Me Diane Makam : « Déclarez l'accusé Mah Dieudonné non coupable du crime de détournement en complicité… »

Me Diane Makam : « Déclarez l'accusé Mah Dieudonné non coupable du crime de détournement en complicité… »

La défense de l’ancien Directeur des affaires administrative et financière (Daaf) de la CAMEROON WATER UTILTIES COORPORATION (CAMWATER), sollicite la mise en liberté de son client. Dans sa plaidoirie présentée le 22 octobre dernier au Tribunal criminel spécial (Tcs) à Yaoundé, elle soutient la régularité du visa apposé par le Daaf, en vue de la sortie de la somme querellée de plus de 572 millions Fcfa, dont la dissipation est mise à son actif. 

Par Florentin Ndatewouo
Peut-on reprocher à un employé le fait de se conformer aux dispositions statutaires de son entreprise employeur ? A cette question, Me Diane Makam répond par la négative. L’Avocate de l’accusé Dieudonné Mah, soutient la régularité des actes effectués par son client : « D'après les notes du Minfi (Ministère des Finances, Ndlr) les frais de travail sont mis à la charge de la CAMWATER (CAMEROON WATER UTILITIES COOPORATION, Ndlr). C'est conformément à cette note que monsieur Mah a apposé son visa en application de la note de service du ministre des Finances. » Me Diane Makam de renchérir : « Le fait d'avoir appliqué cette note ne constitue en rien un acte de facilitation, d’aide ou de provocation du détournement de biens publics », fait-elle savoir, au cours de sa plaidoirie à l’audience du 22 octobre dernier au Tribunal criminel spécial (Tcs) à Yaoundé.

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Dans le cadre de cette affaire, Dieudonné Mah est attrait par devant la juridiction de jugement du Tcs pour répondre des faits présumés de complicité de détournement de biens publics de la somme de plus 572 millions Fcfa. A l’époque des faits, sieur Mah occupe le poste de Directeur des affaires administrative et financière (Daaf) à la CAMWATER. 
Le montant de plus de 572 millions Fcfa querellé est décaissé en vue du paiement du groupe de travail mis en place à  l’initiative du Minfi, tutelle financière de la CAMWATER.  L’accusation fait grief à la Défense d'avoir signé des pièces en vue de la sortie des fonds, et d’avoir participé par la même occasion, à leur dissipation. «Monsieur Mah n'a jamais signé de documents. Il les a visés comme tous ses collègues », oppose Me Diane Makam.

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L’infraction de complicité est prévue par les dispositions de l’article 97 (1) de la loi du 12 juillet 2016 portant Code pénal : « Est complice d'une infraction qualifiée crime ou délit : a) Celui qui provoque de quelque manière que ce soit à l'infraction ou donne des instructions pour la commettre ; b) Celui qui aide ou facilite la préparation ou la consommation de l'infraction. » 

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« Toute complicité suppose la commission d'un fait principal punissable… » [Me Diane Makam],

________Avocate de l’accusé Dieudonné Mah_____________

Selon la défense, la complicité ne saurait se concevoir de manière autonome : « Toute complicité suppose la commission d'un fait principal punissable. En l’espèce, le fait principal punissable serait le Détournement de biens publics de la somme de 572 millions Fcfa… »
Aux termes des dispositions de l’article 184 (1) du Code pénal, « Quiconque par quelque moyen que ce soit obtient ou retient frauduleusement quelque bien que ce soit, mobilier ou immobilier, appartenant, destiné ou confié à l'Etat fédéral ou fédéré, à une coopérative, collectivité ou établissement, ou publics ou soumis à la tutelle administrative de l'Etat ou dont l'Etat détient directement ou indirectement la majorité du capital, est puni : a) Au cas où la valeur de ces biens excède 500.000 Fcfa, d'un emprisonnement à vie… » 

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Dans son développement, la partie défenderesse déplore le défaut d’éléments à charge : « l’accusation n'a pas démontré l'obtention ou la rétention frauduleuse de la somme de 572 millions Fcfa », souligne Me Diane Makam : «  Les décaissements de cette somme l'ont été en toute transparence comme l'a indiqué le témoin de l'accusation, monsieur Onguene. Les états financiers de cette sortie de fond ont été approuvés par le Commissaire au compte, et le Conseil d'administration... sans réserve », ajoute-t-elle. 
A l’appui de ses prétentions, la défenderesse met en avant la production par ses soins, de 70 pièces justificatives. Ces pièces à conviction portent entre autres sur : 
-le paiement de la logistique relatif au recensement, et à l'identification des points d'eau ;
- Les lettres de mission ;
- les factures de location des véhicules, l’hébergement.
Quid des allégations liées au paiement des perdiems ?  « Il n'a jamais été question du paiement des perdiems aux responsables du Minfi comme l'a soutenu l'accusation. » La défense se réfère ainsi au contenu des dépositions de dame Edima, témoin de l'accusation. 

