Cnc Vs Équinoxe : Le principe de l'égalité de tous devant la loi une chimère...

Cnc Vs Équinoxe : Le principe de l'égalité de tous devant la loi une chimère...

Opinion

Nous partageons entièrement le point de vue du président directeur général (PDG) du groupe de presse Équinoxe sur la question de l'impartialité de l'organe de régulation des médias au Cameroun. Le Conseil national de la Communication (Cnc) est un organisme dont  l'indépendance est sujet à caution.

Pour un rendement plus efficace, les valeurs d'objectivité, de neutralité et d'impartialité devraient guider cette institution, dans son déploiement opérationnel.  Il  est donc impératif  que cette institution soit mise à l'abri de toute formes d'ingérences. Notamment du pouvoir exécutif. Ce qui n'est malheureusement pas le cas en l'état.

L'un des premiers signe visible de son défaut d'impartialité est sans doute,  son lien indéfectible d'avec le pouvoir exécutif. Le Cnc  est placé sous la tutelle de la primature :"Le Conseil est un organe de régulation et de consultation... Il est placé auprès du premier ministre, chef du gouvernement", dispose l'article 02(3) du décret du 23 janvier 2012 portant réorganisation du Conseil national de la Communication. 
En effet,  il n'est pas exagéré de noter que, la jouissance du droit à la liberté d'expression, et le droit à l'information au Cameroun, dont la pratique du journalisme en est une émanation, n'a jamais réellement été le but recherché par les pouvoirs publics. 

Sévérin Tchounkeu, Président directeur général du groupe de presse Équinoxe, dénonce le défaut d'indépendance du Conseil national de la Communication (Cnc), dans une sortie médiatique Douala/11/09/2024

Ce pouvoir n'a jamais toléré la mise sur pied d'un organe d'auto-régulation des médias, comme il est de tradition dans divers autres secteurs d'activités. A titre d'exemple,  nous faisons allusion aux métiers d'architecture, les professions médicales telle la médecine ; l'Avocature...

Les adeptes de ces différentes corporations appartiennent tous, à des organisations professionnelles. Lesquels assurent la défense des intérêts de  leurs professions respectives. Ceci, à travers l'élaboration d'un commun accord, des règles qui organisent la profession, la surveillance du respect par ses membres desdites règles. D'où le vocable "ORDRE". 
Ainsi, au Cameroun, on a l'Ordre des architectes, l'Ordre des médecins, l'Ordre des Avocats... Quid des journalistes ? Au sein de cette profession, il n'y a pas d'ORDRE.  
 En lieu et place, il y a le Cnc! Il joue le rôle de gendarme des médias ! 
En effet, depuis des décennies, toute tentative de création d'un Ordre, ou une instance équivalente pour les journalistes a essuyé des échecs. Le pouvoir politique actuel n'a jamais cessé de recouvrir aux manœuvres dolosives pour casser les dynamiques de regroupement. Jaloux de son pouvoir, l'ordre de 1982 redoute plus que tout, la vulgarisation de l'esprit critique et analytique au sein des masses.

Les agissements constants du Cnc trahissent la volonté manifeste de l'exécutif à avoir une main mise permanente sur les médias, et par ricochet, sur l'opinion publique...
C'est la preuve d'un système qui se refuse- catégoriquement-de s'accommoder des exigences de la modernité dans son versant positif.


Nous avons pu prendre connaissance sur la toile, des écrits des internautes, à la suite de la sortie médiatique du Pdg du groupe de presse Équinoxe. Des écrits qui traduisent  l'inconsistance, découlant de la carence de l'esprit critique, majoritairement exprimée sur la place publique... La mauvaise foi quelque fois aidant. Tenez :"l'État est un monstre froid... On ne pleure pas. l'État a toujours raison" vont-ils débiter.

Ces déclarations suscitent moult interrogations : Dans l'hypothèse où Équinoxe télévision, pour ne prendre que le cas de ce support médiatique du groupe de presse, viendrait à mettre le clé sous le paillasson, alors, qui du Pdg de ce groupe de presse, du public, ou même des gouvernants aurait-il le plus à perdre ?

Par quelle alchimie, du haut de sa stature, de son véçu, de ses competences multiples, de son carnet d'adresses... Sévérin Tchounkeu pourrait-il se retrouver au chômage du fait de la fermeture, (dans le cas le plus extrême), de la chaîne de télévision dont il est le promoteur ? Le chômage n'est guère une option envisageable en l'état pour ce patron de presse. A l'inverse, le public sera privé de contenus. Dès lors, sa capacité de prise de décisions éclairées accusera un coup. De manière incidente, sa participation efficace à la gestion de la chose publique ne pourrait guère s'exprimer dans sa plénitude...

Il en est de même pour l'État qui, en plus de faire et faire savoir, au travers des médias,  au rang desquels Équinoxe, se verra lui aussi privé à la fois d'un canal de diffusion, et d'information. L'art de la décision, réside dans la capacité des dirigeants, à disposer de  l'information. Le slogan du support médiatique Jeune Afrique est assez évocateur sur cette question. 

