Agences matrimoniales virtuelles : La nécessité d’un cadre légal s’impose.
Par Florentin Ndatewouo
« J’ai tué l’enfant de ma voisine. » Ainsi confesse, une dame. Dans une publication sous le couvert de l’anonymat, une internaute partage son embarras. Elle affirme avoir ôté la vie à l’enfant de sa voisine. Ceci, avec le concourt d’un marabout. Ce dernier lui aurait faits de révélations.
En effet, l’internaute est une femme célibataire sans enfants. Elle affirme avoir faits de multiples fausses couches. Ainsi, pour y voir plus claire, elle décide de s’attacher les services d’un marabout. De ce pas, elle organise une rencontre avec l'appui d'une "amie". Au cours d’un entretient, le marabout lui fera savoir que sa voisine est à l’origine de son malheur. « C’est ma voisine d’en face qui me calculait et c’est elle qui a mangé mon enfant dans le ventre», confie la dame qui ne tarde pas à se mettre sur ses grands chevaux. « Tata(sobriquet de la promotrice de la plateforme, Ndlr), j’étais anéanti et je me demandais pourquoi ? Que lui ai-je fais ? » Poursuit-elle.
Suivant la logique de « œil pour œil dents pour dents », l’internaute décide de se venger. Pour l’accomplissement de son entreprise, le fils le plus aimé de sa voisine incriminée par son marabout servira d’agneau sacrificiel. « Dans la colère, j’ai demandé au marabout de tuer également un de ses enfants et il m’a dit qu’il va calculer son enfant préféré. J’y étais un dimanche. 2 semaines plus tard jour pour l’enfant est décédé d’une mort subite. J’ai eu mal non pas de l’a voir pleurer son fils, mais pour cet enfant qui était innocent. »
Cette histoire commande une analyse du point de vue du droit pénal eu égard à la nature des infractions présumées.
D’entrée de jeu, il convient de noter que l’auteur du post avoue avoir commis un forfait. « L'aveu est une déclaration faite, à un moment quelconque, par le prévenu et par laquelle il reconnaît être l'auteur de l'infraction qui lui est reprochée. » Ainsi dispose l’article 315(1) de la loi du 27 juillet 2005 portant code de procédure pénale (Cpp). L’alinéa (3) du même article précise que « l’aveu fait VOLONTAIREMENT constitue un moyen de preuve à l'encontre de son auteur. »
La publication, objet de notre réflexion a été postée hier 26 février, sur la plateforme, «les chroniques de Binkù» à la demande de son auteure, à en croire la propriétaire de la page facebook. La mention « publies en ano » (anonyme, Ndlr), renseigne à cet effet. Ensuite, l’auteure sollicite de la part des abonnés à cette plateforme, des « conseils » lui permettant de trouver une « solution ».
Ces éléments laissent présumés que l’auteur avoue son forfait VOLONTAIREMENT, en l’absence de toute contrainte humaine, pour « soulager sa conscience », tel qu’indiquer au titre de son texte.
Responsabilité présumée
L’auteure de cette infraction présumée est passible de poursuites judiciaires aux termes des dispositions de l’article 74 (2) de la loi du 12 juillet 2016 portant Code pénal : « Est pénalement responsable celui qui volontairement commet les faits caractérisant les éléments constitutifs d'une infraction avec l'intention que ces faits aient pour conséquence la réalisation de l'infraction. »
L’aveu de la dame ne laisse aucun doute sur la pleine connaissance dont elle jouissait entre le but recherché et l’acte posé. Elle avoue avoir décider de supprimer la vie à un enfant qu’elle dit « innocent », pour assouvir un désir de vengeance.
Et des peines…
En cas de plainte ou de dénonciation, l’auteure de l’aveu est susceptible de répondre des faits présumés de complicité d’assassinat. « (1) Est puni de mort le meurtre commis soit : a) Avec préméditation ; b) Par empoisonnement ; c) Pour préparer, faciliter ou exécuter un crime ou un délit, ou pour favoriser la fuite ou assurer l'impunité des auteurs ou complices de ce crime ou de ce délit. » L’alinéa (2) de cet article précise qu’ « Il y a préméditation même si l'identité de la victime n'est pas déterminée, et même si l'auteur subordonne son projet à la réalisation d'une condition quelconque. »
Quid du marabout ?
Suivant l’aveu de la dame, le marabout aurait agi en conformité des indications à lui transmises par ses soins. A cet effet, il pourrait répondre à titre principal, des faits présumés d’assassinat. Le mécanisme de cette infraction présumé étant d’ordre mystique, le marabout pourrait également faire l’objet de poursuites judiciaires pour pratique de sorcellerie, au regard des dispositions de l’article 251 du code pénal : « Est puni d'un emprisonnement de deux à dix ans et d'une amende de 5.000 à 100.000 francs celui qui se livre à des pratiques de sorcellerie, magie ou divination susceptibles de troubler l'ordre ou la tranquillité publics ou de porter atteinte aux personnes, aux biens ou à la fortune d'autrui même sous forme de rétribution. »
Le post, objet des aveux a été publié en date sur la plateforme d’une influenceuse. Cette page Facebook est spécialisée dans la publication, le partage, l’analyse des informations relatives aux questions de couples.
Perspectives
Cette publication pose tout de même la question du statut juridique des agences matrimoniales virtuelles, ainsi que des personnalités publiques spécialistes des questions de couples.
Dès lors, la nécessité d’une réflexion en vue de l’élaboration d’un cadre juridique s’impose. Elle permettra de définir entre autres, le profil des intervenants, les conditions d’exercice de cette profession au Cameroun.
Dans le même ordre d’idées, une question donne matière à réflexion. En cas de plainte ou de dénonciation, le responsable d’une agence matrimoniale virtuelle, ou un coach en question de couple peut-il faire l’objet de convocation par les autorités judiciaires pour être entendue ? Affirmatif eu égard aux dispositions de l’article 01er du code pénal : « La loi pénale s'impose à tous. »
Dans ce cas, la personne convoquée peut-elle, au même titre que les médecins et Avocats, être protégée par le secret professionnel, « sauf dans les limites d'une réquisition légale ou d'une commission d'expertise » ? Tels sont également les points à élucider dans le cadre de la mise en œuvre d’un instrument juridique.
Il convient de noter que l’article 310 du Code pénal puni d’un emprisonnement de trois mois à trois ans et d'une amende de 20.000 à 100.000 Fcfa, « celui qui révèle sans l'autorisation de celui à qui il appartient un fait confidentiel qu'il n'a connu ou qui ne lui a été confié qu'en raison de sa profession ou de sa fonction. »