Avances de solde : Les Avocats des accusés demandent au Tribunal d’ordonner le RECOUVREMENT des remboursements annulés.

Avances de solde : Les Avocats des accusés demandent au Tribunal d’ordonner le RECOUVREMENT des remboursements annulés.

Les requérants estiment que cette mesure d’instruction permettra à l'Etat, face aux tensions de trésorerie, de rentrer en possession de ses avoirs dont il a été indument dépouillé.

Par Florentin Ndatewouo

Il faut arrêter la saignée ! Les avocats de la défense en n’ont marre. La tension de trésorerie, fille  de la prévarication de la fortune publique appelle une réaction équivalente. Ainsi, Me Christophe Tchudje prend la parole. « Il est absurde de continuer à donner  chaque mois, de l’argent à des personnes qui en doivent déjà à l’Etat, et qui continuent de le percevoir. » Me Christophe Tchudje lève le ton : « Vous avez la liste et les matricules  de ces personnes. Des personnes parfois insoupçonnées. Certains sont même dans cette salle. »   A l’audience d’hier 20 août, l’Avocat de l’accusée dame Lefang Célestine Nkeng renchérit ainsi Me Kamga. Devant la collégialité du Tribunal criminel spécial (Tcs), le défenseur de sieur Leubou Emmanuel a formulé une demande. Cette dernière vise « (…) à obtenir que le Tribunal ordonne le repositionnement de tous les crédits des avances de solde dont on connait les bénéficiaires (…) parmi lesquels figurent certains de vos collègues, et dont les remboursement ont été annulés. »

Me Francis Choupo emboite le pas à ses collègues de la partie défenderesse. L’Avocat de l’accusé Amadou Haman estime que l’opportunité de la demande est justifiée, en ce que, « le témoin de l’accusation, monsieur Biteck a affirmé ici plusieurs fois qu’il suffisait que votre Tribunal leur donne l’autorisation à eux fonctionnaires encore en activité, pour qu’ils procèdent au repositionnement. »  Me Francis Choupo ne manque pas l’occasion de regretter les lenteurs observées dans le cadre de cette cause. Lesquelles lenteurs ne plaident pas en faveur du recouvrement par l’Etat, des fonds dont il a été frauduleusement dépouillé : « Malgré les efforts que vous fournissez pour voir ce procès connaitre un dénouement dans des délais raisonnables, nous sommes déjà à deux ans de procédures et n’avons même pas achevé avec l’audition des témoins de l’accusation. Or, entre temps, certains bénéficiaires des ces avances de soldes peuvent décéder. » En outre, Me Francis Choupo attire l’attention du Tribunal sur des éléments qui se présentent à ses yeux comme des entraves jointes à l’opération de collecte de ces fonds : «  (…) D’autres (fonctionnaires, Ndlr) qui sont encore en activité vont aller à la retraite et n’auront plus les mêmes revenus. » Face à ces inquiétudes, le défenseur d’Amadou Haman plaide qu’il plaise, en attendant que ce procès se termine, « d’ordonner cette mesure d’instruction. La loi vous donnant la possibilité de la faire. » De l’avis de la défense, cette demande n’empêchera pas de s’intéresser aux mécanismes qui ont abouti à la spoliation de l’argent de l’Etat.

 

« On ne peut pas appeler cela autrement que le plaider coupable. En quoi le repositionnement va influencer les faits en jugement dans cette procédure ?»

 

 

Niet ! Le Ministère public ne l’entend pas de cette oreille. Sur la forme, le représentant du Parquet général déni aux Avocats de la défense, la qualité qui les fonde à introduire une telle demande devant le Tribunal.  Dans le fond, l’Avocat général note que les accusés viennent d’user des dispositions de l’article 369 du Code de procédure pénal. Lequel dispose : « le prévenu qui a plaidé non coupable peut, à tout moment du procès, changer d’avis et plaider coupable, auquel cas, le Tribunal procède conformément aux dispositions des articles 361 (1) et 362. » Pour sa part, l’alinéa (1) de cet article énonce : « Si le Tribunal accepte le choix du prévenu qui a déclaré plaider coupable, il donne la parole à la partie civile ou à son Conseil pour formuler sa demande en dommages et intérêts, puis au Ministère public pour produire le casier judiciaire et requérir sur la peine applicable et éventuellement sur la demande des dommages et intérêts. La parole est ensuite donnée au Conseil du prévenu, s’il en a un, puis au prévenu pour sa dernière déclaration. »

Le Ministère public se veut catégorique sur l’interprétation qu’il fait de la demande formulée par le camp adverse : « On ne peut pas appeler cela autrement que le plaider coupable. En quoi le repositionnement va influencer les faits en jugement dans cette procédure ?» Ce qui suscite du côté d’en face, des réactions. A l’écoute des réquisitions du Parquet général, Me Tchudje Christophe cesse de pianoter sur l’écran de son téléphone portable. Il fixe son interlocuteur, et sourit.

De son côté, la partie civile marche sur les œufs. « Nous ne pouvons pas prendre la parole sans avoir recueilli l'avis de notre client, l'Etat du Cameroun. Pour cela, nous sollicitons un renvoi. » Me Kangue et Honoré Mbang s’associent à la posture adoptée par leur collègue, Me Atangana Ayissi.  

Le président de la collégialité enregistre dans le plumitif d’audience les différentes interventions, avant d’annoncer la suspension de l’audience. La cause renvoyée au 27 août prochain. Il est question de permettre à la partie civile d’harmoniser ses arguments en rapport avec la demande, objet des débats.