Affaire Martinez Zogo : La levée des scellés sur la dépouille du journaliste en débat.

Affaire Martinez Zogo : La levée des scellés sur la dépouille du journaliste en débat.
Martinez Zogo, animateur de la célèbre émission

A l’audience d’hier 06 mai au tribunal militaire de Yaoundé, les Avocats d’une frange des ayants du défunt ont interpellé la juridiction de jugement, sur la nécessité de restituer le corps à la famille, à l’effet de permettre à cette dernière, de faire le deuil. 

Par Florentin Ndatewouo
 
La patience semble visiblement avoir atteint ses limites. Les ayants droits de feu Martinez Zogo n’en peuvent plus d’attendre. « C’est Martinez Zogo qui nous a emmenés ici. Où est Martinez Zogo ? Le corps est sous scellé à l’hôpital central de Yaoundé  depuis 01 an. J’ai tout fait pour l’obtenir en vain. Si nous restons ici pendant 05 ans, Martinez Zogo va-t-il être enterré après 05 ans ? » La voix plaintive, enrouée de tristesse, la partie civile attire l’attention du président de la collégialité : « Monsieur le président, il s’agit d’une mort tragique. Les enfants de Martinez Zogo subissent une pression morale énorme. Il s’agit d’une mort tragique. Nous sommes des bantous. Lorsqu’il y a mort tragique, il y a des rites à faire. » Cette dimension cultuelle sur laquelle repose la requête de la demanderesse s’inscrit à la fois dans approche curative et préventive : «(…) Si on ne les (rites, Ndlr) fait pas, il y a un grand risque que  de nouveaux cas de morts tragiques se reproduisent », met-elle en garde.  

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Le Parquet militaire est appelé une fois de plus à se prononcer sur la question : « Je l’avais déjà dit à l’information judiciaire qu’à un moment donné, nous avons eu des parties disparates des ayants droits du défunt. » Une situation qui n’est pas sans conséquences : « Ce qui ne nous avait pas permis de donner une position efficace à cette demande. Nous avons voulu simplifier la procédure en demandant le procès-verbal d’un Conseil de famille pour rester souple. Ce qui devait nous permettre de nous prononcer de manière efficace. » 
Dès lors, la satisfaction de cette attente dépend de la capacité des Avocats des ayants droit de Martinez Zogo, à « parler désormais d’une même voix », souligne le Commissaire du gouvernement.


Et de la reproduction du dossier de procédure ?

Préalablement à cette demande, le tribunal est interpelé par les Avocats. Ces derniers sollicitent la mise à disposition du dossier de procédure aux fins de reproduction. Me Whyly Likefack, l’un des Avocats de la Direction générale de la Recherche extérieure (Dgre), se réfère aux dispositions de l’article 165 (b) de la loi du 27 juillet 2005 portant Code de procédure pénale (Cpp) :«  La procédure d'information judiciaire est écrite. Les actes sont dactylographiés par le greffier sous le contrôle effectif du Juge d'Instruction. (2) L'information judiciaire donne lieu à l'ouverture d'un dossier », prévoient alinéas (1,2). Aux termes des dispositions de l’alinéa 5 (b), « Les autres parties peuvent également, à leur requête et contre paiement des frais, se faire délivrer copie de toute pièce de la procédure. (6) Les copies peuvent être établies à l'aide de tout procédé de reproduction. »
Me Whyly Likefack milite en faveur de l’extension de l’application de ces dispositions légales, à la phase du jugement. Au soutient de ses prétentions, il évoque les principes généraux du droit, notamment en matière pénale : « Le respect du principe de l’égalité des armes, le respect du principe du contradictoire, sont des principes cardinaux du droit et du procès pénal. Le Tribunal militaire a souvent tenu copie du dossier de procédure devant les Avocats. Ce n’est donc pas une pratique isolée. » 
A l’unanimité, les Avocats, en dépit des intérêts contradictoires, s’inscrivent dans cette logique : « Il est important que les règles soient respectées d’entame. Les membres du Barreau, outre, les intérêts divergents ont formalisé une demande unanime pour la communication du dossier de procédure », fait savoir Me Charles Tchoungang « Si on veut jouer au football, il faut qu’on nous applique les règles du football, et non celles du Basketball », recommande le défenseur de l’accusé Jean-Pierre Amougou Belinga. 


« L’essentiel de notre procédure pénale c’est le contradictoire. Ce n’est pas un procès Kafkaïen. Chacun a le droit de se défendre », requiert le Parquet militaire

 Me Calvin Job épouse cette idée. Cet Avocat des ayants droits de feu Martinez Zogo convoque à la fois les usages, les principes généraux du droit. Ensuite, il prend exemple des pays d’Afrique centrale, tel le Gabon, avec à la clé, les dispositions des articles 10, 73 de la loi pénale gabonaise. Lesquelles offrent la possibilité aux parties d’accéder aux fins de reproduction, le dossier de procédure.  

