Détention provisoire arbitraire : L’ampleur du phénomène au Cameroun

Détention provisoire arbitraire : L’ampleur du phénomène au Cameroun

Au Cameroun, en Afrique et dans le monde, nombre de justiciables sont écroués dans les établissements pénitentiaires, en attendant d’être jugés. Dans de nombreux cas, cette période de privation TEMPORAIRE de liberté tant à s'éterniser. Ainsi, les droits des détenus sont violés-en dépit des dispositions légales- visant leur protection. A cet effet, dans sa déclaration à l’occasion de la célébration de la 07 édition de la journée africaine de la détention provisoire, la Commission des droits de l’Homme du Cameroun dénonce ce phénomène. Le présent dossier saisit ce prétexte pour explorer la thématique de la détention provisoire arbitraire au Cameroun et en République démocratique du Congo.

 

Rédigé par Florentin Ndatewouo

Environ 3,2 millions de détenus sont en attentes de jugement à travers le monde. Selon la Commission des droits de l’Homme du Cameroun (Cdhc), 67 requêtes pour arrestations ou détentions provisoires arbitraires ont été enregistrées en 2020.

Ces données interpellent sur la nécessité du respect des délais légaux de détention. Ainsi, « la Commission déplore les longues périodes de détention provisoire sans procès dans les prisons… » A l’occasion de célébration le 25 avril dernier de la 7ème édition de la journée africaine de la détention provisoire,  la Commission des droits de l’Homme du Cameroun partage ses inquiétudes. L’instance que dirige le professeur James Mouangue Kobila, déplore: « les longues périodes de détention provisoire sans procès dans les prisons, aggravées dans certains cas par la non-comparution des prévenus devant le tribunal et par de trop nombreux renvois des affaires, y compris les renvois excessifs provoqués par les Conseils de certains détenus. »

Cette situation constitue une atteinte aux droits de l’Homme. Lesquels droits sont consacrés par nombre d’instruments juridiques internationaux.

Source : rapport du ministère de la Justice sur l’état des droits de l’Homme au Cameroun en 2020.

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 Au plan continental, la Charte africaine des droits de l’Homme et des Peuples du 27 juin 1981 (entré en vigueur le 21 octobre 1986 et ratifié par le Cameroun le 20 juin 1989) dispose en son article 06 : « Tout individu a droit à la liberté et à la sécurité de sa personne (…) en particulier nul ne peut être arrêté ou détenu arbitrairement. » Le pacte relatif aux droits civils et politiques du 19 décembre 1966 (ratifié par le Cameroun le 27 juin 1984) s’inscrit dans la même mouvance. L’article 09 (1) énonce « Nul ne peut faire l’objet d’une arrestation ou d’une détention arbitraire. » L’alinéa 03 du même article renchérit : « tout individu arrêté ou détenu du chef d’une infraction pénale sera traduit dans le plus court délai devant un juge ou une autre autorité habilitée par la loi à exercer des fonctions judiciaires, et devra être jugé dans un délai raisonnable ou libéré. »

 

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« Le tribunal dispose d’un délai maximum de six (06) mois pour rendre sa décision. Ce délai peut être prorogé d’un délai maximum de trois (03) mois par ordonnance du président du tribunal. »

 

 

Au Cameroun, le législateur définit la détention provisoire comme une mesure exceptionnelle qui ne peut être ordonnée qu'en cas de DÉLIT ou de CRIME. Elle a pour but de préserver l'ordre public, la sécurité des personnes et des biens ou d'assurer la conservation des preuves ainsi que la représentation en justice de l'inculpé. « Toutefois, un inculpé justifiant d'un domicile connu ne peut faire l'objet d'une détention provisoire qu'en cas de crime », précise l’article 218 (1) de la loi du 27 juillet 2005 portant Code de procédure pénale.

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La durée de la détention provisoire est fixée par le Juge d'Instruction dans le mandat. Elle ne peut excéder six (6) mois. « Toutefois, elle peut être prorogée par ordonnance motivée, au plus pour douze (12) mois en cas de crime et six (6) mois en cas de délit », ainsi dispose l’article 221 (1) de la loi évoquée supra.

En outre, il convient de noter que le Code de procédure pénale prévoit la mise en liberté provisoire par le juge d’instruction de l’inculpé. Ce, à l’EXPIRATION du DÉLAI de VALIDITÉ du mandat de détention provisoire.

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A titre de rappel, le temps imparti aux affaires en phase de jugement vise à limiter la durée de détention provisoire. Le but poursuivi est la préservation des droits de la défense, tant il vrai, « la liberté est la règle, la détention l’exception ». A cet, la loi du 14 décembre 2011 portant création d’un Tribunal criminel spécial, et son texte modificatif du 16 juillet 2012 en son article 10 nouveau (6) est sans ambages « Le tribunal dispose d’un délai maximum de six (06) mois pour rendre sa décision. Ce délai peut être prorogé d’un délai maximum de trois (03) mois par ordonnance du président du tribunal. Cette ordonnance est insusceptible de recours. Tout acte de recours, dans ce cas, est classé au dossier. »

Or, ces dispositions légales ne sont pas toujours prises au pied de la lettre par les autorités judiciaires. Par conséquent, nombre de justiciables en attente de jugement sont détenus au-delà des délais prévus par la législation en vigueur. Certains sont acquittés au terme du procès, après une période de détention provisoire illégale et abusive.