Observations : La partie civile demande la condamnation d’Amadou Vamoulke.

Observations : La partie civile demande la condamnation d’Amadou Vamoulke.

A l’audience du 14 octobre de l’année en cours au Tribunal criminel spécial à Yaoundé, les Avocats de la CRTV ont pris la parole. Au sujet du détournement allégué de la somme de 03 milliards 908 millions 147 mille 385 Fcfa, reproché à l’Ex-directeur de la CAMEROON RADIO TELEVISION, Me Pufong déplore violation par le mis en cause, de la réglementation en vigueur.

 

Par Florentin Ndatewouo

L’affaire revêt une certaine gravité. « Grave par le montant du préjudice que l'État et ses démembrements estime avoir subi, mais aussi et surtout par la qualité des protagonistes ici en cause », souligne Me Pufong. L’Avocat de la CAMEROON RADIO TELEVISION (CRTV) fait ses observations le 14 octobre denier au Tribunal criminel spécial (Tcs) à Yaoundé.

Me  Pufong articule son propos autour du détournement présumé de la somme de 03 milliards 908 millions 147 mille 385 Fcfa, reproché à l’accusé Amadou Vamoulke, « pris individuellement, exception étant fait au volet gonflement de la Redevance audiovisuelle. »

Me Pufong présente les mécanismes à travers lesquels, les fonds querellés auraient été détournés. A savoir :

- la perception des frais « indus » des congés annuels ;

- le paiement « indu » du complément de salaire au personnel du Ministère des Finances nommé à la CRTV…

Les faits en cause se déroulent pendant la période allant du 04 juin 2007 au 30 avril 2008.

L’accusé Amadou Vamoulke a perçu, pour les congés annuels de l'année 2006, un montant de 16 millions 848 mille Fcfa.

Le mis en cause justifie cette sortie de fonds aussi bien au cours de son audition à l’information judiciaire, que devant la juridiction de jugement du Tcs. Lors de son interrogatoire principale le 26 mars 2021, la partie défenderesse affirme  avoir eu recours aux pratiques adoptées par les sociétés de même standing, relevant du portefeuille de l'État. Allusion faite à la Société nationale des hydrocarbures (Snh), la Caisse nationale de prévoyance sociale (Cnps), la Société de presse et d’édition du Cameroun (Sopecam).

Lire aussi: Polycarpe Abah Abah: L'accusation ne m'a pas encore indiqué le texte que j'aurais violé"

En outre, Amadou Vamoulke dit avoir accordé une oreille attentive aux conseils, de son directeur général adjoint de l'époque, « ancien dans la maison, et considéré comme la mémoire de l'office. »

 

 

Amadou Vamoulke, ancien directeur général de la CAMEROON RADIO TÉLÉVISION, accusé devant le Tribunal criminel spécial de détournement de biens publics et coaction, présent à l'audience du 14/10/2022.

« Telle précaution a été manifestement et intentionnellement ignorée par l’accusé ici présent, soumettant le procédé à l'arbitraire, et privant ainsi le montant querellé de base règlementaire. »

 

 

 

Ces explications ne suffisent pas à convaincre l’accusation. La partie demanderesse estime qu’une telle pratique constitue une fraude, « en ce que l'article 112 de la résolution précitée détermine clairement la conduite à tenir en disposant ainsi qu'il suit: «montant des primes :
-le montant des primes et indemnités accordées par la CAMEROON RADIO TÉLÉVISION est fixé et peut éventuellement être revalorisé par décision du directeur général sur accord du Conseil d'administration »
. Me Pufong note qu'en l'espèce, « telle précaution a été manifestement et intentionnellement ignorée par l’accusé ici présent, soumettant le procédé à l'arbitraire, et privant ainsi le montant querellé de base règlementaire. »

Idem pour le paiement à hauteur de 07 millions 212 mille Fcfa. Ce montant est octroyé en guise de complément de salaire, au personnel du Ministère des Finances nommé à la CRTV.

