Plaidoiries : Me Pondi Pondi dénonce un « procès à tête chercheuse »

Plaidoiries : Me Pondi Pondi dénonce un « procès à tête chercheuse »


A l’audience du 13 août dernier, l’Avocat d’Amadou Vamoulke remet en cause la qualité de l’expert Joël Bela Belinga, dont le rapport d’audit a servi de base à la mise en accusation de son client. Il sollicite l'acquittement de l'ancien directeur général de la CRTV. 

Par Florentin Ndatewouo 


« Non coupable ! » La défense de l’accusé Amadou Vamoulke rejette en bloc, les chefs d’accusation dirigés contre son client. A l’audience du 13 août dernier au Tribunal criminel spécial (Tcs) à Yaoundé, elle décrit une chasse aux sorcières : « Il est curieux de savoir qu’un document confidentiel, obtenu à la suite d’un audit qui a été commandé initialement à titre de renseignement, puisse servir par la suite d’instrument de poursuite contre mon client », regrette Me Pondi Pondi. 


Le défenseur d’Amadou Vamoulke conteste la qualité de l’expert Joël Bela Belinga : « Le travail fait par Joël Bela Belinga est irrecevable. Vous ne pouvez pas vous servir de son rapport d’audit pour condamner mon client. » Motif ? « Un individu ne peut auditer une entreprise d'État. L'audit fait par l'expert n'a aucune valeur juridique, puisque violant la loi. » A l’appui de ses déclarations, Me Pondi Pondi convoque les dispositions combinées des articles 72 et 73 de la loi du 26 décembre 2007 portant régime financier de l’Etat : « Le contrôle juridictionnel des comptes publics est exercé par la juridiction des comptes prévue dans la Constitution. » 

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Dans le même ordre d’idées, la partie défenderesse argue que, l’audit d’un établissement public tel que la CAMEROON RADIO TELEVISION (CRTV) relève de l’office de la Chambre des Comptes de la Cour suprême, et du Contrôle supérieur de l’Etat : « Amadou Vamoulke est justiciable devant la Chambre des Comptes de la Cour suprême. Ce n'est que elle qui peut le renvoyer devant le Tribunal criminel spécial, si elle estime que celui a commis une infraction à la loi pénale. » Aux termes des dispositions de l’article 73 de la loi du 26 décembre 2007 portant régime financier citée supra : «  Un contrôle de régularité et de performance ainsi que des missions d'audit de la gestion des administrations publiques, des entreprises publiques, des établissements publics, ainsi que des entités privées ayant reçu une subvention, un aval ou une caution de l'Etat ou de toute autre personne morale de droit public, sont menés par les services spécialisés compétents de l'Exécutif. »


Amadou Vamoulke est attrait par devant le Tcs sur la base d’un rapport d’audit, mené par l’expert Joël Bela Belinga à la CRTV. L’audit porte sur la période allant de 2012 à 2016. 
Nombre de chefs d’accusation sont mis à l’actif d’Amadou Vamouke. La partie demanderesse reproche à l’ancien directeur général de la CRTV, le détournement présumé de biens publics (Dbp), et la coaction de Dbp. 

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« Le signal a été diffusé. Tout le monde a regardé le match, y compris vous les membres de la Collégialité. Seule la rencontre du cap-Vert a accusé un retard. Une plainte a d’ailleurs été déposée contre le fournisseur »,

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Me Pondi Pondi, Avocat de l’accusé Amadou Vamoulké.  

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A titre personnel, il est fait grief à Amadou Vamoulké, le détournement de biens publics des montants ci-dessous :
- 878 millions 982 mille 320 Fcfa; 
-71 millions 485 mille Fcfa ;
- 07 millions 597 mille 464 Fcfa. 
Au cours de l’année 2010, Amadou Vamoulke, usant de ses prérogative d’ordonnateur des dépenses de la CRTV, procède à la signature d’une décision portant virement de la somme de 878 millions 982 mille 320 Fcfa. Ce virement est destiné à l’entreprise CCfoot Limited. Ceci, en vue de l’acquisition des droits d’image des matchs de football, produits et diffusés dans le cadre de la Coupe d’Afrique des Nations (Can) Angola 2010. 

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L’accusation fait savoir que, le virement ordonné par le directeur général d’alors, s’est retrouvé dans un paradis fiscal aux îles caïmans. La CRTV sera contraint de procéder à un double paiement pour enfin obtenir les images de la compétition.
Il n’en est rien, rétorque la défense : « Le signal a été diffusé. Tout le monde a regardé le match, y compris vous les membres de la Collégialité. Seule la rencontre du Cap-Vert a accusé un retard. Une plainte a d’ailleurs été déposée contre le fournisseur », fait savoir Me Pondi Pondi.  