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Le Ministère public n’est pas de cet avis : « Les usages ne constituent pas le droit. Pour que l’usage s’impose, il faudrait qu’il soit une émanation de la plus haute juridiction de notre pays. Il faudrait un arrêt de la Cour suprême », requiert d’entrée de jeu, le Commissaire du gouvernement. « L’essentiel de notre procédure pénale c’est le contradictoire. Ce n’est pas un procès Kafkaïen. Chacun a le droit de se défendre. »
Dans son développement, le représentant du Ministère public donne lecture des dispositions de l’article 413 (1,2) du Code pénal : « (1) Lorsque l'accusé fait choix d'un conseil ou que le Président lui en a désigné un d'office, ce dernier peut à tout moment prendre connaissance des pièces du dossier. (2) Toute pièce versée au dossier entre la clôture de l'information et la clôture des débats doit être portée à la connaissance du conseil de l'accusé qui peut, le cas échant, demander le renvoi de la cause. » 


Dans le même ordre d’idées, le Commissaire du gouvernement s’oppose à l’extension de l’application des dispositions de l’article 165 du Cpp, telle que requise par les Avocats : « Ne venons pas appliquer les règles de l’instruction à la phase de jugement. L’instruction a ses règles. Les parties ont la possibilité de reproduire les pièces du dossier. Ils peuvent en outre consulter le dossier. Le dossier est resté à leur disposition jusqu’à ce jour. Je pense que certains l’on consulté vendredi.»
Quid des difficultés d’ordre pratique, déplorées par les Avocats : « Pour le nombre d’Avocats, il ne s’agit que d’une question d’organisation », fait valoir le Commissaire du gouvernement. 
« Me Calvin Job a convoqué les principes généraux du droit. Ces principes ne valent que lorsqu’il y a absence d’un dispositif juridique. Or, en l’état, il y a une loi, à savoir, le Code de procédure pénale. Les dispositions de cette loi ne prêtent pas à confusion, elles ne sont pas floues », requiert le Parquet militaire. 
A la suite de ces réquisitions, le président du collège annonce la suspension de l’audience pour délibérer. Après 01h de réflexion, les membres de la collégialité regagnent la salle d’audience. Le tribunal s’oppose à la demande de mise à disposition du dossier de procédure aux fins de reproduction, telle que formulée par les Avocats. 

«Non ! On ne va pas continuer à nous manipuler comme ça (…) On veut créer un précédent qui ne va pas rendre service à la Justice camerounaise. » Me Jacques  Mbuny, Avocat de l’accusé Justin Danwe

Cette décision provoque le courroux des Avocats : « J’ai retiré ma demande de huis clos pour permettre que ça se joue désormais ici. J’ai assisté à l’information judiciaire. J’ai eu de la difficulté à accéder aux éléments du dossier. Je croyais qu’arrivé ici, le tribunal dans sa formation collégiale devait nous protéger. » Me Jacques Mbuny ne décolère pas : «Non ! On ne va pas continuer à nous manipuler comme ça. Dans ce tribunal, on nous a souvent communiqué le dossier sur les affaires dites sensibles. On est souvent allé jusqu’à nous communiquer les vidéos qui ont été tournées dans les lieux secrets. » L’Avocat de l’accusé Justin Danwe appel le tribunal à rester fidèle à a réputation : « le tribunal est sage. Mais le sage a aussi besoin de conseils, de bons conseils. On veut créer un précédent qui ne va pas rendre service à la Justice camerounaise. »   
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Des observations qui rencontrent l’assentiment de Me Charles Tchoungang : « En mettant cette affaire en délibérée, vous vous êtes lié les mains. Le tribunal ne commente pas. Le tribunal ne prend pas partie. Le tribunal arbitre. Ce que je déplore, c’est que les règles ne sont pas connues. » 
La défenderesse dénonce une double « violation » de la loi : « Vous venez à la fois de violer votre serment et de violer le principe du double degré de juridiction parce que vous nous privé de la possibilité de contester cette décision. » Me Charles Tchoungang de poursuivre : « Il ne faut pas ajouter à l’insécurité juridique dans lequel nous baignons, l’insécurité judiciaire. Cette affaire va nous suivre jusqu’à la fin. Je ne sais pas comment vous allez faire pour vous en sortir. Ce dossier est truffé de manipulation, de fausses pièces. Je sais pourquoi on ne veut pas mettre à notre disposition ce dossier. Ce dossier est monté de toutes pièces », regrette-il.    
La cause est renvoyée au 27 mai prochain. Ce report permettra la régularisation de la constitution de Mes Claude Assira, Likefack Whyly, en leur qualité de défenseurs des intérêts de la Direction générale de la Recherche extérieure (Dgre). A la demande du tribunal, la Dgre a été citée par le Parquet militaire comme civilement responsable. 


En outre, la prochaine audience permettra au tribunal, de se prononcer sur les observations des parties, en rapport avec d’une part, la requête liée à la levée de scellés sur la dépouille du journaliste animateur de la célèbre émission « embouteillage », diffusée sur la station amplitude Fm. A cette requête s’ajoute, la demande de mise à disposition du dossier de procédure, aux de fins de reproduction par l’ensemble des Avocats.