Affaire CRTV : Les Avocats de Amadou Vamoulke s’opposent à la qualité de l’expert.
Ces derniers ont présenté les décisions de jugement rendues en France, à l’origine des condamnations de l’auteur du rapport d’audit. Un document ayant servi à la poursuite de l’accusé. L’accusation y voit une volonté de jeter l’opprobre sur la moralité du spécialiste.
Par Florentin Ndatewouo
L’interrogatoire de l’accusé Amadou Vamoulke n’a pas eu lieu comme initialement prévu. A l’audience de ce 27 mai au Tribunal criminel spécial (Tcs) de Yaoundé, la collégialité est plutôt appelée à se prononcer, contre toute attente, sur les documents soumis à son appréciation. Il s’agit des décisions rendues par les juridictions françaises, à l’encontre de la société Adversory. Lesdites décisions sont énumérées par l’avocat français, Me Benjamin Chouai. Au rang de ces 4 documents, figure le jugement rendu le 20 mai 2016 par le tribunal de Lyon en France. Ce jugement, « condamne la société de sieur Belinga pour non-paiement des factures ». Me Chouai évoque en plus « l’ouverture d’une procédure de liquidation judiciaire immédiate sans maintien d’activité. » Ceci, pour mettre en doute la moralité de Issac Bela Belinga, auteur du rapport d’audit à la base des poursuites contre son client Amadou Vamoulke : « le seul et unique élément qui fonde l’accusation portée à tort à l’endroit de sieur Vamoulke se trouve absolument vicié. » Me Chouai est soutenu dans son argumentaire par son concitoyen Me Fabrice Epstien. Le collectif est également composé de Me Alice Kom. L’avocat au barreau du Cameroun s’associe aux interventions de ses confrères « pour montrer la fragilité de l’accusation. » Le représentant du Ministère public écoute les différentes interventions de la défense, sans mot dire. Il prend des notes et prépare son intervention.
« Il ne s’agit pas d’un rapport du Conseil supérieur de l’Etat (Consupe), ni de la chambre des comptes de la plus haute juridiction du pays… »
Me Alice Kom note que la détention depuis plus de 4 ans pour le détournement de plusieurs milliards est le résultat « des rapports qui émanent d’un personnage singulier. » Le ton vif et agressif, elle attaque : « Il ne s’agit pas d’un rapport du Conseil supérieur de l’Etat (Consupe), ni de la chambre des comptes de la plus haute juridiction du pays. Il s’agit encore moins des investigations de notre police judiciaire locale. Mais, les conclusions d’un individu qui a commencé ce genre d’opérations en France, et dont la destination finale nous a été largement décrite par les juridictions compétentes en la matière. » Faux ! Réplique l’accusation.
Le représentant du Ministère public se lève de son siège : « Aux prétentions développées en face, permettez que nous convoquions la loi. » Illico presto, l’avocat général se réfère aux dispositions de l’article 7 de la loi du 14 décembre 2011 portant création du Tribunal criminel spécial (Tcs). Cet article dispose en son alinéa 1 : « Toute plainte, toute dénonciation ou toute requête relative à une des infractions visées à l’article 2, doit faire l’objet d’une enquête judiciaire ordonnée par le Procureur Général près le Tribunal. » Avec emphase, et prestance, le représentant du Parquet général convoque ensuite les dispositions de l’article 10 (5) de la loi du 16 juillet 2012 modifiant et complétant certaines dispositions de la loi du 14 décembre 2011 portant création du Tribunal criminel spécial ; l’article 331 (1), 366 (1) et 413 du Code de procédure pénale, institué par la loi du 27 juillet 2005. Fort de cela, « Nous affirmons de façon péremptoire que de l’entame de l’enquête préliminaire jusqu’à la phase actuelle, les dispositions légales ont été respectées. » A cet effet, il requiert : « la défense ayant opté plutôt de soulever les exceptions de nullité en toute connaissance de cause, nous requérons qu’il vous plaise de joindre ces exceptions au fond. »
« (…) Je sais ce que c’est que d’être à Kondengui. Kondengui n’est pas le Hilton. Et je suis surpris que les avocats de sieurs Vamoulke viennent ici pérenniser la détention de leur client »
L’Etat du Cameroun (Ministère des Finances) estime que la défense jette un coup d’épée dans la mer. Me Kangue, avocat de l’Etat du Cameroun note que les décisions présentées au Tribunal consistent à « jeter l’opprobre à la moralité de l’expert. Ce n’est pas l’expert qui est jugé ici. Les rapports d’expertise ont été déposés en 2016. On vient nous citer ici les décisions qui auraient été rendues en 2017, 2018… C’est un coup d’épée jeté dans la mer. »
Me Kangue indique que les décisions n’ont pas d’incidence sur le déroulé du procès.
Cet avis est partagé par Me Ndjodo Bikoun. De plus, l’avocat de la CAMEROON RADIO TELEVISION (CRTV) relève pour le déplorer la démarche de ses collègues de la défense : « les ¾ des demandes de renvoi sont en réalité des obstructions à la justice. Cela est inadmissible. Je sais ce que c’est que d’être à Kondengui. Kondengui n’est pas le Hilton. Et je suis surpris que les avocats de sieurs Vamoulke viennent ici pérenniser la détention de leur client ». Me Ndjodo Bikoun ne se montre pas tendre à l’égard de ses confrères français : « Quand on vient plaider ici (Cameroun), on doit s’approprier de la loi camerounaise. Sinon, on va en villégiature. »
La partie défenderesse ne joue pas aux victimes résignées. Me Pondi, l’un des avocats de Amadou Vamoulke monte au créneaux : « pour nous, ces pièces sont importantes. C’est nous qui savons où nous voulons aller. » Ce dernier dit avoir attiré l’attention de la collégialité sur la qualité de l’expert lors de son contre-interrogatoire. Cependant, il dit avoir été confronté à l’objection du ministère public. Laquelle a été validée par la Tribunal.
Appelé à interroger son client, Amadou Vamoulke, la défense s’y est opposée malgré la proposition d’un assesseur. Elle souhaite le faire au moment de la production des pièces à conviction. Le Tribunal prend acte, et suspend l’audience. La cause renvoyée au 31 mai, 2 et 3 juin prochains.
Dans le cadre de cette affaire, Amadou Vamoulke, Jean Pierre Mbiaga, Belinga Gabriel, Ngamva Lucie, Abel Gara, Zufambom Vishiti Christianna épouse Vega sont poursuivis par le Ministère public, l’État du Cameroun (ministère des Finances Minfi) et la CAMEROON RADIO TÉLÉVISION (CRTV). Les accusés répondent des infractions de détournement de biens publics et coaction.