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« Amadou Vamoulke n'a jamais été associé tant dans le montage, la rédaction des rapports financiers. Amadou Vamoulke n'occupait pas les fonctions de caissiers à la CRTV »,

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Me Pondi Pondi, Avocat de l’accusé Amadou Vamoulké.

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 En outre, l’Avocat de l’ancien directeur général de la CRTV balaie d’un revers de la main, le chef de détournement de biens publics de la somme de 71 millions 485 mille Fcfa. Selon l’accusation, le montant querellé provient du paiement des primes aux personnels de la CRTV, impliqués dans l’élaboration du budget programme. 

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La défense soutient la régularité dudit paiement, à l’initiative d’Amadou Vamoulke. L’octroi des primes jugé indu par l’accusation tire son fondement de la lettre circulaire datée du 27 mai 2010 : « les primes qui ont été payées, l'ont été sur la base de la lettre circulaire du premier ministre  qui définit les modalités de paiement des indemnités lors de la préparation des budgets. La CRTV est un établissement public. Les primes perçues l'ont été sur une base légale… »
Dans le même sillage, Amadou Vamoulké est poursuivi pour le détournement présumé de la somme de 07 millions 597 mille 464 Fcfa, au titre de manquant de caisse : « Amadou Vamoulké n'a jamais été associé tant dans le montage, la rédaction des rapports financiers. Amadou Vamoulké n'occupait pas les fonctions de caissiers à la CRTV », oppose Me Pondi Pondi. « De tout ce qui précède, il y a lieu de déclarer mon client non coupable. »

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« Vous allez déclarer tous les accusés non coupables pour fait non établis »,

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Me Pondi Pondi, Avocat de l’accusé Amadou Vamoulké

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Amadou Vamoulke, ancien directeur général de la CRTV, poursuivi pour les infractions présumées de détournement de biens publics et coaction. L'affaire est appelée la première fois au Tcs à Yaoundé audience/25/11/2019.

La défenderesse plaide également non coupable des chefs d’accusation de détournement de biens publics en coaction. Amadou Vamoulke, Abel Gara, Lucie Ngamva, Gabriel Belinga, Vishiti Zufambon, épouse Vega, répondent de la coaction du détournement des montants suivants :
-10 milliards 662 millions 669 mille 306 Fcfa ;
-525 millions 384 mille 453 Fcfa ;
-235 millions Fcfa. 

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Sur le détournement présumé de biens publics en coaction de la somme de 10 milliards 662 millions 669 mille 306 Fcfa, la partie demanderesse fait grief à la défense, d’avoir procédé aux opérations de décaissement de fonds non matérialisés dans la documentation de la CRTV : « Selon l'expert monsieur Essengue, aucune personne extérieure au service du trésor ne pouvait passer de tels écritures (…) Les écritures comptables passées ont été faites au trésor, suivant la nouvelle nomenclature, sous les ordres du directeur du trésor », rappelle Me Pondi Pondi. 

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La défense va une fois de plus remettre en cause le travail effectué par l’expert, témoin du Ministère public : « Comment un comptable sérieux peut-il concevoir en trois mois, un rapport d'audit portant sur 06 exercices budgétaires, sans interroger les concernés ? » Ainsi questionne Me Pondi Pondi « L'auditeur avait dit qu'il n'y avait pas de pièces justificatives. Mais nous avons produit sur plus de 10 audiences des pièces justificatives dont le montant cumulé est largement au-dessus des sommes dont le détournement leur est imputé. Les pièces produites n'ont pas été remises en cause, ni par l'accusation, ni par les Avocats de la CRTV. » 
De l’avis de la partie défenderesse, « Bela Belinga a été commis pour accomplir une justice à tête chercheuse. » Dès lors, « vous allez déclarer tous les accusés non coupables pour faits non établis », plaide Me Pondi Pondi. 

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La défense d’Amadou Vamoulke a par ailleurs soulevé des exceptions de procédure, tirées du non-respect du principe lié au droit d’un justiciable à être jugé dans des délais raisonnables. Dès lors, « le tribunal se trouve dans un dilemme. S'il condamne Amadou Vamoulke, il se posera la question de savoir s'il avait besoin de Cinq ans pour le déclarer coupable. S'il l’acquitte, se posera la question de savoir s’il avait besoin de cinq ans pour découvrir son innocence. » En rappel, l’affaire Amadou Vamoulke et compagnie a été appelée pour la première fois à l’audience du 25 novembre 2019. 


L’intervention de Me Pondi Pondi clôture ainsi la série des plaidoiries de la défense. L’accusé Amadou Vamoulké s’est exprimé à la suite de son Avocat. La cause est renvoyée au 28 août prochain. Cette audience sera consacrée au délibéré du Tribunal.