs ce que nous avons fait pour identifier le USER qui a perpétré les annulations frauduleuses. 
Dans une application en exploitation, l'on écrit des requêtes uniquement en cas de problème.