François Onguene : « L'article 09 du contrat de concession INTERDIT la cession des biens de retour »
Le témoin de l’accusation réagit ainsi au cours de son audition le 04 novembre dernier. Il est contre-interrogé par l’accusé Jean William Sollo, au Tribunal criminel spécial à Yaoundé. L’audition porte en partie sur l’opération de cession d’immobilisation. A cet effet, il indique que l'article 10 dudit contrat permet la vente ou l'aliénation des biens propres ou de reprise, « à condition qu'il y ait une résolution du Conseil d'administration, la saisine de la tutelle par le directeur général, l'accord express des deux tutelles. » Et si l'on voudrait toujours céder ces biens, « il faut tenir compte de la valeur de remplacement, c'est-à-dire la valeur actuelle du véhicule sur le marché »
Par Florentin Ndatewouo
Jean William Sollo :
Savez-vous que ce sont 53 véhicules qui ont été vendus aux personnels et non 42 comme vous l'avez dit ?
François Onguene :
Le nombre 42 n'avait jamais été contesté devant le juge d'instruction.
Jean William Sollo :
Pouvez-vous décrire au tribunal la procédure d'obtention d’une résolution du Conseil d'administration ?
François Onguene :
Cela dépend du management
Jean William Sollo :
Les deux représentants des tutelles (Minfi, Ministère des Finances, Ndlr et Minee, Ministère de l’Eau et de l’Energie, Ndlr) assistaient-ils aux réunions du Conseil d'administration ?
François Onguene :
Oui.
Jean William Sollo :
Est-il constant que les membres du Conseil d'administration doivent rendre compte du précédent Conseil d'administration à leur ministre avant d'assister aux réunions du Conseil d'administration ?
François Onguene :
Oui.
Jean William Sollo :
Les membres du Conseil d'administration représentant les tutelles de la CAMWATER qui assistaient aux Conseils d'administration ont-ils fait des réserves, pour rejeter les cessions à titre onéreux de ces véhicules, dont ont été bénéficiaires à titre exclusif, le personnel de la CAMWATER ?
François Onguene :
Peu importe les observations des membres du Conseil d'administration. Ils ne sont pas tuteurs, ils sont des cadres administratifs. Leurs ministères portent la tutelle. C'est pourquoi le contrat de concession signé par le Minfi, ainsi que les statuts de la CAMWATER, signés par le président de la République, disent qu’après obtention de la résolution du Conseil d'administration, portant aliénation des biens, le Directeur général doit saisir la tutelle par un courrier express, pour que celle-ci puisse se prononcer sur l'aliénation définitive du bien. Cette saisine ne figure pas dans le dossier administratif de gestion des biens, ainsi que les réponses des tutelles. Ces deux éléments qui manquent reflètent de la relation difficile que la CAMWATER avait avec sa tutelle technique.
Jean William Sollo, ancien directeur général de la CAMEROON WATER UTILITIES CORPORATION( CAMWATER de 2012 à 2016), accusé de détournement de biens publics et complicité. Il contre-interrroge le témoin de l'accusation au Tribunal criminel spécial à Yaoundé/04/11/20122
Jean William Sollo :
Compte rendu ayant été fait par les représentants des tutelles par les administrateurs, compte rendu des résolutions et exécution étant parvenus aux ministres, lesdits ministres les ont-ils rejetés ?
François Onguene :
Les ministres attendent jusqu'au jour d'aujourd'hui, la demande expresse du directeur général sur l'aliénation des biens de la CAMWATER.
Jean William Sollo :
Pensez-vous qu'un véhicule d'entreprise telle que la CAMWATER peut fonctionner indéfiniment, même s'il est entretenu et régulièrement réparé ? Les réparations ne finissent-elles pas par coûter plus cher que les rendements escomptés de ces véhicules ?
François Onguene :
Le droit spécial traduire par le contrat de concession l’a prévu en ses articles 09 et 10 et je ne saurais m'opposer à cette vision.
