Examen d'entrée en stage: A quoi servira la somme exigée aux candidats?

Examen d'entrée en stage: A quoi servira la somme exigée aux candidats?

Fixé à hauteur de 50 000 Fcfa par postulant, ce montant permettra de "faire face aux engagements financiers pris pour la tenue de cet examen", explique le Bâtonnier. Toutefois, la somme requise est l'objet de controverses.

 
Par Florentin Ndatewouo


Les mises en mission des magistrats et greffiers.  Frais des examinateurs, correcteurs et initiateurs des épreuves. Frais d'impression des épreuves et des papiers... Telles sont les activités auxquelles seront allouées la somme de 50 000 Fcfa. Ce montant représente les frais de participation à la charge des candidats à l’examen d'aptitude au stage des Avocats. 
Le montant des  frais de participation à la charge des candidats à l’examen d'entrée au stage des Avocats est décidé le 28 décembre 2023, au cours des délibérations du Conseil de l'Ordre. 


Dans son message de fin d'année délivré le 31 décembre 2023, le Bâtonnier de l'Ordre des Avocats au Barreau du Cameroun  annonce la tenue de l'examen d'entrée en stage des Avocats. "l'examen d’entrée au stage d'avocat est organisé et cela n'a pas été une sinécure. Pour y parvenir, nous avons dû négocier et prendre des engagements concrets, certains d'ordre financier et d'autres d'ordre logistique", fait savoir Me Mbah Eric Mbah. "Pour faire face aux engagements financiers pris pour la tenue de cet examen, il faudra un effort collectif du Barreau et des candidats", poursuit le Bâtonnier.


Le 12 janvier 2024, une session du Conseil de l’Ordre est organisée. Objectif? Clarifier les modalités de l'examen en vue. La somme de 50 000 Fcfa est arrêtée, pour le compte  des frais de participation à la charge des candidats. Elle  est repartie ainsi que suit: "- 30.000 FCFA (trente mille francs) exigibles pour les frais supplémentaires de l’organisation de l’examen. (La quittance de versement de cette somme dans le compte n°10001 06865 30508 065001-13 BICEC est exigée au nombre des pièces nécessaires lors du dépôt du dossier)", indique le communqué ayant sanctionné les travaux de la session sus-évoquée.
La somme de 20.000 Fcfa restant représente "les frais de participation au séminaire de formation que le Conseil de l’Ordre organisera à l'attention des candidats volontaires à une date qui sera précisée ultérieurement." 

" Et s'il faille faire participer les impétrants c'est de l'ordre de 50 mille Fcfa?..." Un impétrant

Il convient de noter que le montant de 50 000 Fcfa requis fait l'objet de vives polémiques:"Une chose est certaine si le Barreau veut prendre cet examen en charge, alors qu'il revendique et obtienne son indépendance pour se permettre de réguler sur les conditions de l'examen." Un impétrant de s'interroger sur le coût, jugé élevé:" Et s'il faille faire participer les impétrants c'est de l'ordre de 50 mille Fcfa? 50×8000 candidats = 400 000 000 Fcfa. Donc vous voulez nous dire,  estimé confrère, que le Barreau aura besoin de 400 millions Fcfa pour soutenir l'examen?"

Dans le même ordre d'idées, d'aucuns remettent en cause la légalité de la mesure prise par le Conseil de l'Ordre en rapport avec l'organisation de l'examen d'entrée en stage:"La loi n'a pas donné une brèche  au Conseil de l'ordre pour légiférer sur les conditions de candidature." Ainsi, des sympatisants aux opposants appellent au boycott:"J'irai même plus loin en demandant aux impétrants de ne point déposer leurs dossiers de candidature tant que ces conditions illégales et abjectes n'ont pas été levées." 


En rappel, le 18 décembre 2023, le ministre de la Justice Garde des Sceaux a publié l'arrêté fixant les conditions d'organisation, la date et le Centre de l'examen, d'aptitude au stage d'Avocat session 2024. 
 L'article 03 de ce texe réglémentaire, consacré aux modalités de composition du dossier de candidature fixe à 10 000 Fcfa, les droits d'inscription. 

"Les postulants au stage doivent être plus  reconnaissants envers le Barreau qui a dû sacrifier le peu de cotisation que nous avions pour faciliter le lancement de l'examen. Si le Barreau voulait se faire de l'argent il n'allait pas faire un communiqué officiel" dixit Me Nicoline Kuhsen, Avocat

Les contestations liées à la mesure instaurée par le Conseil de l'Ordre ne laissent pas indifférent le Barreau. 
Du côté de l'Ordre, la réplique ne se fait pas attendre:"Est-ce la faute du Barreau si l'examen n'est pas lancé chaque année comme la loi l'a prévue ?" De l'avis de Me Nicoline Kuhsen, "Les postulants au stage doivent être plus  reconnaissants envers le Barreau qui a dû sacrifier le peu de cotisation que nous avions pour faciliter le lancement de l'examen. Si le Barreau voulait se faire de l'argent il n'allait pas faire un communiqué officiel", explique cette Avocate.

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"Le ministère de la justice aurait dit qu'il n'y a pas d'argent pour l'organisation dudit examen, et qu'en le lançant, le Barreau se devait d'assurer tous les frais qui y seront liés", rappelle un autre Avocat. "Problème, plus de la majorité des avocats ne se conforment pas à leurs obligations ordinales en payant les cotisations annuelles qui s'élèvent à 84 mille FCFA par an." Une situation qui emmène le Barreau à mettre sur pieds deux initiatives:"La première imposant le règlement intégral des cotisations à tout Avocat qui voudrait parrainer un postulant." La deuxièment solution consiste en la recherche des fonds nécessaires à l'organisation de l'examen d'entrée en stage des Avocats. "c'est pour cela qu'il (Barreau, Ndlr) a adopté de faire payer ces frais aux impétrants", souligne-t-il.

Me Mbah Eric Mbah, Bâtonnier de l'Ordre des Avocats au Barreau du Cameroun


Outre le frais de participation à la charge des candidats à l’examen d'entrée au stage des Avocats, la lettre de parrainage fait elle aussi l'objet de controveses. "Le Conseil de l'Ordre a décidé de ne pas imposer un modèle-type de lettre de parrainage, mais elle doit être rédigée sur le papier en-tête du cabinet et devra obligatoirement porter le nom du parrain, sa date de prestation de serment, son matricule, son numéro de téléphone et sa ville de résidence", expose Me Mbah Eric Mbah.  


Il convient de noter que l'examen d'aptitude au stage d'Avocat ne s'est pas tenu depuis 10 ans au Cameroun. Cette situation a contraint nombre de candidats désireux exercer le métier d'Avocat à se rendre au Rwanda pour postuler. Selon le Bâtonnier, près de "400 étudiants camerounais actuellement bloqués au Rwanda parce qu'ils voulaient contourner les difficultés d'accès à la profession au Cameroun."