Léonard Maxime Mbangue : « Monsieur Franchitti n’a jamais reconnu m’avoir remis une enveloppe d’argent. »
Poursuivi entre autres pour corruption, blanchiment aggravé de capitaux… le conseiller technique d’Edgard Alain Mebe Ngo’o nie les faits. A l’audience du 27 avril de l’année en cours, l’accusé évite autant que possible de répondre aux questions posées par les Avocats de l’Etat du Cameroun. Ce 06 mai au Tribunal criminel spécial, l'accusé a été contre-interrogé par le Ministère public au sujet de l'acquisition de ses immeubles.
Par Florentin Ndatewouo
Me Atangana Ayissi :
Au cours de votre audition devant le juge d’instruction le 29 avril 2020, vous avez affirmé que le conseiller technique n’a pas d’attribution propre au sens du texte organique du Mindef. Il traite tous les dossiers à lui confié par la hiérarchie. Ayant déclaré lors de son audition le 14 février 2019 avoir été satisfait par votre travail comme sous-directeur des affaires administrative et financière à la Délégation générale à la Sureté nationale (Dgsn), le ministre Mebe Ngo’o, sur la base de ce satisfecit, ne vous a-t-il pas impliqué, même de fait, à l’exécution du budget du Mindef, relativement aux marchés publics ?
Léonard Maxime Mbangue :
Je vous donne lecture de la déclaration de monsieur le ministre Edgard Alain Mebe Ngo’o à l’audience du 25 août 2021 : « Mes coaccusés n’ont joué aucun rôle en ce qui concerne les marchés publics. » Je n’ai donc joué aucun rôle.
Me Atangana Ayissi :
Au cours de son audition à l’enquête préliminaire le 24 février 2019, déposant relativement à votre implication de faite dans le traitement des dossiers relevant de la direction du budget et des équipements au Mindef, monsieur Mebe Ngo’o, parlant de vous a déclaré ce qui suit : « Je lui ai demandé d’avoir un droit de regard sur les affaires qui relevaient du budget. » Que pensez-vous de ces déclarations par lesquelles le ministre dit vous avoir doté des attributions relevant du budget ?
Léonard Maxime Mbangue :
En ma qualité de conseiller technique, je n’étais pas mêlé dans la chaine de la dépense publique. ("Ah bon ?" Questionne un individu, visiblement proches de certains accusés. Dans la foulée, des murmures de contestations se font entendre dans la salle d’audience).
Me Atangana Ayissi :
En votre qualité de conseiller technique, ce « droit de regard » tendait à ressourdre quel problème au sein d’une direction ayant déjà des tâches bien définies par un organigramme ministériel ?
Léonard Maxime Mbangue :
Je n’ai pas eu une instruction d’avoir un droit de regard. Je ne sais pas ce qu’on entend par avoir un "droit de regard".
Me Atangana Ayissi :
Au cours de son interrogatoire devant le juge d’instruction du Tribunal de Paris le 07 juillet 2019, agissant en exécution de la Commission rogatoire internationale, commandée par le juge d’instruction du Tribunal de céans, et à la question de savoir : « Quels sont les éléments qui lui ont permis de porter les prix des articles sur les factures pro-formats dans les marchés d’acquisition d’effets vestimentaires de 2009 à 2015, monsieur Franchitti a donné la réponse suivante : « Je proposais mon prix et ils acceptaient ou pas. Je prenais des marges normales aux alentours de 30%. Mais, comme les ministres camerounais me payaient avec retard, mes marges pouvaient être plus importantes. En cas de paiement avec retard d’01 an, je leur avait donc fait crédit pendant 01an. J’ajoutais alors 07 ou 08% des marges. » En votre qualité de haut fonctionnaire des finances, ces marges arrêtées sous appréciations souveraines du prestataire et curieusement validées par l’autorité cocontractante systématiquement à 30% du prix de la mercuriale, majorée ab initio de 07% d’intérêt pour un retard de paiement étaient-elles réglementaires ?
Léonard Maxime Mbangue :
Je n’ai pas de commentaire à faire là-dessus (Vraiment... Ce monsieur est terrible, réagit-t-on dans la salle)
Me Atangana Ayissi :
Qu’est-ce qui explique que vous vous soyez tût au sujet de cette majoration, alors que vous aviez un droit de regard ? (Très bien, se réjouit une personne dans l’assistance)
Léonard Maxime Mbangue :
Je n’ai jamais reçu une note écrite qui me conférait un droit de regard.
Lire aussi : Interrogatoire : Maxime Mbangue parle de ses 14 immeubles.
Me Atangana Ayissi :
Au cours de votre audition à l’enquête préliminaire du 13 février 2019, vous avez déclaré ce qui suit : « les deux années où j’étais directement impliqué, une fois l’exécution du budget lancé, je recevais généralement entre février et mars, les enveloppes pour ce qui est de Magforce international et ses sociétés connexes. Des pro-formats sur lesquelles le ministre avait déjà marqué « Ct (conseiller technique)/accord ». Dans le cadre de ce que vous-même qualifiez d’« implication directe », pouvez-vous dire au tribunal de qui receviez-vous ces enveloppes et à quelles fins ?
Léonard Maxime Mbangue :
Sur aucun marché allant de 2010 à 2011, il y a cette mention. Le ministre a expliqué qu’il recevait des factures pro-formats des fournisseurs, qu’il transmettait après y avoir apposé son accord. (Tsuippp) réagit un autre individu dans l’assistance, qui ne semble pas satisfait de la réponse donnée ).
Me Atangana Ayissi :
Lors de votre audition le 05 mars 2019 à l’enquête préliminaire, vous avez déclaré ce qui suit : « J’ai reçu les fonds de Magforce international à deux niveaux : premièrement dans le cadre des cadeaux qu’ils ont eu à donner aux membres des commissions en France ; principalement dans le cadre de la rémunération des prestations qui leur étaient garanties. » Comment expliquez-vous que, s’agissant principalement de Magforce, vous ayez bénéficié de la rémunération de ce prestataire, en prétendant n’avoir jamais été impliqué, même de fait au traitement de ces marchés ?( « Je suis sûr qu’il va essayer d’éviter cette question comme toutes les autres », redoute un membre de l’assistance)
Léonard Maxime Mbangue :
La question comporte deux volets. L’une est liée aux missions à l’étranger. En tant que conseiller technique au Ministère de la Défense, je n’ai jamais effectué une mission pour l’acquisition des équipements. N’ayant pas effectué de mission, n’étant pas membre d’une commission en charge des marchés publics, je ne pouvais pas recevoir des cadeaux. Je n’étais pas impliqué dans le processus des marchés au Ministère des Finances. Je ne pouvais donc pas interférer dans cette activité encadrée par une règlementation stricte, gérée par un comité interne et suivie par la hiérarchie du Ministère des Finances. Je n’ai rien perçu de Magforce international. Tous mes comptes bancaires ont été scrutés par la Brigade financière en France et par l’Anif (Agence nationale des Investigations financière Ndlr) au Cameroun. Il n’a été décelé aucun virement illicite. Monsieur Franchitti n’a jamais reconnu m’avoir remis une enveloppe d’argent.