Téléphonie mobile : Quid du rôle effectif des pouvoirs publics et des opérateurs ?

Téléphonie mobile : Quid du rôle effectif des pouvoirs publics et des opérateurs ?

Nombre d'abonnés ont mis en oeuvre l'opération mode avion ce lundi 24 avril. Ceci, en réponse à un appel au «boycott», en vue d'exprimer leur mécontentement au sujet de la qualité de services fournis par Orange et MTN Cameroun. Ce mouvement d'humeur interroge le rôle statutaire des principaux acteurs  oeuvrant dans ce secteur d'activité. 

Par Florentin Ndatewouo 

Les abonnés et opérateurs de téléphonie mobile au Cameroun ne sont plus en odeur de sainteté. Un appel à la mobilisation en vue du « boycott » des services d’Orange et Mtn est lancé depuis quelques jours sur les réseaux sociaux : « Non aux coûts élevés des services mobiles internet, à la mauvaise qualité du réseau, à la connexion limitée. » Ainsi, justifie des affiches en circulation, attribués aux « jeunes patriotes ». Pour se faire entendre, cette organisation recommande : « mettons nos téléphones en mode avion ! » La manœuvre est prévue ce lundi 24 avril. Elle se tient dans l’intervalle compris entre de 12h et 14h. Artistes de renom, influenceurs, journalistes, politiques,  Avocats, acteurs de la société civile sont de la partie. 
Le mouvement de revendication organisé ce 24 avril traduit la réprobation de la qualité de services fournis par les opérateurs de téléphonie mobile au Cameroun. Il vise à donner un écho aux valeurs de justice sociale. Ce, dans un environnement marqué  par un faible pouvoir d'achat des consommateurs. Lesquels expérimentent paradoxalement au quotidien, les réalités de la vie chère.   

Il convient de noter que les activités des opérateurs et des fournisseurs de services de communication électronique n’échappent pas à la donne des activités commerciales.

A cet effet, l’article 3 de la loi du 21 décembre 2015 régissant l’activité commerciale au Cameroun indique que l’activité commerciale contribue à : 
-stimuler les activités de production des besoins et de services, ainsi que de la compétitivité ; 
-Satisfaire les besoins des consommateurs tant au niveau de la disponibilité, de la qualité des biens et services offerts que du PRIX. En outre, l’activité commerciale vise aussi à lutter contre la pauvreté. 


Il convient de noter que cette loi évoquée en sus dispose en son article 44(1) : « Les prix des biens et les tarifs des services sont librement déterminés par le jeu d’une concurrence saine et loyale sur le marché.» Cette disposition apporte tout de même une nuance :« Toutefois, la fixation des prix et des tarifs de certains produits et services sensibles notamment de première nécessité ou issus des monopoles, peut être soumise à la procédure d’homologation préalable, suivant les conditions et les modalités fixées par voie réglementaires. » 

La liste des  « produits et services sensibles » est contenue à l’article 1 de l’arrêté N°000101/MINCOMMERCE/CAB du 22 mai 2015. Les services de communication électronique ne sont pas pris en compte par cette liste. Dès lors, les tarifs desdits services sont « librement » déterminés par le jeu d’une concurrence « saine » et « loyale » sur le marché.

« la fourniture à tous, des services de communications électroniques de bonne qualité, à des conditions tarifaires abordables, et de façon ininterrompue. » Article 28 de la loi du 21 décembre 2010 régissant la communication électronique au Cameroun 


Cette situation interroge le rôle effectif  des pouvoirs publics, notamment le Ministère des Postes et Télécommunications (Minpostel), et son bras séculier, l’Agence de Régulation des Télécommunications (Art) sur la protection des consommateurs. 
L’Art est chargée de la régulation, du contrôle, et du suivi des activités des opérateurs et des fournisseurs de services de communication électronique. Aux termes des dispositions de l’article 36 de la loi du 20 avril 2015, modifiant et complétant certaines dispositions de la loi du 21 décembre 2010 régissant la communication électronique au Cameroun, « (…) Elle veille également au respect du principe d'égalité de traitement des usagers dans toutes les entreprises de communications électroniques. A ce titre, elle a entre autres pour missions : 
- de veiller à l'application des textes législatifs et réglementaires en matière des Télécommunications et des Technologies de l’Information et de la Communication… »
De plus, l’Agence de Régulation des Télécommunications a pour mission de : 
«-s'assurer que l'accès aux réseaux ouverts au public s'effectue dans des conditions objectives, transparentes et non discriminatoires ;  
-sanctionner les manquements des opérateurs à leurs obligations ainsi que les pratiques anticoncurrentielles ; 
- définir les principes devant régir la tarification des services fournis. »  Dans le même ordre d’idées, il sied de convoquer la notion d' « obligation de service universel des communications électroniques ». Cette dernière est prévue à l’article 28  de la loi citée supra. Elle couvre « la fourniture à tous, des services de communications électroniques de bonne qualité, à des conditions tarifaires abordables, et de façon ininterrompue. »

L’article 66 de la loi du 21 décembre 2010 régissant les communications électroniques au Cameroun prévoit des sanctions à l’encontre des exploitants de réseaux ou des fournisseurs de services de communications électroniques. Ces sanctions sont prononcées à la suite de constatation ou vérification, « (…)soit d'office, soit à la demande de l'Administration chargée des Télécommunications, d'une organisation professionnelle, d'une association agréée d'utilisateurs ou d'une personne physique ou morale concernée. » 

L'organisation du mouvement de revendications par les abonnés de téléphonie mobile est révélateur d'un dysfonctionnement des services publics dans le secteur de la téléphonie mobile. Cette «fenêtre de vulnérabilité» met en avant l'incapacité de la structure sectorielle, à remplir les missions qui lui sont assignées par la législation en vigueur.