Présomption de détournement : Dieudonné Oyono RENAIT de ses cendres

Présomption de détournement : Dieudonné Oyono RENAIT de ses cendres
Dieudonné Oyono recouvre sa liberté au terme de l'audience d'hier au Tribunal criminel spécial à Yaoundé/04/10/2022

Après avoir passé 04 ans 07 mois de détention provisoire à la prison centrale de Yaoundé Kondengui, l’ancien recteur de l’Université de Douala recouvre sa liberté. A l’audience d’hier 04 octobre au Tribunal criminel spécial à Yaoundé, l’agent comptable, sieur Abdoul-Aziz a lui aussi été acquitté. Idem pour le contrôleur financier à l’époque des faits, sieur Amta. Par contre, les régisseurs des caisses d’avance, Eyenga Ottou Louis de Gonzaguez, Ottou Anicet sont déclarés coupables. Dans la même optique, sieur Nandjou Yves Bertin est condamné par défaut à l’emprisonnement à vie.

 

Par Florentin Ndatewouo  

 

16h00. La sonnerie retentit une fois de plus. La présidente de la collégialité effectue son entrée dans la salle d’audience. Elle est accompagnée des deux assesseurs. « L’audience est reprise », annonce Annie Noelle Bahanoui Batende, une fois assise sur son siège. Les regards dirigés vers le prétoire, l’assistance semble abritée d’un sentiment d’impatience. Ce 05 octobre, le Tribunal criminel spécial (Tcs) rend son verdict, dans le cadre de l’affaire qui oppose le professeur Dieudonné Oyono, et 05 autres accusés, à l’Université de Douala.

  Assis au premier banc des accusés, le professeur Dieudonné Oyono a les bras croisés au niveau de la taille. Vêtu d’un costume noir, chemise blanche contrasté d’une cravate bleu nuit, l’ancien recteur de l’Université de Douala fait preuve de patience. Derrière lui, ses codétenus, Eyenga Ottou Louis de Gonzaguez, Abdoul-Aziz, Ottou Anicet, ont eux-aussi, une oreille attentive à l’égard du tribunal. A la prise de parole de la présidente de la collégialité, l’assistance est invitée à se lever pour recevoir la décision : « Le Tribunal, statuant publiquement en matière criminelle par défaut à l’égard des accusés Nandjou Yves Bertin, Amta, et contradictoirement à l’égard des autres parties, déclare le professeur Dieudonné Oyono et Abdoul-Aziz non coupables du détournement de biens publics en coaction de la somme d’01 milliard 455 millions Fcfa… » A l’écoute de cette décision, une dame dans la salle peine à contenir son émotion et applaudit « Oh seigneur ! Tu es grand, merci !!! » Une autre voix plus silencieuse de la rappeler à l’ordre : « Madame, on n’applaudit pas. Calmez-vous, sinon, on vous mettra dehors ».

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« le recteur de l’Université de Douala a agi dans les limites de ses fonctions ».

 

Dieudonné Oyono est également acquitté des chefs de détournement de biens publics en coaction avec les deux régisseurs des caisses d’avance. Dans le cadre de cette affaire, le Parquet général près le Tribunal criminel spécial reproche à l’ancien recteur de l’Université de Douala de s’être approprié les prérogatives du ministre des Finances. Ceci, de par la signature des décisions portant ouverture des caisses d’avance. Un mécanisme qui aurait débouché sur la distraction de la somme de 141 millions 541 mille 293 Fcfa, en ce qui concerne l’infraction de coaction avec le régisseur des caisses d’avance, sieur Eyenga Ottou Louis de Gonzagues.

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De l’analyse juridique du Tribunal, il ressort que « le recteur de l’Université de Douala a agi dans les limites de ses fonctions ». En effet, la compétence du recteur de l’Université de Douala à signer une décision portant ouverture des caisses d’avance trouve son fondement dans divers textes législatifs et règlementaires. Il s’agit de :

-La loi du 22 décembre 1999, portant statut général des Etablissements publics administratifs (Epa) et des Entreprises du secteur public et parapublique ;

-Le décret du 19 janvier 1993 portant dispositions communes aux universités d’Etat ;

-Le décret du 15 mai 2013, portant règlement général de la comptabilité publique ;

-La circulaire du ministre des Finances du 06 janvier 2014, portant instructions relatives à l’exécution de la loi des Finances, au suivi et au contrôle de l’exécution du budget de l’Etat des établissements publics administratifs, des Collectivités territoriales décentralisées, et autres organismes subventionnés.

