Libertés publiques : Le préfet attaque, Maurice Kamto et le Barreau contre-attaquent !

Libertés publiques : Le préfet attaque, Maurice Kamto et le Barreau contre-attaquent !
Maurice Kamto, président national du Mrc, citoyen résidant dans le département du Mfoundi attaque l'arrêté préfectoral portant interdiction de séjour temporaire dans cette circonscription administrative /Yaoundé/22/07/2024

Par l’intermédiaire de ses Avocats, le président national du Mouvement pour la renaissance du Cameroun (Mrc) a adressé hier 22 juillet, un recours gracieux préalable à l’attention d’Emmanuel Mariel Djikdent. En sa qualité de résident au sein du département du Mfoundi, le leader du Mrc dénonce la violation par l’arrêté préfectoral, de la Constitution, des normes juridiques aussi bien sur le plan national qu’international. 

Par Florentin Ndatewouo

Le préfet du département du Mfoundi, va-t-il se rétracter ? Mariel Emmanuel Djikdent dispose désormais d’un délai de 03 mois pour faire cesser les effets de son arrêté querellé.  
Hier 22 juillet, Maurice Kamto, par l’intermédiaire de ses Avocats a introduit un recours gracieux préalable, aux fins de retrait de l’arrêté préfectoral n° 00001436/ap/jo6/sp du 16 juillet 2024 portant interdiction de séjour temporaire dans le département du Mfoundi. 
En tant que citoyen résidant dans le département du Mfoundi, région du Centre, Maurice Kamto dénonce l’illégalité de l’arrêté préfectoral : « cet acte qui est symptomatique d’un excès de pouvoir manifeste, lui fait grief à plus d’un titre », souligne d’entrée de jeu, ses Avocats. 


Au soutient de cette démarche, Mes Hippolyte B.T. MELI ; Sother MENKEM ; Martin TENE NZOHOUA ; Serge Emmanuel CHENDJOU énumèrent la violation en cascade des dispositions de la Constitution, les instruments juridiques de portée internationale, les normes législatives et règlementaires, la jurisprudence. 
Au sujet de la violation des dispositions de la Constitution, les requérants attirent l’attention du préfet sur le fait que « votre arrêté préfectoral en son article 1er, contraint sans base légale, les citoyens camerounais se trouvant même occasionnellement dans le département du Mfoundi à restreindre leurs libertés d’expression et de communication, sous peine d’être frappés d’une interdiction de séjour pour une durée déterminée… »

Emmanuel Mariel Djikdent, préfet du département du Mfoundi, auteur de l'arrêté querellé, pris à Yaoundé/16/07/2024.

Parce que nul ne peut être inquiété en raison de ses origines, de ses opinions(…)

Une mesure qui s’inscrit aux antipodes de la Loi fondamentale du 18 janvier 1996. En effet, dans son préambule, la norme constitutionnelle garantit la liberté d’expression et de communication : « Nul ne peut être contraint de faire ce que la loi n’ordonne pas ; Nul ne peut être inquiété en raison de ses origines, de ses opinions ou croyances en matière religieuse, philosophique ou politique sous réserve du respect de l’ordre public et des bonnes mœurs… » Qui de la liberté d’expression ? « La liberté de communication, la liberté d’expression, la liberté de presse, la liberté d’association, la liberté syndicale et le droit de grève sont garantis dans les conditions fixées par la loi.»
Les requérants déplorent le « défaut de base légale » de la mesure d’interdiction de séjour, contenue dans l’arrêté préfectoral en querelle. Dès lors, « (…)votre arrêté du 16 Juillet 2024 ne saurait être opposable à quiconque », considération prise de ce que  « nul ne peut être contraint de faire ce que la loi n’ordonne pas. »


Dans le même ordre d’idées, les Avocats de Maurice Kamto soulignent l’atteinte aux droits fondamentaux des citoyens camerounais résidant dans la sphère de compétence du préfet du Mfoundi, ainsi que les principes démocratiques auxquels l’Etat camerounais a librement souscrit, « par ailleurs, les seules restrictions à la liberté de communication, la liberté d’expression, la liberté de presse ou même la liberté d’opinion, doivent être apportées par LA LOI, et non par UN ARRETE PREFECTORAL » De plus « même le prétexte de l’ordre public par vous invoqué dans votre acte administratif en son article 3 pour le justifier, est encadré par une loi, et non par un acte réglementaire, notamment la loi n° 90/054 du 19 décembre 1990 relative au maintien de l’ordre », rappellent les requérants. 


