Amadou Vamoulke: « Il y a eu plutôt dégonflement des recettes de la Rav »
Contre-interrogé par l'accusation en date du 21 janvier au Tcs, l'Ex-directeur général de la CRTV se prononce sur les charges qui sont retenues contre lui et ses coaccusés.
Par Florentin Ndatewouo
Me Moïse Pufong :
Il vous est reproché la perception indue des frais de représentation d’un montant de 22 millions 250 mille Fcfa. Pouvez-vous dire au Tribunal quelle est la base règlementaire de ladite perception ?
Amadou Vamoulke :
Je me prévaut d’avoir réduit les frais d’au moins 95%. Ces frais me semblaient trouver leur justification dans le budget mais surtout dans les exigences de la fonction puisque la CRTV était régulièrement sollicitée dans les instances internationales, mais aussi au niveau national en diverses circonstances. Exemple : Je me prévaut d’avoir fait élire l’actuel directeur général de l’Union africaine des radios diffusion (Uar). Lors des missions à l’étranger, avant ma venue à la CRTV, les ressources mises à la disposition du directeur général de la CRTV étaient de l’ordre de la trentaine de millions Fcfa pour un voyage. Lorsque cette somme a été attribuée à ma prise de fonction, j’ai décliné la proposition. Je crois savoir que ma collaboratrice d’alors, encore en fonction à la CRTV peut confirmer cette réalité. Dommage que je ne l’ai pas cité parmi les témoins. Mais, pour ce qui est des ressources engagées en frais de représentation, on peut les retrouver dans l’exécution des budgets d’avant ma gestion.
Au fur et à mesure que les années passaient, les frais de représentation étaient de moins en moins engagés. Les frais de mission de représentation du Dg de la CRTV suffisaient pour couvrir les exigences de la mission. Avec 300 000 Fcfa par jour, j’arrivais à payer ma chambre d’hôtel, mes repas, mes déplacements en taxi, et cela me convenait parfaitement. Je vous mets au défi de trouver un seul Dg qui respecte cela. En temps opportun, j’apporterais des preuves documentaires de ce que j’affirme ici.
J’ai préservé autant que possible les deniers de la CRTV et je refuse le terme détournement.
Me Moïse Pufong :
Sur la perception indue des frais de congé annuel, le montant de 16 millions 848 mille Fcfa en 2006 ? Sur quelle base légale avez-vous perçu cet argent ?
Amadou Vamoulke:
Le Dg est tenu à l’observation des textes qui régissent la structure dont il a la responsabilité. Mais, le contexte peut mieux éclairer le Tribunal.
Après une année de dur labeur, et éprouvant une grosse fatigue, j’ai demandé à prendre mon congé annuel. Le Dg des ressources humaines d’alors a préparé une note indiquant que pour les congés du Dg, un titre de transport était mis à sa disposition en première classe, la destination de son choix, pour son épouse et lui-même, auxquels s’ajoutait les frais de mission. Pour en avoir le cœur net, je me suis renseigné auprès d’entreprises d’envergure semblables, notamment la Cnps (Caisse nationale de prévoyance sociale), la Snh (Société nationale des hydrocarbures), qui ont à peu prêt confirmé les propositions du directeur des ressources humaines. J’ai accepté les titres de transport, mais pas les frais de mission.
J’ajoute que mon adjoint d’alors, le professeur Mbede a bénéficié des ressources similaires aux miennes, en plus des frais de mission. L'intéressé n'a jamais été inquiété. N’ayant pas en 11 années et démi répété cette opération, je pense que la CRTV m’est redevable des sommes correspondantes à tous ces frais que je n’auraient pas touchés, et qui épongeraient largement les sommes que l’on veut m’imputer.
Me Moise Pufong :
Sur le paiement indu du complément de salaire aux personnels du Minfi nommé à la CRTV d’un montant de 5 millions 212 mille Fcfa. Quelle est la base légale ?
Amadou Vamoulke:
Le personnel en poste relève de l’une des trois catégories suivant le personnel en service à la CRTV :
1er catégorie : le fonctionnaire en détachement ;
2ème catégorie : le fonctionnaire mis à disposition de la CRTV ;
3ème catégorie : les employés recrutés directement par le CRTV.
Les agents dont parle Me Pufong étaient envoyés par la direction de la comptabilité matière du Minfi. Ils avaient introduit une requête, demandant qu’ils pris en charge partiellement par la CRTV pour laquelle ils travaillaient entièrement comme fonctionnaires détachés. Leur requête a été étudiée par les services juridiques qui ont proposé que leur demande objectivement considérée.