A titre d’illustration, le point 556 de cette circulaire sus-évoquée dispose : « en ce qui concerne particulièrement les décisions de création des caisses d’avance et de mise à disposition des fonds, elles sont signées par l’ordonnateur après examen et visa du contrôleur financier. Les décisions portant virement de crédit obéissent au même principe. » Pour le Tribunal, « il apparaît de ce point que les ordonnateurs peuvent signer les décisions portant virement de crédit. Il apparaît que la décision porte le visa du contrôleur financier de l'Université de Douala. Il apparaît que l'utilisation desdits fonds a été justifiée. » A la suite de ses observations, le Tribunal note que « les accusés Dieudonné Oyono et Amta n'ont pas de concert obtenu ou retenue les fonds mis à leur disposition. » En conséquence, « il y a lieu de les déclarer non coupables. » 

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Illico presto, le Tribunal prononce la mainlevée du mandat de détention provisoire décerné par le juge d’instruction à l’encontre de Dieudonné Oyono. Par la même occasion, la main levée des scellées sur ses comptes bancaires est prononcée.

 

 

« Ne peut retenir que celui qui paie, à savoir le régisseur des caisses d'avance…N'ayant pas reversé la Tva et l'Ir, n'ayant pas justifié les fonds, les accusés Eyenga Ottou Louis de Gonzagues et Ottou Anicet ont retenu les fonds... »

 

 

Quid des autres accusés ? Eyenga Ottou Louis de Gonzagues est attrait devant le Tcs pour répondre des faits présumés de détournement de biens publics, et coaction de détournement de biens publics. Il est acquitté par le Tribunal sur le chef d’accusation de détournement de biens publics de la somme de 539 millions 964 mille Fcfa.

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Par contre, Eyenga Ottou Louis de Gonzagues est reconnu coupable du chef d’accusation de coaction de détournement de biens publics de la somme de 141 millions 731 mille 293 Fcfa. L’accusation lui fait grief du défaut de prélèvement sur les caisses d’avance dont il avait la gestion, de la Taxe sur la Valeur ajoutée (Tva) et de l’Impôt sur le revenu (Ir). Idem pour l’accusé Ottou Anicet. Pour s’en défendre, les mis en cause ont au cours des différentes audiences présenté deux arguments : l’absence d’une indication prévoyant le prélèvement desdites taxes dans les décisions d’ouverture des caisses d’avance ; l’insuffisance des fonds permettant de satisfaire à ces exigences. Dans son analyse, le Tribunal considère que « l'argument selon lequel les mémoires de dépenses n'ont pas prévu l'Ir et la TVA ne peut prospérer. Même si les mémoires ne l'ont pas prévu, le régisseur est tenu de les prélever... » Le Tribunal précise : « Ne peut retenir que celui qui paie, à savoir le régisseur des caisses d'avance. Suivant deux déclarations de recettes du 27 juillet 2017, et du 24 avril 2018, il apparaît que l'Ir et la TVA ont été versés par l'Université de Douala sur fond propre. N'ayant pas reversé la TVA et l'Ir, n'ayant pas justifié les fonds, les accusés Eyenga Ottou Louis de Gonzagues et Ottou Anicet ont retenu les fonds... » Dès lors, « Il convient de les déclarer coupable du détournement de la somme de 117 millions 478 mille 843 Fcfa pour Eyenga Ottou Louis de Gonzagues, représentant la Tva et l'Ir, 24 millions 252mille Fcfa pour Ottou Anicet. »

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Et la sanction ?

 

Eyenga Ottou Louis de Gonzagues est condamné à la peine de 15 ans d’emprisonnement. Ottou Anicet pour sa part écope de 12 ans de prison.

En guise de réparation, Eyenga Ottou Louis de Gonzagues et Ottou Anicet sont condamnés à payer solidairement à l’Etat du Cameroun, respectivement les sommes de 117 millions 478 mille 843 Fcfa, et 24 millions 252mille Fcfa.

Le montant des frais de procédure est fixé à 15 millions Fcfa pour chaque condamné, et 09 millions Fcfa pour les dépens.

De plus, le mandat d’incarcération est décerné à l’encontre des condamnés.

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Le Tribunal a également statué sur le cas Nandjou Yves Bertin. En fuite, l’accusé a reconnu au cours de l’enquête préliminaire les faits qui lui sont reprochés. Nandjou Yves Bertin est l’objet de poursuites judiciaires, en raison du paiement des salaires aux agents fictifs de l’Etat. Le montant querellé est de 28 millions Fcfa. Le mis en cause n’a pas comparu devant la juridiction de jugement du Tcs. Statuant par défaut, le Tribunal prononce à son encontre la peine d’emprisonnement à vie, ainsi que les déchéances à vie. Les parties disposent de 48 heures pour se pourvoir en cassation devant la Cour suprême.

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Le professeur Dieudonné Oyono est détenu à la prison centrale de Yaoundé Kondengui depuis le 03 mars 2018. Il a été privé de liberté pendant une durée de 04 ans 07 mois. Son acquittement à l’audience d’hier 04 octobre le rend éligible à une demande en réparation, telle que prévue par l’article 236 de la loi du 27 juillet 2005 portant Code de procédure pénale.