Me Charles Tchakounté Patié: Le CHANTRE de la confraternité range sa robe.
Par Florentin Ndatewouo
L’annonce ce 4 octobre du décès du bâtonnier de l’ordre des avocats au barreau du Cameroun tombe comme un couperet: “Je suis sans voix!Le Barreau a perdu l’un de ses plus valeureux chevalier”, regrette Me Essomba Tsoungui, avocat. Me Charles Tchakounte Patie a rendu l’âme à l’hôpital du Havre en France de suites de maladie à l’âge de 57 ans.
Le passage de Me Charles Tchakounte Patie à la tête du bâtonnat est marqué par les prises de position de cette institution sur les sujets relatifs aux conditions d’exercice de la profession d’avocat au Cameroun. Le 31 août 2019, l’ordre national des avocats au barreau du Cameroun tient une session. Au cours de cette dernière, il note «….que très souvent, le libre accès des avocats à leurs clients dans les lieux de détention leur est refusé. » Ensuite, «que les droits de la défense, consacrés par les lois et les traités internationaux ratifiés par le Cameroun sont, de manière récurrente, violés tant à la phase d’enquête préliminaire qu’à celle d’instruction du jugement ». A la suite de ces remarques, l’ordre décide de la “la suspension du port de la robe et de la non-fréquentation des cours et tribunaux sur toute l’étendue du territoire.” Une mesure qui s’est observée pendant 5 jours, du 16 au 20 septembre 2019. Ce mot d’ordre de grève emmène le gouvernement, représenté par le ministre délégué auprès du ministre de la Justice, Jean De Dieu Momo a organisé des pourparlers.
Le porte-étendard et…
Les revendications formulées par l’ordre national des avocats au barreau du Cameroun a créé une vive polémique. Celle-ci étant entretenue par les tenants de la thèse selon laquelle le bâtonnat travaillerait pour le compte du parti politique Mouvement pour la renaissance du Cameroun (Mrc). Ces derniers en veulent pour preuve la présence au sein du Conseil national de l’ordre de feu Me Sylvain Souob. A l’époque des faits, celui-ci est le responsable du collectif d’avocats constitués pour assurer la défense de Maurice Kamto, leader du Mrc, ainsi que ses alliés arrêtés à la suite des “marches blanches” organisées les 26 janvier, 1er et 8 juin 2019. A cela s’ajoute la demande de mise en liberté de Me Michel Ndoki adressée par l’ordre. En réaction, Me Charles Tchakounte Patie a, suite à l’arrêt des poursuites contre les mises en cause précisé qu’il défend “l’avocat et non la militante”.
Bien avant, feu Me Charles Tchakounte Patie avait déjà déploré un ensemble de pratiques perpétrés à l’endroit Me Michel Ndoki : ” Le Barreau du Cameroun relève que les images de l’arrestation de Me Ndoki Michèle portent atteinte à sa dignité en tant qu’être humain, Avocat et femme et ce à quelques jours de la célébration de la journée Internationale de la Femme.”
…Le chantre de la confraternité
Me. Charles Tchakounte Patie est élu nouveau bâtonnier au terme de l’Assemblée générale élective tenue le dimanche 25 novembre 2018, à Douala. Il succède à ce poste Me Jackson Ngnié Kamga. Convaincu que «le respect et la considération de l’avocat dans ses rapports avec certains acteurs principaux de la justice» passe par l’observation des règles de déontologie de la profession, le feu bâtonnier n’a eu cesse d’inviter ses collègues à cultiver l’indépendance d’esprit.
En outre, Me Charles Tchakounte Patie était préoccupé par la formation des avocats. En sa qualité de porte-étendard des disciples de thémis, il entendait insuffler une dynamique de confraternité au sein de la profession d’avocat. Au cours de la campagne électorale ayant précédée son élection, il promet de “mettre en place dans chaque région, s’il est élu bâtonnier, une commission de conciliation chargée d’explorer, en premier ressort, les litiges entre avocats ou les opposant à des tiers.”
Me Charles Tchakounte Patie a exercé comme avocat pendant 23 ans. Avant son élection, il a occupé le poste de secrétaire général adjoint de l’ordre sous le bâtonnier Charles Tchoungang, de 2006 à 2008. La lutte pour le respect des droits des avocats poursuivi par le feu Me Charles Tchakounte Patie demeure. En témoigne la dernière sortie de Me Michel Ndoki dans laquelle l’avocate dénonce l’interdiction d’accès à son client et collègue, Me Jean Jacques Kengne, détenu au secret à Bafoussam suites aux marches organisées le 22 septembre de l’année en cours par le Mrc. A cela s’ajoute les tracasseries dénoncées par Me Albert Oyié, membre du collectif d’avocats constitués pour la cause de la famille de Lydienne Solange Taba. Lesquelles interviennent dans le cadre de l’affaire du meurtre qui l’oppose à Franck Derlin Ebanga, ex-sous- préfet de l’arrondissement du Lokoundje, dans la région du Sud.
Le décès de Me Charles Tchakounte Patie porte à trois le chiffre de bâtonniers passés de vie à trépas en l’espace d’un an. Cette année, Me Francis Asanga Asama, et Me Bernard Muna ont eux aussi rangé leurs robes.