Observations : « On s'est comporté comme si on était dans le cadre d'une association de malfaiteurs : On vire de l'argent d'un compte public à un compte privé. »

Observations :  « On s'est comporté comme si on était dans le cadre d'une association de malfaiteurs : On vire de l'argent d'un compte public à un compte privé. »
Polycarpe Abah Abah (à gauche) Amadou Vamoulke (à droite), accusés de détournement de biens publics en coaction devant le Tribunal criminel spécial, présents à l'audience Yaoundé/18/10/2022

 

Me Ndjodo Bikoun, l’un des Avocats défendant les intérêts du Ministère des Finances présente le mécanisme à travers lequel, l’infraction présumée de coaction de détournement de biens publics, reprochés à Amadou Vamoulke et Polycarpe Abah Abah a été commise.  En outre, à l’audience de ce 18 octobre au Tribunal criminel spécial à Yaoundé, ses collègues, Mes Jean Bertrand Ndam, Emmanuel Ngouen, Laurent Bondje, mettent en avant la nature des liens de collaboration  entre  l’Ex-directeur général de la CRTV et la directrice générale d’alors de la CMCA. Lesquels ont favorisé la commission des infractions présumés de détournement de biens publics en coaction.

 

Par Florentin Ndatewouo

Les observations de la partie civile suivent leur cours au Tribunal criminel spécial (Tcs). A l’audience de ce 18 octobre, les Avocats du Ministère des Finances axent leurs plaidoiries sur l’infraction présumée de coaction de détournement. Ce chef d’accusation est à la fois reproché à Amadou Vamoulke, en sa qualité de directeur général de la CAMEROON RADIO TELEVISION (CRTV) d’alors, et Antoinette Meyoa Menyeng, directrice de la CAMEROON MARCKETING COMMUNICATION AGENCY (CMCA). Il est fait grief à ces accusés, du détournement en coaction de la somme de 212 millions 18 mille 562 Fcfa.

Amadou Vamoulke, directeur de la CAMEROON RADIO TELEVISION, de 2005 à 2016, nie les faits de détournement de biens publics et coaction devant le Tcs à Yaoundé/08/02/2022

A sa prise de parole, Me Jean Bertrand Ndam sollicite du tribunal une attention au sujet des critères ayant prévalu à la nomination de dame Menyeng Meyoa à la tête de la CMCA. Il indique que dame Menyeng Meyoa est arrivée à la tête de cette structure par appel à candidature. Elle y est recrutée en qualité  d’expert. Me Bertrand Ndam évoque l’existence d’une collaboration entre le directeur général de la CRTV, et sa collègue de la CMCA, « au point où le directeur général dit j'ai signé, j'ai initié. Le dg de la CRTV vous dit l'initiative de toutes dépenses incombait à dame Meyoa. Je signais. » A cet effet, « lorsque l'Etat du Cameroun se rend compte qu'il y a un trou de caisse de 212 millions 18 mille 562 Fcfa, les deux doivent pouvoir en répondre. » Pour cause ? « la collaboration parfaite entre le directeur général de la CRTV, Amadou Vamoulke, et le directeur de la CMCA madame Meyoa ne l'épargne pas du devoir de vérification avant toute signature, parce que c'est sa signature qui fait sortir les fonds. »

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De plus, la partie demanderesse dénonce le silence dont a fait montre les accusés : « Lorsqu'à cela, pendant les débats ici, nullement madame Essomba ne vous dit, j'ai dénoncé un quelconque acte du directeur général et vice-versa, nous comprenons davantage que cette collaboration parfaite a été au préjudice de la CRTV, dont les fonds ont été détournés. » En conséquence, « déclarez les deux accusés coupables de coaction de détournement de la somme de  212 millions 18 mille ne sera que justice », plaide Me Jean Bertrand Ndam.

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« On s'est comporté comme si on était dans le cadre d'une association de malfaiteurs. On vire de l'argent d'un compte public à un compte privé. On a changé d'itinéraire. »

 

 

 

Polycarpe Abah Abah, directeur des impôts (1998-2004), lui aussi plaide non coupable des faits  de détournement de biens publics en coaction avec Amadou Vamoulke devant le Tcs à Yaoundé/29/10/2021

Cette plaidoirie est suivie de celle de Me Ndjodo Bikoun. Les observations de ce dernier portent sur l’infraction présumée de détournement en coaction de biens publics imputée à Amadou Vamoulke et Polycarpe Abah Abah. Courant 2000, la CAMEROON RADIO TELEVISION signe un protocole d’accord avec la direction des Impôts. Ce document prévoit le prélèvement à hauteur de 10% des recettes générées par la Redevance audiovisuelle (Rav). La pratique a cours bien avant l’arrivée d’Amadou Vamoulke à la tête de la CRTV. Le 09 août 2004, par lettre numéro 78/minefi/du/été/Li, le chef adjoint de la division des grandes entreprises, sieur Ngamo Hamani Paul s'adresse à monsieur le directeur général  de la CRTV de l'époque : « monsieur le directeur général, j'ai l'honneur de vous communiquer ci-après le numéro de compte bancaire qui recevra désormais les fonds conformément au protocole d'accord signé entre la CRTV et la direction  des Impôts. Il s'agit du compte : crédit lyonnais (avenue du 20 mai) numéro 311198516315000 ».  Sur ce compte, monsieur Amadou Vamoulke fera effectuer les virements par ses services financiers. Au total, le montant de 594 millions 998 mille 258 Fcfa est transféré en 10 virements distincts. Lesdits virements sont réalisés au profit d'un compte appartenant à l’association dénommée Mutuelle nationale d’assistance au personnel des impôts (Mundi). L’accusation note qu’en sa qualité de directeur des impôts d’alors, l’accusé Polycarpe Abah Abah occupe le poste de président du Conseil d’administration de cette association. En outre, il est cosignataire des comptes bancaires de cette organisation. 