 

 

 

« les responsables financiers (Contrôleur financier, Agent comptable, Comptable matière), nommés auprès des Etablissements publics relèvent du Ministère en charge des Finances… A ce titre, les moyens de fonctionnement de leurs services, ainsi que leur rémunération sont exclusivement à la charge du Ministère de l'Economie et des Finances. »

 

 

 

L'accusé Amadou Vamoulke dit avoir effectué cette opération, suivant les pratiques ayant cours à son entrée en fonction. Une fois de plus, l’accusation y voit à travers cette opération, une entorse à la réglementation en vigueur. Pour étayer son argumentaire, Me Pufong mentionne deux circulaires :

-la circulaire numéro 003/Minefi du 03 janvier 2005 portant instructions relatives à l'exécution du budget de l'État, et des organismes subventionnés pour l'exercice 2005;

-la circulaire numéro 06/013/cf/minefi du 12 janvier 2006 portant instructions relatives à l'exécution et au contrôle de l'exécution du budget de l'État et des organismes subventionnés pour l'exercice 2006. Ces circulaires disposent : « les responsables financiers (Contrôleur financier, Agent comptable, Comptable matière), nommés auprès des Etablissements publics relèvent du Ministère en charge des Finances. Par conséquent, ils ne sauraient être considérés en position de détachement auprès de ceux-ci. A ce titre, les moyens de fonctionnement de leurs services, ainsi que leur rémunération sont exclusivement à la charge du Ministère de l'Economie et des Finances. » Fort de ces dispositions, Me Pufong observe que « ces rémunérations supplémentaires à des personnels relevant du fichier solde de l'État ont été octroyées sans base règlementaire, ou mieux, en violation de celles-ci. » Dns son développement, le demandeur recours à la jurisprudence constante de la Cour suprême. Celle-ci enseigne qu'en matière de détournement de biens publics, « il n'est nul besoin que le bien détourné ait personnellement bénéficié à son auteur, et qu'il en soit déclaré coupable. » 

 

 

 

« L'accusé Amadou Vamoulke ici présent a cru devoir prendre des libertés en s'écartant de l'orthodoxie prescrite en matière de gestion des deniers publics. »  

 

 

 

La partie demanderesse s’appesanti sur la perception « indue » d'une indemnité de transport. Le montant de l’indemnité en cause est d’01 million 200 mille Fcfa. 

 Me Pufong, indique que la résolution numéro 0010/CRTV/ca/DG du 30 mai 2000 relative à l'accroissement du rendement du personnel prévoit une indemnité de transport au personnel de la CRTV, y compris le directeur général. Ladite indemnité de transport revêt un aspect compensatoire, à savoir qu'il doit compenser les fonds engagés par un employé pour se rendre au travail. « L'accusé en a manifestement fait double emploi. Ce qui ne peut que s'expliquer par sa volonté d'élargir les avantages rattachés à sa fonction. » Me Pufong analyse cette perception jugée indue comme une distraction de fonds.  
« L'accusé Amadou Vamoulke ici présent a cru devoir prendre des libertés en s'écartant de l'orthodoxie prescrite en matière de gestion des deniers publics. »  Et de poursuivre : « Là où les textes légaux ou réglementaires lui permettaient de prendre appui, pour engager l'argent public, l'accusé a délibérément fait le choix du ouïr dire, des usages et autres pratiques qu'il déclare avoir trouvé, voire des comparaisons, qui hélas, n'étaient pas toujours raison. »

Lire aussi:Amadou Vamoulke:"Il y a eu plutôt dégonflement des recettes de la Rav

Le demandeur ne laisse aucune place au doute sur « l'existence d'éléments accablants et de procédés frauduleux à l'encontre de la réglementation en vigueur à l'époque des faits, violé par l'expérience et l'intelligence avérées de l'accusé, mais caractérisant des manœuvres ayant abouties au détournement des deniers publics. » En conséquence, Me Pufong demande au tribunal de déclarer l'accusé Amadou Vamoulke coupable des sommes détournées au préjudice de la CRTV et du Ministère des Finances.

Au cours de l’audience du 14 octobre dernier, les observations de Me Pufong sont suivies de celles de son confrère, Me Hagbe.

Lire aussi : Le Ministère public demande la condamnation des accusés Polycarpe Abah Abah, Amadou Vamoulke, Antoinette Menyeng Meyoa.

Les observations de la partie civile sont consécutives aux réquisitions finales du Ministère public. Le Parquet général près le Tcs a requis lui aussi la condamnation des accusés.  

Dans le cadre de cette affaire, Amadou Vamoulke, Polycarpe Abah Abah, Antoinette Menyeng Meyoa sont poursuivis par la CRTV et l’Etat du Cameroun. Devant le Tcs, ils répondent des faits présumés de détournement de biens publics et coaction.

La suite de la cause est prévue le 18 octobre prochain.