Soupçon de coaction de faux en écritures publiques et authentiques, détournement de biens publics : Raissa Mabe , Rita Seini Bikomo, condamnées à la prison à vie
Russel Miching Mindola s’en tire avec 10 ans d’emprisonnement, tandis que les accusés Souaïbou Bah Abdoulaye, Moantjouog Mempou Paulin sont acquittés.
Par Florentin Ndatewouo
L’attente est longue pour Russel Miching Mondola, Souaïbou Bah Abdoulaye, Paulin Moantjouog Mempou. Assis côte-à-côte dans le box des accusés, ils écoutent les regards fixés les membres de la collégialité. Au cours de l’audience de ce 21 octobre, les assesseurs procèdent à tour de rôle, à la présentation du déroulé du procès. Pendant environ 45 minutes, les prises de parole des différents intervenants à cette audience sont portées à l’attention de l’assistance. La lecture terminée, les accusées Raissa Mabe, Rita Bikomo épouse Seini, Miching Mindola sont déclarés coupables. Illico presto, la partie civile formule sa demande: “nous sollicitons en réparation du préjudice réel subi par l’État, de condamner sieur Mindola, dames Mabe Raissa et Bikomo à payer 219 millions 176 mille 393 Fcfa représentant le préjudice matériel subi par l’État. A cette somme, nous vous saurons gré d’adjoindre le montant de 10 millions Fcfa, au titre des frais exposés par l’État pendant la procédure, soit un montant cumulé de 229 millions 176 mille 393 Fcfa.” Appelé à faire ses réquisitions, le représentant du parquet général prend la parole. L’avocat général milite pour la condamnation de sieur Miching Mindola Russel, dames Seini Bikomo et Mabe Raissa conformément à l’article 184 alinéa 1 a du code pénal et qu’en application des dispositions de l’article 397 du code de procédure pénale qu’un mandat d’incarcération soit décerné contre Miching Russel et des mandats d’arrêts soient décernés contre Seini et Mabe Raissa. L’article 184 de la loi du 12 juillet 2016 portant Code pénal dispose que: ” Quiconque, par quelque moyen que ce soit, obtient ou retient frauduleusement quelque bien que ce soit, mobilier ou immobilier, appartenant, destiné ou confié à l’Etat unifié à une coopérative, collectivité ou établissement ou publics ou soumis à la tutelle administrative de l’Etat ou dont l’Etat détient directement ou indirectement la majorité du capital, est puni: a) au cas où la valeur de ces biens excède 500 000 Fcfa, d’un emprisonnement à vie.” De plus, l’avocat général demande qu’il soit prononcé contre Miching Mindola Russel, Mabe Raissa, et Seini Bikomo l’application de l’article 35 du code pénal ainsi que les déchéances prévus par l’article 30 du code pénal à vie, en application des dispositions des articles 184 alinéa 4 et 31 alinéa 1 du code pénal.
Commission d’acte de faux en écritures publiques et authentique/Minfopra/05/2016 (Creative Common)
“compte tenu du fait que la justice n’est pas que répressive, elle est aussi re-socialisante. En lui infligeant une peine de 10 ans, vous lui donnerez par là une chance de se re-socialiser vu son jeune âge…“
Le représentant du ministère public ne s’arrête pas là: “Vous voudrez bien à la demande de la partie civile, lui faire entièrement droit.” La voix moins grave, le ton empreint de sérénité apparente, l’avocat de Miching Mindola effectue sa dernière plaidoirie dans l’affaire. Me Kamdem Sop plaide pour les circonstances atténuantes en faveur de son client. Citant le juge Maurice Aydolot dans son ouvrage intitulé magistrats, il rappelle que ” Le président doit être sévère dans la voix mais bon dans le cœur”. Et de poursuivre: “Monsieur le président, honorables membres du tribunal, tout au long de cette procédure, vous avez été sévère dans la voix. Bon dans le cœur, je vous exhorte à l’être à l’égard de monsieur Mindola Russel en l’admettant au bénéfice de l’âge à la circonstance atténuante”. Au soutien de sa requête, le défenseur de l’accusé, Russel Miching Mindola met en exergue deux éléments: la qualité de délinquant primaire, et la bonne tenue de son client devant la barre. Prenant le contre pied du ministère public, Me Kamdem Sop demande à la collégialité, “de bien vouloir lui infliger le minimum possible de la peine qui a été prévue par la loi, à savoir, 10 ans.” Ceci, ajoute-t-il, “compte tenu du fait que la justice n’est pas que répressive, elle est aussi re-socialisante. En lui infligeant une peine de 10 ans, vous lui donnerez par là une chance de se re-socialiser vu son jeune âge. Je ne saurais terminer sans dire un mot sur la confiscation des biens de mon client. Les biens qui n’ont pas fait l’objet de saisie préalable ne sauraient être confisqués. Déclarez les biens de Monsieur Mindola Russel non confiscables.” Au terme de cette plaidoirie, le président de la collégialité passe la parole à sieur Miching Mindola Russel : “Monsieur le président du tribunal, honorables membres de la Cour, au moment où vous vous apprêtez à prendre votre décision, je prie le Dieu tout puissant de vous guider. Je vous remercie monsieur le Président.”
Le président de la collégialité annonce la clôture des débats. Ils se retire en compagnie des assesseurs pour délibérer. Une pause est observée en salle d’audience. Les avocats des sieurs Souaïbou Bah Abdoulaye et Paulin Mouantjouog Pempem se rapprochent du box des accusés et leur apportent leur soutien moral. A l’extérieur, l’un des greffiers attire l’attention du conseil de Paulin Mouantjouog sur la nécessité d’organiser un moment de réjouissance. Ceci, en raison de l’acquittement imminent de son client :” Me, j’espère que vous allez ouvrir le champagne” formule-t-il, l’air agité. 30 minutes plus tard, la collégialité regagne la salle d’audience. La sentence tombe: ” Le tribunal, statuant publiquement à défaut à l’égard de Mabe Raissa, Rita Seini Bikomo, conformément aux articles 184, 74, 76, 205… du Code pénal condamne les accusés à la prison à vie; condamne Miching Mindola à 10 ans d’emprisonnement, en raison de sa qualité de délinquant primaire; condamne les accusés au paiement de la somme de 742 millions 257 mille 258 Fcfa pour l’infraction de coaction de détournement de biens publics, et le montant de 229 millions 176 mille pour l’infraction de complicité au titre de préjudice subi par l’Etat.” La déchéance est prononcée contre les mise en cause. Par ailleurs, “Statuant contradictoirement à l’égard des parties, le tribunal déclare les accusés Souaïbou Bah Abdoulaye et Paulin Mouantjouog Pempem non coupables et les acquittent.” Les décisions du Tcs sont rendues publiques dans le cadre d’une affaire relative aux fauxrecrutements des ex-temporaires qui ont eu lieu en 2016 au Ministère de la Fonction publique et de la réforme administrative (Minfopra). Chaque partie prenante à ce procès est désormais fixée sur son sort.