Bien plus, l'image du Cameroun en pâtira.  L'opinion publique est-elle consciente de la cessation par certains bailleurs de fonds, de l'appui financier octroyé à l'État du Cameroun, du fait de la mauvaise gestion des fonds alloués dans le cadre de la lutte contre la pandémie covid19? Savent-ils que l'exigence de transparence auquel les partenaires de l'État camerounais ont assujetti les dirigeants, intègre les principes de la démocratie auquel le Cameroun est partie, au même titre que la liberté d'expression, d'opinions dont les médias en sont le bras séculier ? 

"Impossible n'est pas camerounais" pourrait-on opposer. En tout état de cause, cette situation met en évidence une réalité. Le voyage vers matérialisation d'une idée n'a jamais été un long fleuve tranquille. Choisir de participer à l'essor d'un peuple, c'est aussi choisir paradoxalement, de faire face quelques fois, à l'adversité inconsciente d'une frande de ce peuple...Cette réalité n'échappe pas à l'environnement médiatique, camerounaise notamment.

Il est logique pour Équinoxe d'interpeller le Cnc, sur le caractère sélectif du respect par des médias, de ses différentes sanctions. Cela ne constitue aucunement,  une opération de victimisation, contrairement à l'idée répandue par une opinion qui se confine à la fameuse "on ne pleure pas". Une expression dont le sens  et la portée échappent visiblement à nombre d'utilisateurs... 

Faut-il le rappeler, l'expression d'une revendication légitime ne saurait s'analyser comme un aveu de faiblesse. Tant s'en faut. En l'espèce,  il s'agit d'un exercice qui s'inscrit dans une obligation de transparence à laquelle l'État est astreint. Ce, au nom du principe de la reddition des comptes. En outre, la sortie médiatique du patron du groupe de presse Équinoxe participe  de l'équilibre de l'information. Elle matérialise l'expression de la pluralité, de  la diversité de vues. En cela, elle permet  de mieux situer l'opinion. Davantage face à la propagation des informations quelque fois de nature à porter atteinte à sa réputation, fut-elle non-intentionnelle.

Faut-il le rappeler, la justice intègre les valeurs de la République. Ces valeurs s'expriment entre autres,  au travers des principes d'équité et d'égalité. L'application à géométrie variable des sanctions du Cnc par des médias, interroge la capacité de l'autorité de régulation à faire oeuvre véritable de justice. 

A titre d'exemple,  il y a environ deux ans de cela, certains médias, bien qu'étant sanctionnés, se sont joués du Cnc. Publiquement, et arrogammant, ils ont fait savoir à l'opinion publique, sur leur plateau de télévision,  qu'ils n'entendaient pas se conformer. Ces médias n'ont jamais été suspendus, encore moins rappelés à l'ordre, en raison de cette attitude de défiance et de  condescendance caractérisée à l'égard du Cnc. Curieusement,  ils ont bénéficié d'une immunité de fait! "le chien aboie la caravane passe", ont-ils asséné.

Dès lors, la question de la légitimité des sanctions du Cnc se pose en toute logique. En effet, que vaut le principe de l'égalité de tous devant la loi? Nous avons conscience de la dure réalité. L'art de la réflexion n'est pas de l'ordre du commun des mortels. Davantage dans un environnement où- l'actualité liée au football occupe malheureusement une place plus importante-que la vie des être humains-qui se perd dans les drames tels les  inondations et accidents de  circulation à répétition... Où le droit à l'éducation se trouve bafoué, en raison de l'absence depuis des décennies, des insfrastructures scolaires adéquats, dans des zones reculées, notamment dans le grand Nord Cameroun...

Dans un environnement où la norme est la chose la mieux vécue,  où l'exercice de la réflexion prime sur la distraction, il est évident de cerner les enjeux qui structurent l'importance d'un média de l'ampleur d'équinoxe. Il faut, en toute objectivité, reconnaître l'importance de ce média dans ses missions d'information, de formation de l'opinion publique... Il est impératif de reconnaitre sa capacité à jouer son rôle de sentinelle... De chien de garde de la société !

Dans cet optique, il n'est pas superflu de le rappeler. Le développement d'une société ne peut se faire en marge de l'expression d'opinions contradictoires... "De la contradiction, nait la vérité", soutient-on couramment. Il n'est pas de progression sans remise en question.

Au quotidien, la chaîne de télévision  Équinoxe remet en question. Une tendance qui n'est pas favorablement apprécié par l'ordre gouvernant actuel, mordu du règne de la pensée unique...
Toutefois, il est essentiel de le souligner.
 Aujourd'hui, il n'est plus possible de museler à sa guise, l'opinion. L'avènement des nouveaux médias, et le contexte marqué par l'ouverture rend ce projet funeste, désormais impossible! Que cela plaise ou pas, c'est la dure réalité pour les adeptes de l'époque moyenâgeux...“L’intelligence c’est la capacité de s’adapter au changement", souligne Stephen Hawking. Visiblement, cette faculté fait défaut à une portion de classe dirigeante: "la paix, comme toute métamorphose, exige une adaptation douloureuse à laquelle bien des gens se refusent" dixit Jean-Paul La Fugère.

Par Florentin Ndatewouo, journaliste spécialiste des questions juridicojudiciaires.