Bonnes feuilles: Interrogations, inquiétudes sur le sort des fonds restitués...

Bonnes feuilles: Interrogations, inquiétudes sur le sort des fonds restitués...

La restitution du corps du délit permet au Tcs de renflouer les caisses de l’Etat. On peut cependant s’interroger sur le sort des fonds ainsi restitués…

En donnant la possibilité aux personnes poursuivies de restituer le corps du délit, pour pouvoir bénéficier de l’arrêt des poursuites, sur autorisation écrite du ministre de la Justice, la volonté du législateur est claire : encourager les accusés à remettre dans les caisses de l’Etat, ce qu’ils ont soutirés. Le problème ici est que seul le ministre de la Justice, autorise l’arrêt des poursuites. Il peut le faire pour l’un et pas pour l’autre, sans aucune explication. Le législateur pénal, que le premier président de la Cour suprême dit habité par l’esprit du pardon, ne justifie point cet état des choses. Il aurait pourtant pu rendre automatique l’arrêt des poursuites après la restitution du corps du délit. Le législateur est interpellé. En attendant, le nombre de personnes restituant le corps du délit augmente. A titre illustratif, au 15 mars 2013, moins de 06 mois après le début de ses activités et selon des informations recueillies à son niveau, le Tcs a permis à l’Etat et à ses démembrements de récupérer plus de 03 milliards Fcfa dans l’ordre suivant :

-06 janvier 2012, Mvondo Nyina Barthélémy restitue 23 millions 900 mille Fcfa dans l’affaire Etat du Cameroun et Ministère de l’Education de Base contre l’ancien ministre, Haman Adama et autres.

-06 janvier 2013, dans l’affaire des fonds destinés au projet sur le renforcement des initiatives pour la gestion communautaire des ressources forestières contre Kaptué Tagne Serge, AFRIALND FIRST BANK, restitue 01 milliard 738 millions 313 mille Fcfa.

-04 février 2013, dans l’affaire contre Haman Adama et autres, madame Baoro née Azo’o Nkoulou Christine restitue 23 millions 313 mille Fcfa.

-15 février 2013, madame Haman Adama née Halimatou Kangué Mahondé restitue 212 millions 580 mille Fcfa.

- 22 février 2013, Yessé Meyanga Hervé Bertrand, dans l’affaire l’opposant au Ministère des Finances restitue 09 millions Fcfa…

D’autres sommes sont restituées à l’Etat par Yves Michel Fotso, le tout premier à le faire, pour 230 millions Fcfa, dans l’affaire de l’avion présidentiel.

Au totale, pour ses 06 premiers mois d’activités, les caisses de l’Etat sont renflouées à hauteur de 03 milliards 138 millions Fcfa, grâce au Tcs. En février 2018, on était déjà loin des chiffres de 2013.

L’argent récupéré, unicité des caisses oblige, est reversé au trésor public. Le risque dans ces conditions, connaissant le mode de fonctionnement de l’administration camerounaise et l’esprit de certains fonctionnaires, est que cet argent disparaisse, sans laisser de traces. Il serait probablement difficile pour le Tcs de dire aujourd’hui, de façon précise, à quoi a servi l’argent restitué, même si cela n’est pas certes sa mission. Le Ministère des Finances pourrait se trouver dans la même incapacité de dire avec précision, comment chaque franc issu des fonds restitués au Tcs a été utilisé. La grosse crainte, dans un contexte de mal gouvernance et de corruption généralisée est que cet argent reversé dans les caisses publiques, soit de nouveau détourné, les auteurs arrêtés, une nouvelle restitution effectuée après investissement. Ainsi de suite. De quoi transformer la lutte contre la corruption en mythe de Sisyphe. Ailleurs, l’argent de la corruption récupéré, est placé dans un compte spécial et sert à des réalisations concrètes : construction d’hôpitaux, d’écoles, de routes, de grandes exploitations agricoles, de logements, sociaux… Sur une plaque, l’origine des fonds ayant servi à la réalisation de l’ouvrage concerné, est précisé. Des pays comme le Nigéria, le Pérou ou les Philippines le font ou l’ont fait.    

Extrait de l’ouvrage Lutte contre la corruption et les infractions assimilées au Cameroun de Guy Roger Eba’a, page 338-339