Affaire Dgsn Vs Valsero: La compétence du Tribunal de première instance divise
La défense de Martin Mbarga Nguele attribue à l'ordre administratif, le pouvoir exclusif de constater des voies de fait, reproché à son client. A l'opposé, l'Avocat de Gaston Philippe Abe Abe demande au juge judiciaire du Tpi, statuant en matière de référés, de se déclarer compétent, et d'ordonner en conséquence, la délivrance du passeport de son client.
Par Florentin Ndatewouo
La compétence du Tribunal de première instance (Tpi) de Yaoundé Centre-administratif est l'objet de controverses. Celles-ci est perceptible dans le cadre d'un feuilleton judiciaire opposant deux personnalités bien connues du grand public. D'un côté, le chanteur Gaston Philippe Abe Abe à l'état civil, plus connu sous le nom de Valsero. De l'autre, monsieur le Délégué général à la Sureté nationale (Dgsn), Martin Mbarga Nguelé.
Me Sother Menkem, agissant pour le compte de l'artiste rappeur camerounais Valsero, a attrait le Dgsn par devant le Tpi de Yaoundé, en matière de reférés. La partie demanderesse fait grief au Dgsn, du refus de délivrance au requérant, Gaston Philippe Abe Abe d'un passeport.
En date du 13 septembre dernier, une assignation en cessation de voie de fait administrative et en délivrance du passeport ordinaire est servie à la Dgsn. Ce, par l'entremise de Me Raphael Ebodé, huissier de Justice à la 16ème Charge près la Cour d'appel du Centre et les Tribunaux de Yaoundé.
Pour l'accusation, le refus de délivrance du passeport de son client constitue une voie de fait administrative. Selon le vocabulaire Gérard cornu 13ème édition, la voie de fait s'entend d'"une exaction, un comportement s'écartant si ouvertement des règles légales qu'il justifie de la part de la victime le recours immédiat à une procédure d'urgence afin de faire cesser le recours qui en résulte."
Palais de Justice de Yaoundé-Centre administratif
Le plaignant soutient la compétence du Tpi de Yaoundé, à connaître de cette affaire en matière de reférés. A l'appui de ses prétentions, Me Sother Menkem convoque les dispositions de l'article 03 de la loi du 29 décembre 2006 fixant l’organisation et le fonctionnement des Tribunaux administratifs:" (1). Les tribunaux de droit commun connaissent, conformément au droit privé, de toute autre action ou litige, même s’il met en cause les personnes morales énumérées à l’article 2, la responsabilité desdites personnes morales étant à l’égard des tiers, substituée de plein droit à celle de leurs agents auteurs des dommages causés dans l’exercice même de leurs fonctions." L'alinéa (02) du même article renchérit: "(...)Ils connaissent, en outre, des emprises et des voies de fait administratives et ordonnent toute mesure pour qu’il y soit mis fin."
"(...)les termes "connaissent, conformément au droit privé, de toute autre action ou litige..." concèdent sans exception au juge judiciaire, la compétence la plus étendue pour examiner la voie de fait administrative." Dixit Me Sother Menkem, Avocat de l'artiste Valsero
Cet alinéa comporte cependant, une précision: "Toutefois, il est statué par la Chambre Administrative de la Cour Suprême sur l’exception préjudicielle soulevée en matière de voie de fait administrative et d’emprise."
Une disposition légale qui appelle de la part de l'accusation, une observation. "Le législateur a fait du mot "connaitre", qui en droit attribue une plénitude de compétence à une juridiction, sur une question particulière du droit, en l'espèce la voie de fait administrative." Me Sother Menkem de poursuivre:" (...)les termes "connaissent, conformément au droit privé, de toute autre action ou litige..." concèdent sans exception au juge judiciaire, la compétence la plus étendue pour examiner la voie de fait administrative." La demanderesse de noter qu'au demeurant, "il n'existe aucun texte de loi qui attribue la constation de ladite voie de fait à la Chambre administrative de la Cour suprême."
Me Sother menkem, Avocat de l'artiste Rappeur camerounais Gaston Philippe Abe Abe, assigne le Dgsn pour cession de voie de fait administrative et délivrance d'un passeport ordinaire par devant le Tpi de Yaoundé/13/09/2023
Par ailleurs, l'accusation s'inscrit aux antipodes de l'exception préjudicielle soulevée par la défense. Motif pris de ce qu'"en l'espèce, le défendeur ne rapporte pas le preuve de l'existence d'un point de droit qui nécessite l'intervention de la Chambre administrative de la Cour suprême." De plus, "une telle contestation n'existe pas devant cette auguste juridiction pouvant fonder l'argument d'une exception préjudicielle."
A cet effet, la partie demanderesse formule à l'égard du Tribunal de "recevoir le demandeur en son action et l'y dire fondée; ordonner la cessation de la voie de fait du Délégué général à la Sureté nationale sur sa personne; ordonner la délivrance d'un passeport ordinaire à sieur Gaston Philippe Abe Abe."
Dans le même ordre d'idées, Me Sother Menkem plaide pour la condamnation de la Dgsn au paiement entier des dépens distraits à son profit.
" Seul le Juge administratif est compétent pour constater la voie de fait administrative", soutient la défense du Dgsn
Les conclusions de l'accusation sont présentées à l'audience du 19 octobre de l'année en cours. Elles interventiennent en réponse aux prétentions de la Dgsn.
A l'audience du 12 octobre dernier, sieurs Abessolo Evoundou Jean Serges, Commissaire divisionnaire; Mube Deffo Wilfried, Inspecteur de Police principal; dame Onana Abodo Thérèse Nathalie, Commissaire de Police principal, contestent la compétence du Tpi de Yaoundé, à connaitre d'une voie de fait admministrative, imputée à leur supérieur hiérarchique, monisieur Délégué général à la Sureté nationale.
Siège de la Délégation générale à la Sûreté nationale, situé au lieudit Nlongkak à Yaoundé au Cameroun
Après avoir convoqué elle aussi les dispositions de l'article 03 de la loi du 29 décembre portant organisation et fonctionnement des Tribunaux administratifs, elle récuse le TpI. Pour cause?" Seul le Juge administratif est compétent pour constater la voie de fait administrative", va-t-elle justifier.
Dans son développement, la défense du Dgsn attire l'attention du tribunal sur l'existence d'une question préjudicielle pendante devant la Chambre administrative de la Cour suprême du Cameroun. A cet effet,"la résolution de cette question préjudicielle est préalable à toute continuité de ladite procédure devant le Juge judiciaire, incompétant à connaitre de cette demande." Dès lors, la défense du Dgsn demande au juge judiciaire de "sursoir à statuer, en attendant la résolution de cette question préjudicielle."
La suite de la cause est prévue le 16 novembe prochain. Elle sera consacrée à la présentation des réquisitions du Ministère public.