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Au fil des audiences, l’Ex-directeur général de la CRTV affirme avoir cessé ces virements. Une mesure prise au moment où il dit avoir découvert l’absence d’un fondement légal justifiant ces opérations de transfert de fonds. « Le fait pour le directeur général d'arrêter les virements ne peut pas l'absoudre. On aurait espéré la réclamation des sommes déjà versées. Que non », Me Ndjodo de s’interroger : « Cette convention était-elle conforme à la loi? La réponse est indubitablement non. » L’Avocat de l’Etat du Cameroun ajoute : « On s'est comporté comme si on était dans le cadre d'une association de malfaiteurs. On vire de l'argent d'un compte public à un compte privé. On a changé d'itinéraire. »

 

 

«(…) pourquoi la direction des Impôts n'a pas fait une retenue à la source, en vertu du super privilège du trésor qui lui appartient ? »

 

 

 

 

Les observations de Me Ndjodo sont consécutives à celle de Me Hagbe Bell. A l’audience du 14 octobre de l’année en cours, l’Avocat de la CRTV invite le tribunal à un jeu de questionnement : « Est-ce que le compte qui a reçu l'argent est un compte appartenant à l'État du Cameroun pris en la personne du ministère des Finances, via la direction des Impôts ? » Ainsi, s’interroge Me Hagbe, avant d’indiquer que le compte indexé appartient à la Mundi. A l’audience du 14 octobre dernier, le demandeur présente lui aussi ses observations. Il note que la Mundi n'est pas une association déclarée d'utilité publique, « la Mundi n'a jamais été, n'est pas et ne sera jamais, un démembrement de l'État du Cameroun, par le ministère des Finances, qu'importe le nom qu'il a pris, qu'il prend ou qu'il prendra. » Dès lors, « il est donc constant, que monsieur Amadou Vamoulke, en accord avec monsieur Abah Abah Polycarpe, a donc viré sur ce compte où monsieur Abah Abah est signataire de l'argent appartenant à la CRTV. »

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Au cours de ses plaidoiries, Me Hagbe s’intéresse à la nature des fonds virés dans le compte de la Mundi. A cet effet, il rappelle que la direction des Impôts a collecté pour le compte de la CRTV, la redevance audiovisuelle. « Si de par la loi, ou un quelconque règlement existant, la CRTV se devait de renverser 10% des sommes collectées, pourquoi la direction des Impôts n'a pas fait une retenue à la source, en vertu du super privilège du trésor qui lui appartient ? »

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La partie demanderesse attire ensuite l’attention du tribunal sur les propos tenus par l’accusé Amadou Vamoulke. Ce dernier a reconnu avoir cessé le versement au taux de 10%, des recettes collectées par la direction des impôts, sur la Redevance audiovisuelle. Ceci, en raison de l’absence de fondement légal, justifiant ces versements :« pourquoi n'a-t-il (Amadou Vamoulke, Ndlr) jamais réclamé à la Direction des Impôts ou même au ministère des Finances, le remboursement de ces sommes indûment perçues ? » Le demandeur de poursuivre : « monsieur Abah Abah Polycarpe peut-il continuer à dire au regard de la loi, au regard de la doctrine savante et au regard de la jurisprudence constante, que parce que ces fonds ne lui ont pas profité, il ne devrait pas être retenu dans les liens de l'accusation ? » Me Hagbe de conclure d’après un dicton selon lequel : « La causerie entre les gens intelligents n'est jamais longue. »

Au terme de l'audience d'hier 18 octobre au Tcs, les échanges se poursuivent à l'extérieur de la salle d'audience. Dame Meyoa Antoinette, dans un ton ironique, se livre à une intrigue avec les Avocats de la CRTV et du Ministère des Finances, au sujet de leurs plaidoiries :« Me,  je vous remercie d'avoir été hors sujet», déclare-t-elle, le sourire en coin. Interpellé, Me Moïse Pufong de répliquer :«Qui mieux que vous pour adopter une telle posture madame», ainsi répond l'air décontractée, au passage,  ce défenseur des intérêts de la CRTV. «En tout cas, nous avons déjà plaidé le dossier», ajoute son confrère, Me Laurent Bondjé. 

A la demande de la défense, la cause est renvoyée aux 09, 10, 14 novembre et 15 novembre prochain à 11h.