Limogeage du Sg: L’Assemblée nationale ou le règne du Cavayeland ?
L’arrêté du bureau relevant le secrétaire général de cette institution est consécutive à la non sélection par ce dernier, de l’entreprise Nsia Assurance. Ce, en raison de ses défaillances d’antan, déplorées par les députés, et relevées par la commission des marchés publiques. En dépit de ce rejet, le président la chambre basse du Parlement prend fait et cause pour ladite société. Cette diverge de vues débouche sur le limogeage de l’ordonnateur délégué.
Par Florentin Ndatewouo
Le divorce entre le secrétaire général de l’Assemblée nationale (An) du Cameroun et le président de la deuxième chambre du Parlement est désormais acté. Gaston Komba est licencié le 12 février dernier, par arrêté du bureau de l’An signé de Cavaye Yéguié Djibril : « Monsieur Gaston Komba, est pour compter du présent arrêté de bureau relevé de ses fonctions de secrétaire général de l’Assemblée nationale pour fautes lourdes »
L’arrêté du bureau relatif au limogeage du secrétaire général de l’An traduit le malaise qui existe entre ce dernier et le président de cette chambre du Parlement, l’honorable Cavaye Yeguié Djbril. Ce désaccord porte sur l’attribution d’un marché public, en rapport avec l’assurance maladie de l’Assemblée nationale. Dans une note datée du 13 décembre 2021, le secrétaire général de l’An indique qu’il ressort du procès-verbal de la Commission de passation des marchés publiques et sa sous-commission d’analyse que 03 entreprises ont soumissionné à ce marché relatif à l’assurance maladie. « Des conclusions de leur analyse, il ressort que seul 02 compagnies après l’ouverture des offres administratives ont été éligibles à l’ouverture de leur offre financière. » Il s’agit des entreprises Atlantique Assurance et Chanases Assurances. Par contre, la société Nsia Assurance n’est pas retenue, « (…) pour offre administrative non conforme. Il faut rappeler que cette compagnie a présenté des insuffisances importantes lors de l’exécution des précédents contrats, créant un mécontentement réel des députés et du personnel. » En dépit de cette observation, le président de l’An (Pan) opte pour la société éconduite par la commission marchés publiques : « Je vous demande de soumettre à ma signature le contrat qui lie la compagnie d’assurance Nsia à l’Assemblée nationale dans les meilleurs délais », écrit Cavaye Yeguié Djibril le 17 janvier de l’année en cours.
Il convient de noter que les opérations d’exécution du budget de l’Etat sont du ressort des ordonnateurs, contrôleur financiers et comptables. A cet effet, l’article 66 de la loi du 11 juillet 2018 portant régime financier de l’Etat et des autres entités publiques distingue 03 catégories d’ordonnateurs :
-Les ordonnateurs principaux ;
Les ordonnateurs secondaires ;
-Les ordonnateurs délégués.
En outre, la loi du 09 septembre 2014 portant règlement intérieur de l’Assemblée nationale, en son article 103 (1, 2) fait du président de l’Assemblée national l’ordonnateur principal, et du secrétaire général, l’ordonnateur délégué. « L’ordonnateur du Budget ou l’ordonnateur délégué ne peut arrêter et constater les droits des créanciers que pour des services faits », précise l’alinéa (3) de l’article évoqué supra.
Le limogeage de Gaston Komba fait suite à sa suspension de signature en date du 28 janvier dernier. Depuis lors, la gestion des affaires courante est confiée au secrétaire général adjoint, Abdoullaye Daouda.
« Si tu veux être juste dans un monde où la Justice n’existe pas, tu es victime d’une illusion ».
Le congédiement du secrétaire général de l’Assemblée national s’ajoute à une multitude de limogeages antérieurs. Sous l’ère Cavaye Yeguié Djibril, nombre de prédécesseurs de Gaston Komba se sont vu « défénestrer ». Ainsi, au cours de l’année 2019, alors qu’il suit les travaux à l’hémicycle, l’Ex-secrétaire général, Geofroy Mbock, vêtu d’un ensemble boubou bleu turquoise est interrompu par un individu qui effectue son entrée à l’Hémicycle. Ce dernier lui chuchote à l’oreille droite. Après quelques minutes d’échanges, il se retire illico presto. Il est informé de son limogeage. Les devanciers de Geofroy Mbock n’ont pas échappé à cette réalité : Yene Ossomba, Samuel Efoua Mbozo’o, Samson Ename Ename, Louis Claude Nyassa, Michel Meva’a M’Eboutou ont subi le même revers. De nombreuses indiscrétions évoquent une désapprobation des Sg licenciés. Désapprobation liée au défaut de rigueur et de sincérité dans la gestion de la ressource financière à l’Assemblée nationale.