Par ailleurs, ils s’écarteraient en procédant de la sorte qu’en leur appliquant le même traitement que la CRTV appliquait déjà aux fonctionnaires de la radiodiffusion au Cameroun qu’elle a absorbé dans ses effectifs sans qu’il y ait un acte formel de détachement. Peut-être, cette précipitation à accorder des compléments de salaire à ces anciens agents et cadre de la radiodiffusion au Cameroun était liée aux menaces que lesdits agents proféraient en envisageant la grève si leurs exigences n’étaient pas satisfaites. Mais le Dg de la CRTV actuelle bénéficie de ces compléments. Si les rémunérations signalées étaient indues, il conviendrait d’étendre les sanctions aux anciens cadres qui en ont profité.
Me Moïse Pufong :
Sur la coaction, il vous est reproché d’avoir avec madame Menyeng Meyoa ordonné des dépenses courant 2005-2006 d’un montant de 212 millions 018 mille 562 Fcfa. Ces dépenses sont qualifiées d’injustifiées, sans certifications de factures par la comptabilité matière, sans bon de commande. Pouvez-vous expliquer au Tribunal en votre qualité de gérant statutaire de la CRTV MARKETING AND COMMUNICATION AGENCY (CMCA) les irrégularités ainsi relevées ?
Amadou Vamoulke :
Je n’ai jamais, oh grand jamais demandé à dame Essomba Antoinette le moindre franc pour quoique ce soit pendant nos 08 ans de collaboration.
Je crois savoir que dame Essomba devant la Conseil de Discipline budgétaire et financière (Cdbf) du Conseil supérieur de l’Etat (Consupe), a donné des explications sur ces questions et obtenu un quitus de cette instance.
Ne tenant pas les finances de la CMCA, qui a par devers lui la caisse, les livres comptables, les chéquiers, il sera très difficile de me faire admettre que je puis avoir une quelconque responsabilité dans la situation que le CDbf n’a jamais considéré comme étant problématique. Ma qualité de gérant statutaire ne saurait suffire pour me voir incriminer.
Me Moïse Pufong :
Sur la coaction avec sieur Abah Abah, il vous est reproché le détournement de 594 millions 998 mille 268 Fcfa, en exécution d’un protocole d’accord et ce, courant 2005-2006. Que savez-vous de ce protocole d’accord ?
Amadou Vamoulke :
Nommé Dg de la CRTV et dans la logique de continuité du service public, à laquelle personne ne peut échapper, je dois payer les fournisseurs, les partenaires, les prestataires et les créanciers. Pour les payer, il faut que les services financiers indiquent qui payer et pourquoi. C’est dans ce cadre que les sommes mentionnées par Me Pufong ont été payées avec pour justificatif le document appelé protocole d’accord datant de l’année 2004. Sachant que la CRTV a toujours des transactions avec la direction générale des impôts, et sachant que d’autres paiements ont été faits avant ma venue, selon les mêmes modalités, étant par ailleurs incapable de soupçonner les services financiers d’une quelconque collusion avec la direction générale des impôts, j’ai signé allègrement les ordres de paiement. Au demeurant, si sieur Abah Abah était directeur général des impôts au moment des premiers versements, il ne l’était plus lorsque j’étais devenu Dg de la CRTV. D’où mon grand étonnement de constater que non seulement je suis accusé, mais j’ai un prestigieux accompagnateur que je n’ai rencontré que 03 fois dans ma vie, avec lequel j’aurais partagé cette somme. Les débats précédents ayant prouvé que ces sommes ont bel et bien atterri à la direction générale des impôts, qui en a disposé selon ses procédures, je ne peux que dire et redire le mode d’extravagance auquel j’ajouterais volontiers le cynisme pour désigner cette accusation.
Me Ndjodo Bikoun :
Sur la Coaction avec feu Hamadou Sambo, du détournement des sommes de 01 milliard 284 millions 146 mille 597 Fcfa courant 2005, ainsi que le détournement présumé 01 milliard 769 millions 473 mille 266 Fcfa, soit un total de 03 milliards 053 millions 619 mille 863 Fcfa. Ce détournement résulterait du gonflement injustifié de la Redevance audio-visuelle (Rav). Que pouvez-vous dire au Tribunal à ce sujet ?
Amadou Vamoulke :
Comme dans le cas de sieur Abah Abah, je n’ai pas rencontré Sieur Sambo. Vous conviendrez que ce n’est pas suffisant pour que nous coalisions pour déposséder l’Etat de ses ressources.
Je dois signaler à son crédit qu’il m’avait appelé au téléphone pour me demander de ralentir le rythme auquel les ordres de paiement atterrissaient. La trésorerie ne permettant pas d’honorer toutes les demandes. Cela dit, comme je l’ai affirmé devant le juge d’instruction, le gonflement signifie augmenter une quantité. Ce terme ne peut pas s’appliquer à une situation où il y a eu plutôt dégonflement des recettes de la Rav. Des évaluations faites par la CRTV le montre à suffire et la Commission mise sur pied par le premier ministre chef du gouvernement pour apprécier le fait que la CRTV avait de moins en moins de ressources pour faire faces à ses missions le confirme.