En outre, les Avocats de Maurice Kamto mettent en évidence la violation des instruments juridiques internationaux, ratifiés par l’Etat camerounais : « Toute personne a le droit de circuler librement et de choisir sa résidence à l’intérieur d’un Etat », dispose l’article 13 de la déclaration universelle des droits de l’Homme. « Tout individu a droit à la liberté d’opinion et d’expression, ce qui implique le droit de ne pas être inquiété pour ses opinions et celui de chercher, de recevoir et de répandre, sans considération de frontières, les informations et les idées par quelque moyen d’expression que ce soit », énonce l’article 19 du même texte. 

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(…) en vous auto proclamant AGENT CONSTATATEUR PUIS AUTORITE DES POURSUITES PENALES ET ENFIN JUGE PENAL, PUIS JUGE DE L’EXECUTION DES SANCTIONS PENALES par vous créées, et par vous prononcées, en cas d’inobservation de « vos règles », vous avez fait montre d’un excès de pouvoir manifeste. »

_Mes Hippolyte B.T. MELI ; Sother MENKEM ; Martin TENE NZOHOUA ; Serge Emmanuel CHENDJOU_________________________________

En outre, le recours gracieux préalable déplore la violation des dispositions légales et la contrariété avec la jurisprudence de la Cour suprême du Cameroun. De l’avis des requérants, le préfet du Mfoundi s’est arrogé des prérogatives réservées aux pouvoirs législatif et judiciaire, « (…)notamment en modifiant l’ordonnancement juridique relativement aux droits fondamentaux des citoyens, et en vous auto proclamant AGENT CONSTATATEUR PUIS AUTORITE DES POURSUITES PENALES ET ENFIN JUGE PENAL, PUIS JUGE DE L’EXECUTION DES SANCTIONS PENALES par vous créées, et par vous prononcées, en cas d’inobservation de « vos règles », vous avez fait montre d’un excès de pouvoir manifeste. » De quoi susciter un rappel à l’ordre de la part des requérants : « cela est d’autant plus incontestable que les nouveaux délits et crimes créés par votre arrêté préfectoral défient et échappent au corpus des 370 articles qui organisent la répression des comportements répréhensibles c'est-à-dire contraires à l’ordre public que contient la Loi n° 2016-7 du 12 juillet 2016 portant Code Pénal de la République du Cameroun. »

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« Cette décision est d’autant plus préoccupante que l’autorité administrative a cru devoir s’arroger le pouvoir de déterminer et caractériser à sa guise et de façon arbitraire les infractions et d’imposer des restrictions pour une durée non spécifiée, et ce, en violation des dispositions constitutionnelles. »

________ Me Mbah Eric Mbah, Bâtonnier _______

Le recours gracieux préalable introduit par Maurice Kamto s’inscrit dans une série de dénonciations. En date du 17 juillet de l’année en cours, le Barreau du Cameroun a adressé une correspondance au préfet du département du Mfoundi. Dans cette dernière, Me Mbah Eric Mbah, se dit outré par l’arrêté préfectoral. 


Le Bâtonnier de l’Ordre des Avocats au Barreau du Cameroun note dans l’arrêté préfectoral, une « contradiction flagrante » avec les droits et libertés fondamentaux reconnus aux citoyens camerounais : « Cette décision est d’autant plus préoccupante que l’autorité administrative a cru devoir s’arroger le pouvoir de déterminer et caractériser à sa guise et de façon arbitraire les infractions et d’imposer des restrictions pour une durée non spécifiée, et ce, en violation des dispositions constitutionnelles. »  


L’arrêté préfectoral portant interdiction de séjour temporaire dans le département du Mfoundi a également été dénoncé par l’honorable Cabral Libii, leader du Parti camerounais pour la réconciliation nationale (Pcrn). Le Syndicat national des journalistes du Cameroun (Snjc) s’est inscrit dans la même mouvance. 

 Il convient de noter que la dérive autoritaire reprochée au préfet du département du Mfoundi n’est pas un cas isolé. En date du 12 juillet dernier, le chef du village Kinding-Ndjabi a fait parler de lui. Cet axillaire de l’administration a publié une décision portant interdiction de séjour dans les lieux publics, à l’encontre de sieur Tchounkeu Jacky. Le chef du village Kinding-Ndjabi fait grief au mis en cause des faits présumés de « trouble à l’ordre public, incitation à la rébellion, propagation de fausses nouvelles, insubordination caractérisée. »