Jean William Sollo :
Au cours de la période incriminée, la CAMWATER a-t-elle acquis de nouveaux véhicules ?
François Onguene :
Oui. 06 véhicules de luxe.
Jean William Sollo :
Les différents projets financés avec l'aide des bailleurs de fonds bilatéraux ou multilatéraux n'ont-ils pas enrichi le parc automobile de la CAMWATER en véhicules utilitaires ?
François Onguene :
Oui, dans le cadre des opérations contractuelles. C'est-à-dire qu'à la fin du chantier, les biens sont reversés à la CAMWATER.
Jean William Sollo :
Peut-on donc en conclure que les dispositions ont été prises pour que la direction de la CAMWATER procède à un renouvellement du parc automobile ?
François Onguene :
je ne saurais dire oui parce que les dispositions étaient inachevées car, il fallait saisir jusqu'à la tutelle. La plus importante était la saisine de la tutelle.
Jean William Sollo :
Pensez-vous qu'on aurait dû obtenir de ces cessions à titre onéreux, un rendement financier équivalent au prix des véhicules neufs comme le suggère l’accusation ?
François Onguene :
Le contrat de concession soutien que lesdits véhicules soient substitués à leur valeur de remplacement. La valeur de remplacement est la valeur d'aujourd'hui du véhicule sur le marché. Et le juge d'instruction, au lieu de cette valeur de remplacement, avait retenu la valeur de reprise en 2008.
Jean William Sollo :
Vous qui étiez responsable du service administratif et financier. Pouvez-vous dire au tribunal si les recettes issues de ces ventes ont été reversées dans la caisse administrative de la CAMWATER ?
François Onguene :
Oui, soit un montant de 56 millions Fcfa, sur 801 millions Fcfa, attendues.
Jean William Sollo :
Ces véhicules cédés usager, tous ayant dépassés largement l'âge de 05 ans, donc amortis sur le plan comptable, pouvaient-ils encore être cédés au prix du neuf ?
François Onguene :
Ce sont les spéculations financière et commerciale. La cession des biens d'une entreprise de type d'État telle que la CAMWATER est encadrée. L'encadrement ici c'est le contrat de concession. L'article 09 de ce contrat interdit la cession des biens de retour... Ces biens sont renouvelables. L'article 10 permet la vente ou l'aliénation des biens propres ou de reprise, à condition qu'il y ait une résolution du Conseil d'administration, la saisine de la tutelle par le directeur général, l'accord express des deux tutelles. Et si l'on voudrait toujours céder ces biens, il faut tenir compte de la valeur de remplacement, c'est-à-dire la valeur actuelle du véhicule sur le marché... D'où la difficulté ici de céder un bien.
Jean William Sollo :
Le décret portant création de la CAMWATER, appuyé de ses statuts ne dit-il pas que la CAMWATER est une entreprise publique à caractère industriel et commercial, ce qui le rend très différent ?
François Onguene :
Oui. Ce n'est pas la seule balise. Dans les procédures administrative et comptable de la CAMWATER, il y a jonction de procédure. Les statuts signés du président de la République, proposent le Directeur général et directeur général adjoint pour nomination au Conseil d'administration. La CAMWATER a opté pour la comptabilité privée, bien qu'étant une entreprise publique. Ceci n'explique pas tout de même que la CAMWATER est une entreprise privée commerciale.
Jean William Sollo :
Êtes-vous au courant que le président de la République avait signé une ordonnance prescrivant à toutes les entreprises à capital public et commercial, d’adopter dans les meilleurs délais une comptabilité de type privée ?
François Onguene :
La CAMWATER est une entité à capitaux publics qui tient une comptabilité privée, différente de celle d'une université ou d'autres entités publiques. Cette comptabilité est encadrée. Au regard des activités menées, la CAMWATER ne passe pas les marchés à la volée. Elle est soumise au code des marchés publics défini par l'Etat, alors que l'entreprise privée est libre de passer ces marchés sans enregistrement. C’est l’une des différences.