Affaire Bekolo Ebe et cie : L’ancien recteur de l’Université de Douala fait le procès du témoin de l’accusation

Affaire Bekolo Ebe et cie : L’ancien recteur de l’Université de Douala fait le procès du témoin de l’accusation
Professeur Bruno Bekolo Ebe, recteur de l'Université de Douala de 2003 à 2012.

Au cours de son interrogatoire principal du 15 juin dernier, l’accusé pointe un doigt accusateur sur la confection et l'utilisation unilatérale par la mission de contrôle, des cas en lieu et place des listings originaux des banques.

Par Florentin Ndatewouo

Nombre de défaillances caractérisent aux yeux du professeur Bruno Bekolo Ebe, les travaux effectués par la mission du Contrôle supérieure de l'Etat (Consupe) à l’Université de Douala. De quoi emmener l’accusé à procéder à ses propres investigations. 04 raisons motivent la démarche du professeur Bekolo Ebe, à savoir :

- le principe de l'unicité des caisses et la nature des opérations que le comptable peut effectuer dans sa caisse ;

- le fait que la mission de contrôle n'a tiré aucun solde global n'ayant fait ni contrôle sur chiffres, ni contrôle sur pièces, et d'autres part, la trop grande dissemblance des résultats de la mission de contrôle avec ceux de la mission Minfi direction générale du trésor, sur la même période ;

- la confection unilatérale et l'utilisation par la mission de contrôle des cas unilatéralement confectionnés par elle-même, en lieu et place des listings originaux des banques et la dissimulation par elle des Procès-verbaux de concordance, signés contradictoirement par elle et l'agent comptable, procès-verbaux dont le professeur Ebe soupçonnait l'existence, et que  finirait par avoir au tribunal administratif ;

- le silence délibéré de la mission, sur l'affaire de détournement.

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Au sujet du principe de l'unicité des caisses et la nature des opérations que le comptable peut effectuer dans sa caisse, le professeur procède à un rappel. L’accusé revêt le manteau d’enseignant des sciences économiques. L’interrogatoire se meut en un cours magistral dispensé dans un amphithéâtre. Le Tribunal est tout ouie. Le professeur Bruno Bekolo  indique que le comptable public a une seule caisse avec trois composantes. Ces composantes sont constituées de numéraires ou d’espèces, de dépôt au trésor (et dans le cas de l'Université de Douala, le dépôt à la Trésorerie générale de Douala), ainsi que les dépôts dans les comptes bancaires.

Dans son développement, le professeur Ebe note que le comptable public ne peut effectuer que 03 types d'opérations sur sa caisse, à l’instar des :

 -opérations de recettes ;

 -opérations de paiement ;

 - opérations de trésorerie

 

 

 

« On ne pouvait ni parler de reversement dans les caisses de l'université et des établissements, puisqu'il n'y a qu'une seule caisse, ni parler de distraction de fonds, puisqu'il n'y a pas eu de sorti de la caisse du comptable. »

 

 

Le professeur Bruno Bekolo Ebe articule sur les opérations de recettes et de paiement. Il observe que lesdites opérations donnent lieu à des entrées et à des sorties de la caisse du comptable, à l’opposé des opérations de trésorerie. « Celles-ci ne donnent lieu ni à des entrées, ni à des sorties de la caisse. Ce sont des opérations internes à la caisse du comptable. Or, les retraits du trésor et des banques sont les opérations de trésorerie. » Conclusion ? « (…)On ne pouvait ni parler de reversement dans les caisses de l'université et des établissements, puisqu'il n'y a qu'une seule caisse, ni parler de distraction de fonds, puisqu'il n'y a pas eu de sorti de la caisse du comptable. Autrement dit, les retraits des banques et du trésor ne pouvaient que se trouver dans la caisse de l'agent comptable sous forme de numéraire ou d'espèces. »

 En outre, l’accusé Bruno Bekolo Ebe reproche à la mission de contrôle du Consupe, le défaut de contrôle sur chiffres, et sur pièces. Au cours de la période des faits, une mission du Ministère des Finances (Minfi), direction générale du trésor effectue un contrôle de la comptabilité de l'Université. Cette mission parallèle à celle du Consupe, s’est déroulée  dans le cadre de la passation de service entre les agents comptables entrant et sortant de l'université. « Les deux contrôles, portant sur la même période et la même comptabilité, les résultats devraient logiquement être sinon identiques, à tout le moins aussi proche que possible », a espéré la partie défenderesse. Celle-ci verra cet espoir s’effondrer. La mission menée par le Contrôle supérieur de l’Etat conclu à des retraits non enregistrés dans la comptabilité et donc non reversés dans les caisses. Ceci, avec pour corollaire l’allégation du détournement de la somme de 03 milliards 344 millions 599 mille 699 Mille Fcfa.

Par contre, la mission Minfi direction générale du trésor évoque plutôt un déficit budgétaire. Pour les 04 années budgétaires, le montant est de 09 millions 685 Mille 439 Fcfa. Il est imputable à l'agent comptable sortant, monsieur Akumah Fon Reuben. Ce dernier en assumera l'entière responsabilité, comme l’atteste le procès-verbal inclus dans le rapport de la mission Minfi direction générale du trésor.  

Cette différence de résultats est sujet à caution. L’accusé Bruno Bekolo y apporte deux explications. La défense évoque le bienfondé de la prise en compte du principe d'unicité des caisses et de la nature des opérations. Cette dernière a permis à la mission Minfi direction générale du trésor de ne pas considérer, « avec raison», les retraits du trésor et des banques comme des sorties de caisse, mais plutôt comme des « opérations internes » de trésorerie.

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A cela, s’ajoute « la méthodologie erronée utilisée par l'une, la mission du Consupe et la bonne méthodologie utilisée par l'autre, la mission Minfi direction générale du trésor, cette dernière ayant fait un contrôle sur chiffres et sur pièces qui a permis de dégager un solde global de période, ce que n'a pas fait la mission de contrôle. »

Dans le cadre de cette affaire, Bruno Bekolo Ebe fait l’objet de poursuites judiciaires avec nombre d’accusés, au rang desquels, Augustin Marie Mboutou, Ayina Ohandja Louis Max, Pokem Jean Pierre, Akumah Reuben Fon. Ils sont attraits devant le Tribunal criminel spécial par le Ministère public, et Université de Douala, pour répondre des faits présumés de détournement de biens publics.

La suite de l’EXAMINATION-IN-CHIEF du professeur Bruno Bekolo Ebe est prévue les 28 juin 28 juillet, et 09 aout prochains.