Soupçon d’abus de confiance: Ernest Obama libre après 8 jours de détention
Accusé en partie des faits de « haute trahison », le mis en cause a retrouvé son domicile ce 26 juin à la suite d’une correspondance signée de son patron, en direction du procureur près la cour d’appel du Centre. Cette adresse du PDG du groupe l’Anecdote qui se présente comme une injonction à peine voilée à celui qui a la responsabilité d’assainir les mœurs publiques, interroge une fois de plus sur l’indépendance de la justice au Cameroun.
Par Florentin Ndatewouo
Ernest Obama respire depuis peu le parfum de la liberté. Une vidéo en circulation sur les réseaux sociaux le montre tout ému. Casquette assortie d’une chemise blanche, contrastée d’un pantalon de couleur noire, l’ancien pensionnaire du Secrétariat d’Etat à la défense (Sed) est accueilli par des chants d’action de grâce entonnés en chœur par ses proches et membres de sa famille. « Je suis dans la joie, une joie immense. Je suis dans l’émotion, car yahwé m’a libéré.» Visiblement sensible à cette marque d’affection, Ernest Obama peine à cacher lui aussi l’émotion qui l’habite. C’est ainsi qu’il va se livrer à une série d’accolades.
La libération de Ernest Obama intervient après une correspondance signée le 24 juin dernier de son patron. Cette correspondance du président directeur général (Pdg) du groupe l’Anecdote, Jean Pierre Amougou Belinga, est adressée, au procureur général près la Cour d’appel du Centre Yaoundé en ces termes : « J’ai l’honneur de vous prier de bien vouloir sursoir à la procédure de placement en détention provisoire de monsieur Ernest Obama, pour de raisons humanitaires, dans l’affaire qui l’oppose à Monsieur Jean Pierre Amougou Belinga… » Peut-on lire dans ladite correspondance. Sieur Amougou Belinga précise « toutefois, cette sollicitation n‘éteint pas l’action publique que le ministère publique doit poursuivre. Il s’agit tout simplement pour des raisons humanitaires de lui permettre de comparaître libre. »
Ernest Obama a été libéré après avoir passé 8 jours en détention au Sed. Soupçonné des faits d’“abus de confiance, haute trahison”, le mise en cause a été interpellé le 18 juin dernier au siège de la télévision Vision 4 au quartier Nsam à Yaoundé. Une interpellation qui s’est faite en marge de la loi.
« Voici donc le baromètre de l’état de droit au Cameroun. Le plaignant peut décider de la procédure, du timing et du sort applicables à l’accusé dans une affaire pénale… Vous pensez toujours que la soif de libérer, non plutôt de sauver ce pays de l’abîme est une affaire « d’opposants » ?
La correspondance signée du pdg du groupe l’Anecdote appelle quelques observations. La libération de Ernest Obama à la suite de cette correspondance montre que le destinataire, qui n’est autre que le procureur près la Cour d’appel du Centre aurait agi conformément à la « demande » du Pdg. Or, le président directeur général du groupe l’anecdote est un citoyen camerounais. A ce titre, il jouit (en principe ndlr) des mêmes droits et devoirs que les autres. Dès lors, il ne saurait donner une conduite quelconque à tenir au procureur général, qui n’a pour seuls guide que la loi et sa conscience. Les faits prouvent pourtant le contraire. L’usage du verbe devoir dans l’expression : « cette sollicitation n’éteint pas l’action publique que le ministère publique doit poursuivre », traduit l’injonction à peine voilée que le président directeur du groupe l’Anecdote donne au procureur général. Ce qui interroge une fois de plus sur l’indépendance de la justice au Cameroun. « Voici donc le baromètre de l’état de droit au Cameroun. Le plaignant peut décider de la procédure, du timing et du sort applicables à l’accusé dans une affaire pénale… Vous pensez toujours que la soif de libérer, non plutôt de sauver ce pays de l’abîme est une affaire « d’opposants » ? Ce soir, j’ai une pensée pour tous ces innocents, laissés-pour-compte qui croupissent à Kondengui au Sed et à Newbell depuis des années sans jugement. » Ainsi s’indigne Alice Sadio, femme politique.
En outre, la correspondance adressée au procureur général près la Cour d’appel du Centre est motivée par « des raisons humanitaires ». L’on pourrait se demander si l’humanisme dont se prévaut son auteur commande la médiatisation de l’arrestation d’un individu déchaussé par les soins des forces du maintien de l’ordre, à qui la loi reconnait cependant le droit au respect de la dignité humaine, autant que celui de la présomption de la présomption d‘innocence. Dans ce même registre ; l’on peut également questionner le mutisme du Pdg face à l’arrestation d’un individu, avant le dépôt d’une plainte qui elle devrait déboucher sur l’ouverture d’une enquête préliminaire, au cours de laquelle l’interpellation, l’audition, suivi de la détention ou non de l’accusé auraient pu être requises. Il s’en est suivi une levée de boucliers contre cette instrumentalisation de la justice.
Les conditions de l’arrestation suivie de la libération 8 jours plus tard de Ernest Obama, met une fois de plus en lumière l’injustice subit au quotidien par des citoyens camerounais, victimes de l’usage disproportionné de la force publique.