L’honorable Albert Dooh Collins, est l’un des 12 secrétaires du bureau de l’Assemblée nationale. Le député du Rassemblement démocratique du peuple camerounais (Rdpc) dans la circonscription du Wouri-centre (région du littoral), dénonce cette décision du président de l’Assemblée nationale. Il indique que les accusations dont le secrétaire général sortant de l’Assemblée nationale est l’objet ne sont pas fondées. Par ailleurs, l’honorable Dooh Collins évoque l’intégrité de son ancien collègue à l’hémicycle. Gaston komba serait-il victime de son sens de rigueur, de discipline et d’intégrité ? A ce sujet, Michel Dupuy prévient : « Si tu veux être juste dans un monde où la Justice n’existe pas, tu es victime d’une illusion ».
L’honorable Albert Dooh Collins ne maque pas de faire l’éloge du chantier de la modernisation de l’Assemblée nationale, suite à l’arrivée du secrétaire général déchu.
Gaston Komba, secrétaire général déchu pour "fautes lourdes" par le bureau de l'Assemblée nationale Yaoundé /12/02/2022
Quid des Komba (s) menés par le secrétaire général limogé ?
La modernisation dont il est question se caractérise de par la qualité et l’intensité des travaux effectués au sein de cette institution. Sur le plan politique, l’agenda des activités à l’Assemblée nationale se matérialise depuis peu de par l’organisation d’un ensemble d’événements. Il s’agit entre autres, des séances d’informations et d’échanges entre l’exécutif et le législatif. Le but poursuivit étant de permettre aux élus de la nation, de mieux s’approprier des politiques gouvernementales, dans les divers secteurs, à partir des différentes commissions de l’Assemblée nationale. Cette entreprise s’est donnée pour ambition de dynamiser lesdites commissions, dont le déploiement peinait à se faire ressentir.
A l’initiative de Gaston Komba, des séances plénières spéciales vont voir le jour. Ainsi, les questions d’intérêts nationales sont débattues. A titre d’illustration, au cours de la dernière session parlementaire tenue au mois de novembre, 02 séances plénières spéciales sont organisées. La première est consacrée à la présentation des enjeux de la stratégie nationale de développement (Snd) 2020-2030. Dans le même ordre d’idées, une réflexion est menée à l’occasion de la présentation des plans de reconstruction et de développement des régions du Nord-Ouest et du Sud-Ouest. Dans le même sillage, un débat est organisé à la session parlementaire du mois de juin sur la problématique de la vaccination. Trois mois avant, la représentation nationale est entretenue sur la problématique des accidents de la circulation. Chaque séance plénière sert de cadre à l’expression par des députés, de leurs préoccupations. Des observations et propositions sont édictées dans les recommandations au terme des travaux.
Sur le plan médiatique, Gaston Komba fera de la visibilité de l’Assemblée nationale son cheval de bataille. Dans cette dynamique, il instaure un cadre de concertation entre la presse et l’institution dont il assure la gestion administrative. Ainsi, des rencontres sont organisées à la veille de chaque cérémonie d’ouverture des sessions parlementaires. Le but étant d’évaluer le taux de couverture des activités menées au sein de la deuxième chambre du Parlement. De plus, ces réunions permettent l’identification des obstacles joints au déploiement des professionnels de l’information. Ce, à l’effet d’y apporter des solutions, en vue d’un rendement optimal. En outre, les grandes thématiques à débattre au cours de la session parlementaire imminente sont évoquées, dans une perspective de mise en contexte, afin d’amener l’opinion à mieux cerner les enjeux de la session en vue.
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Le limogeage soudain de Gaston Komba est une preuve s’il en était encore besoin, de l’emprise manifeste du président de l’Assemblée nationale, acteur principal du pôle politique de cette institution, sur le territoire administratif. Ce qui vaut à la tout première institution camerounaise (historiquement), l’appellation de « CAVAYELAND ».