Ecrits : Comment prévenir le phénomène criminel ?

Ecrits : Comment prévenir le phénomène criminel ?

Emmanuel Ndjeré suggère l’éducation du citoyen aux valeurs du travail, de discipline, de responsabilité… Dans son ouvrage Pratique du droit pénal au Cameroun, approche analytique, l’auteur examine l’évolution historique de la législation en matière répressive. A cet effet, il invite le lecteur à la connaissance des lois au risque de les contrevenir.

 

Par Florentin Ndatewouo

 

Les facteurs de la criminalité sont de natures diverses : les facteurs internes et externes. Au plan interne, la délinquance se manifeste entre autres, dans  les milieux familial, occasionnel, professionnel. En effet, la construction de la personnalité d’un individu a pour fondation sa famille. « Si l’enfant se rend compte que le père ou la mère attrape le poulet du voisin pour le manger, ou si les parents envoient régulièrement les enfants dans les plantations des tiers pour y récolter ce qu’ils n’ont pas semé, qu’on le veuille ou non, ces enfants continueront de voler. » Ainsi, observe Emmanuel Ndjere. Au rang des causes externes, le Magistrat note les conditions géographiques, économiques, politiques. « Le milieu physique dans lequel vit l’individu peut l’amener à devenir criminel. »

Sur le plan économique, « un niveau élevé de la minorité peut-être un facteur de criminalité dans la mesure où il accentue les inégalités sociales, et pourrait inciter aussi les personnes démunies à se procurer illégalement ou par la force des biens qu’ils convoitent et qui appartiennent aux personnes nanties », décrypte-t-il.

Emmanuel Ndjere, auteur de l'ouvrage Pratique du droit pénal au Cameroun, approche analytique, par ailleurs Ex-président du Tribunal criminel spécial, du 07 juin 2017 au 10 août 2020. 

Emmanuel Ndjere est de ceux qui pensent que le phénomène criminel n’est pas une fatalité. Cependant, l’efficacité de la lutte pour l’avènement d’une société en accord avec ses valeurs repose sur la prévention du crime. L’auteur de l’ouvrage Pratique du droit pénal au Cameroun, approche analytique milite pour l’implication de divers acteurs. « La famille doit inculquer aux enfants les valeurs morales et sociales… L’enfant doit apprendre à travailler, à respecter autrui, les choses d’autrui, les biens publics, la morale, la discipline, la responsabilité, la justice, l’équité. » Dans cette dynamique, le Magistrat requiert en faveur de la culture des valeurs de pondération, du pardon, du sérieux, « avoir la connaissance de la loi, de toutes les autres valeurs et vertus qui méritent d’être enseignées aux enfants et pratiquées par les adultes. »   

 Quid des pouvoirs publics ? L’enseignant-chercheur préconise le développement par ces derniers, des stratégies à l’effet de prévenir le phénomène criminel. « Il faut des lois et une législation appropriées dans toute société. A ce sujet, les parlementaires doivent être à l’écoute des populations qui leur ont confié mandat pour les représenter. »

De plus, Emmanuel Ndjere milite en faveur de l’établissement d’un partenariat entre pouvoirs publics, les familles, la société civile, le secteur privé, les confessions religieuses.

 

 

« Quelques infractions seulement de ces 06 premières sections ont été revues par des lois après 1967. On peut donc comprendre qu’à l’époque, il était question d’assoir l’autorité publique dans la conscience des citoyens. »

 

 

Le lexique des termes juridiques définit l’infraction comme « une action ou une omission définie par la loi pénale et punie de certaines peines également fixées strictement par celle-ci. »  Il est essentiel pour le citoyen de connaitre ces infractions afin de ne pas les commettre. Dans cette perspective, l’auteur retrace en 388 pages, l’évolution historique du code pénal. Ceci, avec pour point de repère les années 1960. Les lois du 12 novembre 1965 et du 12 juin 1967 voient le jour dans un contexte sociopolitique déterminé. Les « luttes tribales », pour le contrôle du pouvoir ont cours. A cet effet, le chapitre IV de la loi de 1967 intitulé « des atteintes à l’autorité publique » comporte 7 sections. « Quelques infractions seulement de ces 06 premières sections ont été revues par des lois après 1967. On peut donc comprendre qu’à l’époque, il était question d’assoir l’autorité publique dans la conscience des citoyens. » Emmanuel Ndjere parle du défaut de culture des citoyens aux valeurs républicaines. Une situation qui commande la conception par l’Etat, d’un ensemble de règles de droit. Le but poursuivi consiste en sa protection. « C’est pour cela que dans les outrages et violences, on retrouve la définition de l’outrage, l’outrage au président de la République, les outrages aux corps constitués et aux fonctionnaires… » justifie le magistrat.

Les lois du 12 novembre 1965 et du 12 juin 1967 connaitront divers amendements. Ces modifications sont rendues possible de par l’introduction de nouveaux textes en 1973, 1977, 1990, 1993… avant l’aboutissement de la loi du 12 juillet 2016 portant Code pénal. Cette dernière procède d’une récriture harmonisée des textes évoqués supra.

Pa ailleurs, l’étude de la législation pénale emmène Emmanuel Ndjere à analyser l’interaction des lois appliquées dans le Cameroun oriental et occidental et l’influence qui en découle, suite à l’harmonisation du système anglophone et francophone : « L’article 182 joint à la reprise d’un immeuble était entièrement nouveau du côté oriental était d’inspiration occidentale. » La pension de réversion, le refus d’exécuter une décision de Justice devenue définitive font partie des nouvelles infractions prévues par la loi de 2016 portant code pénal.

Pratique du droit pénal, approche analytique est un ouvrage structuré en 02 tomes. Le Tome I comporte 03 titres : les règles et principes généraux préalables à la représsion des infractions pénales ; les procédures de répression des infractions d’après les lois pénales nationales ; la répression des crimes et délits contre la chose publique. 226 articles, accompagnés d’analyses et commentaires y sont présentés. A cela s’ajoute la jurisprudence de la Cour suprême. Des décisions rendues aussi bien avant qu’après la mise en œuvre du Code de procédure pénale le 1er janvier 2007.