Justice: Quand l'EGALITE DE TRAITEMENT a du plomb dans l'ail...

Justice: Quand l'EGALITE DE TRAITEMENT a du plomb dans l'ail...

Le jugement rendu hier 22 août par le Tribunal de grande instance (Tgi) de Yaoundé Centre-administratif est sujet à caution. Il questionne à la fois sur le quantum des peines privatives de liberté, que sur les sanctions pécuniaires infligées à l'accusée dame Ebene Manga. 

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En effet, l'infraction de trafic de stupéfiants constitue un crime. En l'espèce, ce crime est prévu et reprimé par les dispositions de l'article 93 de la loi du 07 août 1997, relative au contrôle des stupéfiants, des substances psychotropes et des précurseurs et à l'extradition et à l'entraide judiciaire en matière de trafic des stupéfiants, des substances psychotropes et des précurseurs. 

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Aux termes des dispositions de l'article 97, "seront punis d'un emprisonnement de 10 à 20 ans et d'une amende de 250 000 à 125 000 000 Fcfa, ou de l'une de ces deux peines seulement, ceux qui auront produit, fabriqué, importé, exporté, transporté, offert, vendu, distribué, livré à quelque titre que ce soit, envoyé, expédié, acheté ou détenu des précurseurs, équipement et matériels, soit dans le but de les utiliser dans ou pour la culture, la production ou la fabrication illicites de drogues à haut risque."

A l'observation, la condamnation à 01 an 06 mois d'emprisonnement, couplée au paiement d'une amende et des dépens, pour un montant total de 233 000 Fcfa, prononcée par le Tgi de Yaoundé, ne correspond guère au quantum des peines et des montants prévus par l'article cité supra. 

Cette condamnation est empreinte de mesures de souplesse. Une telle mesure n'est pourtant observable (pour de raisons multiples et diverses), qu'en cas d'admission du justiciable, au bénéfice des circonstances atténuantes. 

Toutefois, même en considérant l'hypothèse où, l'accusée Solange Ebene Manga est admise au bénéfice des circonstances atténuantes, cette dernière ne saurait légalement, faire l'objet des largesses, dont elle a bénéficiées,  dans la décision rendue à l'audience du 22 août dernier.  

En effet, la classification des infractions est prévue à l'article 21 de la loi du 12 juillet 2016 portant code pénal. Ainsi, le crime se distingue du délit, et de la contravention, selon les peines principales qui les sanctionnent." Sont qualifiés de crimes, les infractions punies de la peine de mort ou d'une peine privative de liberté dont le maximum est supérieur à dix (10) ans et d'une amende lorsque la loi en dispose ainsi..." 

Dans le même ordre d'idées, l'alinéa 2 de l'article évoqué en sus précise que, "La nature d'une infraction n'est pas modifiée:

a) Lorsque par suite de l'admission d'une excuse ou de circonstances atténuantes, la peine prononcée est celle afférente à une autre catégorie d'infractions..." 

Bien plus, nombre d'accusés poursuivis-pour les mêmes faits-toute chose égale par ailleurs-se sont vus infligés LEGALEMENT par le même Magistrat, la peine plancher de 10 ans de prison. Leur admission au bénéfice des circonstances atténuantes aidant. 

Dès lors, l'on se serait attendu à un traitement identique, s'agissant de l'accusée, Solange Ebene Manga. Lequel s'acommoderait du respect des limites établies entre la peine plancher et plafond, prévues par la législation. Ce, en raison de la nature identique de la catégorie de l'infraction en cause. Que nenni! En lieu et place, l'on assiste à l'application d'une politique du deux poids deux mesures. 

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Une telle différence de traitement met une fois de plus en évidence, le non respect du sacro saint principe de l'égalité de tous devant la loi. 

Face à cette situation, le Parquet d'instance près le tribunal de céans dispose d'un levier. L'accusation pourrait user des dispositions cumulées des articles 130, 436 et 439 (e) de la loi du 27 juillet 2005 portant Code de procédure pénale. 

La mesure de souplesse décriée prospère ainsi dans un environnement où, le non-respect du principe de la collégialité, dans le cadre de l'instruction en audience publique,  des affaires en matière répressive constitue la règle !

Il convient de noter que, le principe de la collégialité présente des atouts... aussi bien pour le Magistrat que pour le justiciable : "Elle permet au Magistrat de se former et d'enrichir sa réflexion au contact de ses collègues. Elle lui assure en outre une protection qui garantit la sérénité des délibérés et l'indépendance de sa décision." D'où le fameux adage :"Juge unique, juge inique."

Quid du justiciable ?"Elle assure au justiciable une décision mesurée et équilibrée, peu susceptible d'avoir été influencée par la partialité d'un juge et dotée d'une plus grande autorité." 

La mise en œuvre"progressive" de la collégialité est une recommandation contenue dans le plan d'actions pour la réforme du système judiciaire camerounais. Ce document a été élaboré en décembre 2003 par le Ministère de la Justice. Ce, à la suite du dépôt et l'exploitation du rapport d'audit technique du système judiciaire camerounais. 

Les principales étapes de la mise en œuvre du principe de la collégialité induisent:

-le recrutement et la formation du personnel ;

-l'augmentation des infrastructures.

Ces activités impliquent la disponibilité de la ressource financière. La mobilisation desdites ressources n'est pas une sinécure. Elle constitue un défi difficile à relever, dans un contexte où, la corruption et le détournement des biens publics constituent le sport favori des agents publics indélicats.

Par Florentin Ndatewouo