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« Les faits ne sont pas caractérisés. » [Me Diane Makam],

_____Avocate de l'accusé Dieudonné Mah_____________

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 En outre, Dieudonné Mah est poursuivi pour répondre de la complicité du détournement de biens publics de la somme de 96 millions Fcfa. Ce montant représente l’avance sur salaire, octroyée au Directeur général de la CAMWATER d’alors, Jean William Sollo. La partie demanderesse fait grief à Dieudonné Mah d’avoir procédé à la signature d’un bon de paiement d'une avance sur salaire.
Me Diane Makam s’inscrit aux antipodes de cette accusation. La défense fonde la légalité de ce paiement sur les dispositions de l’article 73 des statuts de la CAMWATER. « La CAMWATER peut accorder à son personnel des avances sur salaire. Les modalités d'octroi sont fixées par le Dg. C'est une prérogative statutaire reconnue à tous les employés de la CAMWATER. L'avance sur salaire est bien remboursable au fil du temps », note Me Diane Makam. « Devant ce tribunal, on nous a fait savoir que monsieur Sollo aurait dû obtenir une résolution du Conseil d'administration. Nous nous interrogeons : Quel est le fondement juridique de cette condition ? »

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Me Diane s’oppose à ce que  le tribunal maintienne son client dans les liens de l’accusation. Motif : « Les faits ne sont pas caractérisés. » A cet effet,  « Veuillez faire application des dispositions de l'article 395 du code de procédure pénale », va-t-elle plaider.
 L’article 395 du Code de procédure pénale dispose : « Lorsque les faits ne constituent aucune infraction, le Tribunal relaxe le prévenu et se déclare incompétent sur l'action civile. b) Il en est de même lorsque la preuve des faits n'a pas été rapportée ou que le fait établi n'est pas imputable au prévenu. (2) En cas de doute, le prévenu est relaxé… » En conséquence, Me Diane Makam demande au tribunal de : « Déclarer l'accusé Mah Dieudonné non coupable du crime de détournement en complicité de la somme de 572 et coaction ; l'en acquitter au bénéfice du doute. Le renvoyer devant sa famille, sans dépens. Il croupit en prison dans la maladie pour les infractions qu'il n'a pas commise. » 
Il convient de noter qu’à l’entame de sa plaidoirie la défense de l’accusé Dieudonné Mah a présenté des exceptions de nullité d’ordre publique. Lesdites exceptions sont tirées de la violation des dispositions de l’article 180 du Code de procédure pénal : « La confrontation n'a pas eu lieu entre monsieur Mah et sieur Mbida, au sujet des déclarations contradictoires faite par l'un et l'autre », a indiqué Me Makam Diane. 

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«  L'avantage est qu'ils étaient assujettis à une obligation de résultat. Le paiement de ces agents était calculé en fonction de ce qu'ils allaient recouvrer » [Me Diane Makam],

___Avocate de l’accusé Dieudonné Mah________________ 

Par ailleurs, la défense de sieur Mah a présenté ce qu’il convient d’appeler « les points de constance du dossier ». Ces constances s’articulent autour de :
- Les difficultés de trésorerie, d’où l'appel aux cabinets de recouvrement ;
-L'avantage de recourir aux cabinets de recouvrement : «  L'avantage est qu'ils étaient assujettis à une obligation de résultat. Le paiement de ces agents était calculé en fonction de ce qu'ils allaient recouvrer », explique Me Diane Makam. 
A ces constances s’ajoutent la problématique de: 
-l'indisponibilité de crédits pour passer un appel d'offre ; 
 -l'absence de « fiabilité » des propos tenus par monsieur Onguene : « Monsieur Onguene a critiqué un travail auquel il a activement participé », regrette la défense.

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A la suite des plaidoiries de la défense de sieur Mah, l’accusé Victor Stanislas a procédé à ses dernières déclarations : « (…) Je fais partie de ces Camerounais qui croient en la Justice. Je sais que vous allez dire le droit en prenant en compte toutes les aspects de cette affaire. En tout et pour tout, je dis merci. » Le promoteur de la société CAMEROON GENERAL SERVICES (CGS) cède la place à son codétenu René Martin Mbida : « Je n'ai jamais été payé en numéraire », a-t-il insisté. 
L’ancien Directeur général de la CAMWATER, Jean William Sollo, ainsi que Jean Parfait Koé, promoteur de la société de recouvrement KO KO n’ont pas souhaité prendre la parole, à la suite des plaidoiries de leurs Avocats. La suite de la cause est prévue le 06 novembre prochain, pour le délibéré.